Plus les interdictions sont nombreuses, plus un ado a envie de les enfreindre. Si mes parents avaient été moins rigides, tout aurait pu être différent.
Il n’y a rien de pire qu’une ado qui boude. À ce jeu, elle est forte ! Elle peut faire la tête pendant des heures et ça ne présage jamais rien de bon pour la suite.
Remarquez, il y a moins de risques de tuer qui que ce soit avec ce genre de chaussures. Triste consolation… même si j’espère qu’elle ne reproduira pas mes actes et réfléchira avant de commettre l’irréparable.
Tu es jeune et pour toi, tout est soit blanc, soit noir, pourtant parfois il y a du gris.
Je n’ai pas eu une enfance difficile, car je n’ai jamais manqué de rien, toutefois, on ne s’amusait guère à la maison. Mes parents souriaient peu et aucun éclat de rire, ou instant joyeux, ne me revient en mémoire. Triste constat... L’argent ne fait pas tout... Et il n’a pas fait mon bonheur.
Nous faisions les folles puis tout et n’importe quoi pour nous faire remarquer par les garçons. Ce n’est pas pour rien que l’adolescence est appelée l’âge bête ! Les professeurs qui nous accompagnaient s’évertuaient à enrichir nos connaissances. Certes, le château était magnifique et sa façade valait le détour, toutefois du haut de nos seize ans, son architecture nous passait au-dessus de la tête.
Engoncés dans leurs principes, ils usaient d’un langage soutenu et se paraient de tenues austères... peu de voisins les côtoyaient. Même si les critiques fusaient dès qu’ils avaient le dos tourné, ils étaient respectés. Ce n’était pas leur nom à particule qui intimidait les gens, mais le fait qu’ils aient le bras long. Avoir des connaissances haut placées s’avérait utile et il valait mieux les avoir dans sa poche. Mes parents s’en rendaient-ils compte ? Ignoraient-ils volontairement les ragots… ? En tout cas, j’étais malheureuse et ils n’en avaient cure.
D’agréables souvenirs d’adolescence me reviennent en mémoire et plus particulièrement une journée qui fut riche en émotions.
Je n’étais pas ce que l’on peut appeler une ado rebelle. J’étais relativement sérieuse et lorsque je quittais le droit chemin, c’était surtout pour contrarier mes parents et les contredire. Je ne supportais pas leur côté guindé et leur esprit étriqué. Comment aurais-je pu m’épanouir et me construire dans cette maison terne où le moindre de mes gestes était scruté ?
Du haut de ses seize ans, elle ne se rend pas compte que rien ne va et que notre vie ne sera plus jamais la même. Nous avons atteint un point de non-retour. Nous fuyons à cause de mon imprudence.
Être sermonnée par ma fille n’est pas très agréable même si elle a entièrement raison. Je suis incapable de me responsabiliser et cela ne date pas d’aujourd’hui. Pourtant, les choses ont changé, Mathilda n’est plus là pour résoudre mes problèmes et ce n’est pas le rôle de Margaux. Oh, je sais... je m’en rends compte avec un train de retard.