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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce qui est très plaisant avec les masses critiques privilégiées, outre le fait de recevoir un roman dans ma boîte aux lettres en échange d'un avis et d'avoir l'opportunité, souvent, de lire des livres en avant première, est de sortir de ma zone de confort. Parfois, malheureusement, ça ne le fait pas. Mais parfois, comme ici, ça le fait grave! Et, clairement, Dieu est un voleur qui marche dans la nuit (j'aime beaucoup le titre) est un livre/roman que je n'aurais pas lu s'il ne m'avait pas été directement proposé. J'aurais peut-être (et je dis bien peut-être) pris le livre entre mes mains en librairie mais l'aurais reposé me disant que le sujet et le thème n'allaient pas forcément me plaire. Et je serais alors passé un côté d'un super moment de lecture.

Quentin Bruet-Ferréol a réalisé un vrai travail d'investigation sur la secte Heaven's gate qui a défrayé la chronique aux Etats-Unis en 1997 lorsque les 39 adeptes qui vivaient ensemble se sont suicidés (je ne divulgâche rien, cela se passe dans les premières pages du livre). Moins spectaculaire que le temple solaire, et moins connue aussi en Europe, cette secte existait pourtant depuis plus de vingt ans, avec à sa tête les charismatiques Marshall et Bonnie.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, si l'auteur a bel et bien réalisé des recherches pour coller au plus près de la réalité (ce qui est d'ailleurs vérifiable, même si les sources sont principalement en anglais), il s'agit bien ici d'un roman puisqu'il met en scène un membre du groupe, appelé Barthélemy, que le lecteur suivra dans le processus complet d'adhésion.

Je ne pensais pas passer un aussi bon moment avec ce livre. J'ai été happée dès les premières pages, ayant l'impression de commencer un thriller – ce qu'il n'est pas – et me laissant emporter par l'histoire sans m'en rendre compte.
La plume est alerte, rythmée, en plus d'être drôle et teintée d'ironie et de cynisme à certains endroits. le fond est documenté, sérieux, mêlant habilement fiction et faits réels, le tout sans jamais être chiant à lire.
Le gros point fort de ce roman est sans conteste son auteur qui parvient à ferrer son lecteur par une construction narrative très habile.

En résumé, un livre que je conseille, il pourra plaire à beaucoup de lecteurs, férus de thrillers ou polars, intrigués par les faits divers ou toute personne qui aime les plumes ayant une vraie marque, sans pour autant être complexe. Ce roman regroupe tout cela, une réussite d'après moi.


Un grand merci à Babelio, et particulièrement à Pierre, pour me l'avoir proposé dans le cadre d'une MC privilégiée, ainsi qu'aux éditions Bouquins pour l'envoi de ce livre, sans oublier Quentin Bruet-Ferréol pour m'avoir fait passer un aussi bon moment.

Lu en janvier 2022
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Je remercie Babelio et les éditions Bouquins pour m'avoir fait découvrir cette merveilleuse pépite !
Vraiment, je suis enthousiasmée par ce roman très spécial que j'ai dévoré, littéralement.

Pourquoi très spécial ? Car il s'agit d'un roman, certes, mais pas que...

On plonge ici dans l'un des faits divers les plus étranges et spectaculaire de la fin du XXe siècle: le suicide collectif de 39 adeptes de la secte Heaven's Gate qui pensaient rejoindre par ce biais un Niveau Supérieur dans l'espace.
Rien qu'à ce stade du pitch, j'étais déjà très intriguée: je connaissais les Davidiens de Waco, l'ordre du Temple Solaire mais je n'avais aucun souvenir de ces faits là... et très envie d'y remédier.

Le coup de maître de l'auteur est d'avoir savamment combiné les aspects documentaires et romanesques.
Tous les faits touchants à la secte sont non seulement réels, mais surtout extrêmement précis et documentés. On y retrouve tout l'historique du groupe, le parcours de ses gourous et les faits marquants qui ont émaillés la vie de la secte pendant la vingtaine d'année de son existence.

En parallèle, on suit l'histoire de Barthélémy, un jeune adepte qui, lui, est un personnage totalement fictif, ainsi que les autres adeptes cités. Et c'est tout le processus d'embrigadement et manipulation qui est ainsi décrit à travers son parcours dans la secte.

J'ai trouvé ce livre, cette histoire totalement fascinants. Ces gourous capables de maintenir une emprise mentale plus efficace que des barreaux. Ces adeptes en quête d'absolu, qui possèdent une force mentale leur permettant de consentir à tous les sacrifices mais paradoxalement incapables de déceler les contradictions de leur gourou. Les mécanismes, implacables qui mènent à un drame inimaginable.

Ce livre est passionnant, intrigant, une très belle réussite qui m'a donné envie d'aller faire mes propres recherches sur ces faits.
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Dieu est un voleur qui marche dans la nuit de Quentin Bruet-Ferréol.
Paru aux éditions Bouquins.
Titre reçu dans le cadre de la masse critique Babélio.

Premières phrases : « Tout a commencé le jour où j'ai découvert un site internet d'outre-tombe : heavensgate.com . Comment pouvait-il être encore en ligne, alors que tous les membres de la secte Heaven's Gate s'étaient donné la mort un quart de siècle plus tôt ? »
A travers les pages de ce roman, l'auteur décortique le processus d'annihilation de la réflexion, de la lucidité, du libre-arbitre et de la libre-pensée au sein d'une secte apocalyptique Heaven's Gate.
Bo et Peep alias Do et Ti alias les Deux, les gourous parviennent à endoctriner des centaines de personnes en quête d'idéaux en leur faisant miroiter une vie meilleure ailleurs.
C'est en suivant Barthélémy, jeune en manque de repères adepte de bière et de substances illicites cherchant désespérément un but à son existence, que l'on comprend les mécanismes guidant les novices vers la désocialisation, et le détachement total de ce que représente l'humain.
Cherchant dans un univers parallèles un monde meilleur où seuls les élus seront accueillis, où seuls ceux qui ont renoncé à tout pourront s'épanouir. Nous assistons à travers les pages à la mise en place d'un processus de lavage de cerveau et si de temps en temps certains parviennent à retrouver le sens commun et à sortir de la « classe », ceux qui restent se complaisent dans la répétition inlassable des mêmes gestes quotidiens et l'endoctrinement s'enracine davantage.
Le départ du roman se situe au moment où la secte cesse d'exister, en mars 1997, le jour de la macabre découverte par la police de San Diego de 39 corps dans une résidence huppée.
L'auteur a pris soin de mêler fiction et réalité et cela fonctionne extrêmement bien, il est impossible de résister à l'envie de faire de son coté quelques investigations afin de bien comprendre et de s'imprégner de l'ambiance des lieux.
J'ai trouvé très intéressant et très réaliste de « vivre cet assujettissement « de l'intérieur, de comprendre les techniques de manipulations mentales et d'effacement de l'individualité.

Emma aime :
-Le sujet passionnant
-Comprendre
-S'interroger.

Lien : https://www.instagram.com/le..
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Au cours de ma lecture du roman de Quentin Bruet-Ferréol
Il faut dire que ce bouquin, ni trop épais ni trop fin, je l'ai dévoré. J'ai mis beaucoup de temps à me lancer dans sa lecture (Covid oblige). Toutefois, je l'ai avalé, décortiqué, etc. en deux jours montre en main. Il faut dire qu'au début, je me suis demandé si Quentin Bruet-Ferréol ne nous prenait pas « pour des cons », nous, ses lecteurs. Au vu de la der' de couv', je me suis plongée tête baissée dans un ouvrage que je pensais justement didactique, comme un reportage, voire une enquête.
Dans les premiers chapitres, j'ai vu qu'on suivait Barthélemy, et qu'on apprenait à le connaître. Lui, ses pensées et sa façon d'appréhender la vie. de fait, je me suis dit « franchement, c'est un peu l'arnaque ». Je ne voyais pas en quoi ce personnage pouvait me ressembler de quelque manière que ce soit.

Mais…J'ai fini par me laisser prendre au jeu. J'ai pu voir le monde à travers ses yeux et sa logique, pourtant bien loin de la mienne. Je suis donc entrée dans le vif du sujet en prenant part à des décisions qui me semblaient, au premier abord, complètement étrangères. J'ai suivi cet homme, son parcours, ses idéaux, le tout à travers les mots de Quentin Bruet.
Alors attention, je ne dis pas que je serais partisane de Heaven's Gate, mais plus que j'en ai compris les préceptes et les enjeux. Afin de mieux comprendre la soumission des adeptes, j'ai dû cependant adapter la croyance première. Ayant baigné dans un contexte catholique, les OVNI, c'était trop pour moi. Je voulais cependant comprendre qu'un concept puisse vous pousser dans une foi aveugle. Au final, vous pouvez y mettre ce que vous voulez : un Dieu, un artiste, un Alien ou bien un animal… Ça marche avec tout !
À la fermeture du livre, je me suis tout d'un coup sentie seule, et triste. Pourquoi ? Pour avoir passé quelques heures aux côtés de gens qui avaient une foi profonde, une histoire, une connaissance que je n'ai pas. L'auteur, en romançant les grands points de cette histoire incroyable, rend l'intrigue puissante et crédible. Tout simplement parce que, quand vous avancez avec la perception de son personnage, tout se tient, du début à la fin.

Même si au début tout semble surréaliste et emprunt à une folie passagère, rien ne surprend dans le fait que cela devienne une croyance extrême et révélatrice. Même moi, en tant qu'athée, j'y ai trouvé des choses qui auraient pu me pousser dedans.
C'est en cela que j'ai ressenti de la tristesse. En comprenant que, quel que soit notre état d'esprit actuel, on est influençable, beaucoup plus qu'on ne le pense. Qu'il suffit, à un moment donné bien précis, d'un petit coup de mou pour partir dans un délire qui nous semble si vrai qu'on ne distingue plus l'espoir du fantastique. Une secte, pour moi, ce n'est ni plus ni moins qu'une religion plus appuyée qu'une autre (car toute religion peut découler sur des dérives sectaires sans aucun problème). Une croyance qui vous donne un petit coup de pouce, une étincelle supplémentaire et une raison de vous lever.

Parce qu'en effet… Quand on était enfant, on croyait tous aux fées, aux monstres… Qu'est-ce qui a changé ? En tant qu'adulte, on n'a fait que déplacer cette croyance, tout en les justifiant par une éducation, un milieu, etc. Sauf que, le système aujourd'hui est assez ancré dans le monothéisme, peu importe le nom que l'on donne à son dieu. Il y a cependant quelques personnes gravitant autour de croyances différentes, plus proches de ce que la majorité appellerait « mythologie ».

Sauf que, quand on y pense sérieusement, qui peut prétendre savoir qui a tort ou raison ? Qui peut prouver l'existence de telle ou telle créature en dehors de la démonstration qu'en font leurs livres sacrés ? de fait, il ne me semble alors plus si fou de croire en une race supérieure, vivant dans l'espace, peut venir nous sauver.

Ici, le livre sacré est certes plus récent (puisque l'apparition alien potentielle n'est pas si vieille), mais il est aussi emprunt du christianisme. Beaucoup de principes en découlent, avec déformation parfois de ce qui est dit. Mais qui ne l'a pas fait ? de mon côté, je vois au nombre de traductions et interprétations différentes de la bible qu'au final, il n'est pas si dur de lui faire dire ce qu'on veut, alors pourquoi pas lui ? Pourquoi pas DO ?

Est-ce que Quentin nous donne des réponses ?
La réponse est claire : non ! Bien évidemment qu'il répond à pas mal de choses, parce que c'est un travail acharné de l'auteur qui nous est rendu. Pour ce travail, je lui tire d'ailleurs mon chapeau : de la recherche de qualité, et très précise. En revanche, j'avoue que je pensais bêtement, à travers ces pages, trouver des réponses au pourquoi et au comment. Sauf que cette quête, et on s'en rend compte au fur et à mesure de la lecture, est personnelle, subjective, et profondément intime. Il s'agit de faire le point sur ce qu'on pense, ce qu'on est capable de faire, etc. L'auteur a cette délicatesse de nous montrer une voie factuelle, et libre à vous d'en comprendre ou non les codes, surtout de les accepter.

Pour ma part, je les accepte, non pas pour les doctrines qui y sont expliquées, mais pour le chemin qui est emprunté, suivi par des dizaines de personnes. N'avez-vous jamais ressenti la solitude, la vraie, celle qui vous prend aux tripes parce que vous ne savez pas exprimer votre besoin, votre ressenti ou encore votre idée ? Si oui, alors vous pouvez comprendre que, parce que vous avez une sensibilité qui sort des sentiers battus, un coup de pouce suffit pour vous entraîner dans un univers à part, plus singulier que celui de votre entourage.
Eh oui, plus concrètement, rappelez-vous dans les années 90 (oui, parce que j'ai mes limites, je ne peux pas remonter avant ma naissance pour vous parler d'un souvenir 😉 ), ces gens qui étaient filmés sur les roof-top des immeubles américains avec des pancartes appelant les êtres venus d'ailleurs à venir nous visiter, voire nous enlever pour certains.

Le nombre de personnes qui croient en des forces supérieures venant d'une autre planète est énorme, et pourquoi seraient-elles moins plausibles que des chrétiens qui attendent l'Enlèvement ? Voyant tellement de similitudes sur « la fin des temps », je me suis dit tout au long de l'ouvrage que, finalement, ils n'avaient peut-être pas plus tort que d'autres, alors j'ai donné sa chance à cette secte, parce que je voulais voir jusqu'où ça pouvait aller. On ne va pas se mentir, la chute ne m'a finalement pas paru si folle, pas si ubuesque.
En résumé ?

C'est bien vrai, vous avez dû le comprendre, je pense réellement que je pourrais parler de cela et débattre du sujet pendant des heures : il y a tellement à en dire ! En revanche, je vais tenter de vous faire un résumé. J'ai trouvé en les pages de Quentin Bruet une avalanche d'infos, mais aussi des ressentis et une histoire très prenante. Une émotion forte qui vous entraîne dans les perceptions de ces adeptes et qui ne pourra jamais nous apporter de vraie conclusion. Je pense moi-même qu'on ne pourra jamais répondre à la fameuse question « était-ce un suicide ou un meurtre » ?

Quentin Bruet nous étale ici les vies de plusieurs de ces adeptes, des vies normales, des familles, des intérêts que nous avons tous. Cependant, ces gens-là ont, à un moment charnière de leur vie, tout lâcher pour rejoindre le groupe. Folie ou convictions ?
À ce jour, ce n'est plus un secret, il y a des survivants à ce suicide collectif. Pourquoi ? Parce que certains ont raté le bus, mais cela ne signifie en rien qu'ils n'avaient plus la foi. Bien au contraire, et il faut bien appuyer sur ce point : dans ceux qui ont quitté le groupe, il y a ceux qui sont partis tout simplement par conviction, persuadés de s'être fait berner, et ceux qui sont partis à cause d'une déception, d'un désaccord sur un dogme, etc. Dans ces derniers, certains ont juste cru qu'il était trop tard pour eux, que le vaisseau était passé et qu'ils avaient douté au mauvais moment.

De fait, ils sont restés coincés dans un monde qui ne les comprend pas et qu'ils rejettent, mais restent dans l'attente potentielle et n'ont pas perdu ce qui les ont entraînés en premier lieu : un dieu venu d'ailleurs avec des capacités au niveau supérieur de l'humain. le niveau qu'ils auraient pu atteindre en suivant les principes de Do.

Et pourquoi ai-je été dérangée, chamboulée par cette lecture ? Parce qu'encore aujourd'hui, après avoir fouillé internet sur des reportages concernant le thème, avec des interviews de l'auteur vues à droite à gauche… Je ne peux pas répondre à cette question, et comme Barthélemy, je pense que tout est une question de point de vue.

En effet, quel serait le vôtre ? Et seriez-vous capable de voir l'autre ? D'entendre un de ces adeptes parler de sa foi, sans aucun a-priori, sans moqueries, sans jugement… Juste en essayant de comprendre ? 😉
C'est ce que j'ai essayé de faire, et sans avoir la prétention de dire que j'y suis parvenue, je peux toutefois affirmé que je comprends, et une chose est sûre, je me suis demandé si oui ou non, j'aurais été capable de faire la même chose, et la réponse potentielle m'a vraiment mise mal à l'aise.

Bref, lisez cet ouvrage si le sujet vous questionne. Que ce soit via les recherches, via la narration romanesque qui vous plonge dans un univers particulier et d'une façon singulière, Quentin a ici marqué mon premier coup de coeur sur les derniers mois, un récit qui questionne, qui bouleverse, qui secoue…

Un écrit touchant, mais aussi effrayant ! Un appel à notre inconscient, mais aussi à nos croyances les plus profondes et ce à quoi on serait prêt pour combler le vide qui nous tue à petit feu. L'étincelle qui vous anime, c'est laquelle ? Une religion ? L'ésotérisme ? le surnaturel ?

Vous l'aurez compris, je conseille… J'ai donc, par cette lecture, bougé « mon cul » très loin, et mes neurones aussi, sans le sortir de mon canapé, et rien que ça, ça vaut le coup ! 🙂

Un grand merci à Masse critique de Babelio sans qui je ne me serais jamais retournée sur ce type d'ouvrages ! Un merci encore plus grand à Quentin Bruet-Ferréol qui a apporté, à défaut de réponses, une réflexion profonde… J'ai adoré parcourir ces quelque 450 pages ! 🙂

Bonne lecture, et bonnes questions ! 😀
Lien : https://www.jetdemots.com/20..
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Comme l'explique Quentin Bruet-Ferréol dans sa préface, la genèse de ce roman (mais pas que…) est assez particulière :

Tout a commencé le jour où j'ai découvert un site Internet d'outre-tombe : heavensgate.com. Comment pouvait-il être encore en ligne, alors que tous les membres de la secte Heaven's Gate s'étaient donné la mort un quart de siècle plus tôt ? Mon enquête a donc débuté ainsi : après avoir trouvé l'adresse du webmaster, je lui ai envoyé un courriel, sans grand espoir. Et pourtant.

Suivront six années d'enquête, de rencontres et d'échanges pour remonter aux sources d'Heaven's Gate et essayer de comprendre – sans porter de jugement – le pourquoi du comment de ce suicide collectif.

L'histoire des Etats-Unis est fortement marquée par les dérives sectaires et les drames qui en ont découlés. Heaven's Gate ne fut pas le premier exemple… et ne sera sans doute pas le dernier, malheureusement. On peut notamment citer les assassinats commis par Charles Manson et sa « famille » (1969), le suicide collectif de Jonestown organisé par Jim Jones (1978), le siège de Waco (1993)…

L'auteur aurait pu opter pour une énième approche socio-psychologique de l'affaire, mais au lieu d'endormir ses lecteurs à grand renfort de termes savants, d'hypothèses alambiquées et autres décryptages mystico-spirituels, il a opté pour le docu-fiction afin de nous plonger au coeur d'Heaven's Gate.

Dans ce genre de récit le plus difficile est de trouver le bon équilibre entre la réalité (les faits, les témoignages…) et la fiction. le récit s'ouvre sur la découverte de la scène de crime par la police de San Diego, le déroulé des événements est parfaitement restitué, on se croirait presque en direct devant une chaîne info (voire à la place des policiers).

Pour la suite Quentin Bruet-Ferréol nous place dans la peau d'un jeune homme un peu paumé qui va se laisser embobiner par les promesses de la secte. Un choix qui permet de suivre le quotidien des adeptes de l'intérieur et d'avoir un aperçu des « enseignements » dispensés par les gourous.

Si l'auteur a fait le choix, tout à son honneur, de rester aussi neutre que possible et de ne porter aucun jugement, je reconnais volontiers qu'en tant que lecteur j'ai eu beaucoup plus de mal à garder mes distances. Sans nier la véracité des faits (les exemples actuels sont malheureusement encore nombreux), je ne comprends pas comment on peut se faire lessiver le cerveau de la sorte (sur fond de pop culture en plus) et en redemander toujours plus.

Il est vrai que suis totalement et viscéralement hermétique à tout discours religieux et à tout ce qui tendrait à s'en rapprocher, mais même en faisant abstraction de cela, je ne peux concevoir d'être privé de mon libre arbitre et de perdre tout sens du commun… Je ne prétends pas être immunisé contre ces conneries – je n'aurai pas cette prétention –, c'est plutôt pour souligner l'habileté malsaines de ces gourous auto-proclamés à manipuler les autres jusque dans leur façon de penser (ce que Quentin Bruet-Ferréol décrypte fort bien soit dit en passant).

Le titre lui-même est un exemple de manipulation par une (très) libre interprétation d'un passage de la Bible qui dit « le jour du Seigneur viendra comme un voleur dans la nuit » ; qui deviendra, dans la bouche des gourous : « Dieu est un voleur qui marche dans la nuit ». de fait, étant les représentants de Dieu sur Terre, tout leur est permis… CQFD.

Il n'en reste pas moins que le présent docu-fiction est mené d'une main de maître, à défaut de comprendre les uns et les autres, on suit les étapes de leur embrigadement jusqu'à l'issue fatale de mars 1997.

Le gros travail de recherche et de documentation se retrouve dans la narration, mais est parfaitement intégré à la partie fictive de l'histoire ; finalement on parcourt ce récit presque comme on lirait un thriller dont on connaît la fin mais dont on aimerait comprendre le pourquoi du comment d'une telle conclusion. Totalement addictif et captivant du début à la fin.
Lien : https://amnezik666.wordpress..
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Qu'il fume des havanes pour Gainsbourg, vous oblige à choisir entre robe et pantalon chez Mathias (voir chronique précédente), crée le monde en six jours et la femme dans une côte d'Adam au rayon boucherie du Paradis, ou donne la foi à une Ophélie assise sur une pierre, Dieu a toujours fait couler beaucoup d'encre. Et pas mal de sang aussi. Faut-il lui imputer le suicide collectif de 39 hommes et femmes découverts dans une villa californienne en mars 1997 ? Pourquoi pas, « Dieu est un voleur qui marche dans la nuit » alors on peut bien se permettre, comme lui, de ne pas être complètement réglo avec la loi ou de ne pas être très au point sur les notions de Bien et de Mal. Dieu a bon dos depuis quelques milliers d'années, il n'est plus à quelques cadavres près. En réalité, puisqu'il faut bien y revenir à un moment donné, les corps retrouvés sont les adeptes de la secte Heaven's Gate et c'est la découverte du site internet toujours actif de cette secte qui a entraîné l'auteur et journaliste, Quentin Bruet-Ferréol, dans une enquête de 7 ans, absolument fascinante, matériau principal de la construction de son roman.
C'est donc en s'appuyant sur des faits réels que Quentin Bruet-Ferréol nous invite à suivre le parcours de Barthélémy, jeune hippie un poil idéaliste, qui se retrouve, avec sa petite amie Harmony, littéralement happé par le discours que tiennent deux individus du « Niveau Supérieur au-delà de l'Humain », Bo et Peep, lors d'une conférence publique auquel il assiste d'abord par curiosité : il devait y être question d'OVNI mais aussi d'un processus de transition du « niveau humain » jusqu'au fameux « Niveau Supérieur » qui se situerait quelque part dans l'espace.
C'est avec un vrai talent d'écriture romanesque que l'auteur nous décrit d'une part le cheminement par lequel Barthélémy et Harmony deviennent des adeptes actifs et convaincus de la naissance de la secte lors de cette conférence à la mort de ses adeptes évoquée plus haut, et d'autre part, en remontant davantage dans le temps, le passé de Marshall Applewhite et Bonnie Nettles, les deux gourous qui en viendront à prétendre qu'ils sont habités par des esprits extraterrestes venus sur une Terre en passe d'être détruite pour aider ceux qui veulent survivre à partir rejoindre Jésus qui les attend dans un vaisseau planqué dans la queue d'une comète. D'accord, on peut sérieusement douter de la santé mentale d'Applewhite, piloté par ses voix et la frustration d'une homosexualité refoulée, et Nettles, guidée par ses croyances astrologiques et plus globalement occultes, mais Quentin Bruet-Ferréol semble s'attacher à montrer des adeptes qui, eux, ne seraient pas des faibles d'esprit complètement zinzins. Non, ils sont simplement à l'image de cette Amérique qui vit la désillusion de ses rêves des années 70 après le Watergate et la guerre du Vietnam et ce n'est sûrement pas un hasard si les mouvements sectaires fleurissent à cette époque : on croit à tout ce qui permet d'échapper au réel, des OVNIs aux prophètes autoproclamés qui piochent dans les religions les ingrédients de la bouillie sectaire qu'ils feront avaler à ceux qui seront enclins à les écouter. Se réfugier dans l'irrationnel quand on se trouve confronté aux difficultés, à des éléments qui nous dépassent, ce n'est pas nouveau, les mythologies en témoignent, et n'est-ce pas toujours terriblement d'actualité ?
Le roman de Quentin Bruet-Ferréol est passionnant. S'il se lit comme un vrai polar fictionnel dans sa construction, il n'en reste pas moins que résonne dans le lecteur le fait que tout le fonctionnement de la secte est un reflet de la réalité et que, finalement, ces groupes portés par des idées qu'un oeil extérieur pourrait qualifier d'hallucinantes ne sont que des miroirs, certes déformants, grossissants, de nos sociétés. Par exemple, que penser de ce gourou persuadé que son groupe a besoin de se sentir persécuté pour justifier la finalité de sa secte, que pour exister aux yeux du monde, des médias, il se faut un ennemi, quitte à le créer ? Qui mieux que la Police, qui s'est déjà attaqué à la secte Waco à l'époque, pour revêtir le costume de persécuteur. Et quid de ces hommes et femmes prêt·e·s à se soumettre corps et âmes aux discours de gourous charismatiques, quitte à abandonner leur famille, leur sexualité, leur corps, et leur vie même…
Il y a comme des échos du monde d'hier dans le monde d'aujourd'hui et ce n'est pas forcément rassurant.
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J'ai beaucoup aimé ce roman, mêlant enquête journalistique et roman, l'auteur nous emmène dans les rouages de la secte d'Heaven's Gate à travers des personnages fictifs ou non peu importe, car il leur donne tellement d'humanité qu'on les imagine parfaitement avoir été membres de cette secte et c'est ce qui est bouleversant d' ailleurs à travers ce récit qui casse l'image que l'on a des gens qui tombent dans une dérive sectaire, nous n'avons pas à faire à des simples d'esprit ou des illuminés complets, les personnages ne sont pas des marginaux, au contraire, souvent ils ont une vie sociale, travaillent mais ils sont à un point de leur vie où ils sont perdus, se posent des questions et se laissent séduire par ces gourous qui leur proposent autre chose, quelque chose qui pourrait changer leur vie et c'est ça que l'auteur nous raconte, le parcours de ces adeptes au sein d'Heaven's Gate pris dans les rouages d'une dérive sectaire mais aveuglés par le charisme de leaders forts qui les emmène dans un voyage qui va beaucoup trop loin.
Oui cette histoire m'a secoué, mais c'est aussi pour ça que je l'ai aimé, elle nous amène aussi à nous poser des questions sur nos sociétés et ce qui peut amener certains à choisir de telles extrêmes comme Heaven's Gate.
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Coup de coeur absolu pour ce roman !
Le sujet est très intriguant, c'est bien écrit et, si le début est un peu exigeant, une fois qu'on a plongé, on est happé. Les personnages sont fouillés, la structure narrative est bien pensée et une fois le livre fermé, on ne peut s'empêcher d'y penser, encore et encore... parce que ça bouleverse, ça ne laisse pas indifférent.
Une réussite que je recommande.
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Si vous aimez les sectes et la manipulation, ce roman est pour vous. Issu D'une enquête extrêmement rigoureuse de plusieurs années, tous les personnages et les faits sont réels et avérés. Un livre passionnant et dérangeant qui nous met face à notre propres questionnements et se lit comme un road movie…
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Aujourd'hui, je vous parle de « Dieu est un voleur qui marche dans la nuit » de Quentin Bruet-Ferréol .
J'ai eu la chance de remporter ce livre dans le cadre d'une masse critique de @Babelio.com .
Cette histoire, au titre et à la couverture intrigantes, se situe entre le roman noir et le récit d'initiation. L'intrigue a été tissée autour du triste et célèbre suicide collectif de 39 adeptes de la secte Heaven's Gate en 1997. Elle a nécessité pas moins de 7 ans d'enquête.

*****
Dans cette histoire, l'auteur va remonter avant les événements de ce suicide collectif pour nous raconter qui aurait pu être, ce qui a dû être, la vie de ces adeptes avant leur suicide. Des adeptes qui avaient une vie tout à fait normale : certains cherchait encore leur voix, d'autres avaient une famille, d'autres encore allaient mettre au monde un enfant.
Ces personnes vont faire la rencontre un jour de Do et Ti, un duo très charismatique (C'est Do alias Marshall Applewhite qui est en photo sur la couverture). Leur vie va alors radicalement changer. Même si certains faits sont adaptés pour les besoins de l'intrigue, la majeure partie est en revanche basée sur des témoignages de personnes impliquées dans cette histoire. Vous allez voir comment ces hommes et ces femmes vont devoir se soumettre aux règles de ce duo qui ne se considère pas comme des meneurs mais comme des élus qui les mèneront vers le paradis grâce aux soucoupes volantes. L'auteur arrive bien à nous montrer que la manipulation est tendancieuse, nous avons l'impression que leur soumission se fait sur la base du volontariat (c'est sûrement le cas pour plusieurs d'entre eux). Naïveté, faiblesse ? C'est difficile à dire. Ces personnes sont devenues malléables à souhait pour une idéologie incroyable, acceptant alors de perdre leur moi profond, leur personnalité, leur identité, leur famille, leurs biens tout cela dans le but de faire ce voyage sidéral. J'ai parfois été effarée de ce que je lisais, certaines choses me paraissent tellement improbables aujourd'hui.

Il faut quand même recadrer les choses en gardant à l'esprit que ce duo très charismatique a vu le jour dans les années 70, une époque pendant laquelle les influences étaient tout autre. Une époque où il n'était pas rare d'affirmer croire aux aliens alors même que les premiers témoignages d'enlèvements extraterrestres datent des années 60. C'est dans ce contexte que vont évoluer Do et Ti. Malgré tout ce que l'on apprend sur eux dans ce livre, il faut reconnaître qu'ils bénéficient tout deux d'une aura mystérieuse et mystique. de ce fait, et au vu du portrait que leur brosse l'auteur, je comprends tout à fait qu'ils aient pu avoir un tel impact sur leurs adeptes.

Au final, c'est une histoire extrêmement riche, notamment grâce aux recherches qui ont été menées par l'auteur, qui se lit comme un roman noir.
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