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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Lorsqu'elle écrivit ce premier roman, paru en 1984, Ken Bugul avait 33 ans, elle vivait dans la rue à Dakar et elle avait déjà vécu une vie d'une rare intensité, dont elle dit elle-même qu'il faudrait mille ans (...sous-entendu, à une personne normale) pour vivre une telle vie.

« le baobab fou », premier récit d'une trilogie autobiographique, raconte ce destin hors du commun, celui d'une enfant d'un petit village du Sénégal, brillante élève de l'école française, une enfant coupée de ses parents avec un père âgé de 85 ans à sa naissance et qu'elle prenait pour son grand-père, et une mère ayant quitté la maison familiale quand elle avait cinq ans, une enfant qui découvre en grandissant les dégâts du colonialisme, puis l'Europe quand elle se rend en Belgique pour ses études.

« J'avais avancé dans les rues. Comme ils marchaient vite, ces gens-là. Et moi qui étais si habituée à plonger mes pieds dans le sable chaud et réconfortant. Ici tout le monde marchait trop vite. J'avançais aussi nonchalamment qu'un fauve rassasié en promenade dans la brousse. J'étais bousculée, parfois projetée de tous les côtés. Je m'étais arrêtée à plusieurs reprises pour chercher à me faufiler entre ces personnes qui couraient presque dans tous les sens.
[…] Un monde comme poursuivi par quelque monstre. »

C'est un livre fondateur car Ken Bugul fut une des premières femmes africaines à écrire une autobiographie, un livre dans lequel elle parle sans tabous des sujets qui faisaient scandale à l'époque, la sexualité, la prostitution, son expérience de la drogue, ainsi que de l'impact dévastateur du colonialisme et des attitudes africaines et européennes dans la période post-coloniale.

Mais, au-delà de son analyse critique de la société, ce qui domine ce récit de vie d'une intensité rare et le désir immense de communiquer de Ken Bugul, c'est la blessure d'enfance de l'abandon, pansée progressivement par cette écriture-thérapie, l' absence du père trop âgé pour jouer son rôle de père et surtout l'abandon de la mère partie de la maison.

« Il ne faut jamais laisser l'enfant seul sous le baobab. La mère ne devait jamais partir. Pourquoi était-elle partie ? »
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La formidable quête personnelle d'une jeune Sénégalaise écartelée entre Europe et Afrique.

Publié en 1984, le premier roman de la Sénégalaise Ken Bugul causa un certain scandale, car cette subtile trame d'inspiration autobiographique ne faisait pas dans la dentelle. Mêlant étroitement l'attachement à la fois indispensable et aliénant au "village" et à la tradition en Afrique, et le désir puissant de découverte et d'insertion dans l'Europe (à travers l'arrivée à Bruxelles de la jeune boursière protagoniste du récit), terre de toutes les ambitions, de tous les désespoirs et de tous les constats d'étrangeté, plus ou moins radicale.

La fine mais parfois brutale description de ce choc culturel, servie par une écriture précise, poétique en permanence et crue lorsque nécessaire, annonce aussi les deux romans à contenu autobiographique qui suivront, avant que Ken Bugul, débarrassée de son fardeau personnel ainsi brillamment digéré et sublimé, ne devienne une voix totalement unique, capable de tracer une route étonamment puissante et surprenante (comme par exemple dans son magnifique "Rue Félix-Faure" de 2005).

Le coup d'éclat initial d'une auteur majeure, et pas uniquement au sein de la "francophonie".

"Les cases étaient jaunes, les hautes herbes jaunes, le sable jaune, les animaux jaunes, les êtres humains jaunes. Il faisait très sec et le soleil craquait sourdement tant il faisait chaud. le village continuait sa vie. Les habitants la leur.

Une fois, la mère était allée chercher de l'eau au puits, en fin d'après-midi. Sur le petit chemin tracé par les pas depuis des années, elle marchait perdue en elle-même, elle ne sentait rien. C'était chaque fois ainsi ; son regard était posé devant elle, mais elle ne regardait rien, elle ne voyait rien. Ce calme, cette sérénité règne dans tous les villages, sur tous les visages. Était-ce résignation ou paix ?"

"J'avais pris l'avion, folle de rage et de désespoir. le non-retour des choses avait amputé la conscience. le rétablissement était devenu impossible. Rétablissement de l'enfance perdue, envolée un après-midi, la première fois que j'avais vu un Blanc.
Le sublime se superpose à l'irréel et j'étais incapable de rêver. le rêve m'était interdit comme par la suite tout ce qui consistait en la survie de
l'irréel, cette illusion qui donnait envie de poursuivre. j'étais arrivée comme le diable engageant le combat avec l'adversaire.
J'avais essayé de me défier, ce fut presque la victoire, mais le jeu valait-il la peine ? J'avais repris conscience à temps.
Les retrouvailles furent applaudies par le baobab mort depuis longtemps. "Ce baobab que tu vois là, il est mort depuis longtemps." "Mais comment est-ce possible ? Il est là, debout, il a toutes ses branches."
"Oui, mais il est mort." "
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Je m'attendais à un livre dans le genre conte africain et euh pas du tout. Récit qui raconte et rend compte du désarroi apocalyptique d'une jeune africaine élevée dans la pure tradition d'un village africain, qui sous la propagande colonialisme, grandira dans l'utopie de la culture occidentale. Elle obtiendra le graal de venir en Occident pour poursuivre ses études. Récit sans tabou et bouleversant.
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Un récit autobiographique très beau, très fort... Sexe, drogue, homosexualité, désillusion par rapport à l'image de l'Europe, mais aussi amitiés, fêtes, vie dans le milieu artistique de la fin des années 1970, ce livre ne laisse pas le lecteur indifférent. le retour sur l'enfance, en fin de récit, éclaire beaucoup le début... Au passage, dans le contexte actuel belge, elle signale le sort d'un des ses amis africains. Repéré un jour par un religieux qui lui propose de lui payer ses études s'il vient dans son couvent, ce dernier vient dès le lendemain dans sa chambre lui demander un "paiement en nature"... le jeune homme réussi à s'enfuir, renonce aux études, mais n'en sort pas indemne.
Lien : http://vdujardin.over-blog.c..
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Une belle écriture qui nous plonge dans l'intimité de la narratrice à la recherche d'elle-même. Elle est confrontée à une culture qu'elle maîtrise mal et qui ne la comprend pas ou du moins très maladroitement. le choc des cultures, le racisme, la difficulté d'appréhender l'autre, les préjugés, c'est par exemple la maladresse de supposer que tous les Noirs qui vivent en Belgique sont originaires du Congo, de complimenter sans cesse l'héroïne sur la beauté de sa peau ; ce sont aussi tous les fantasmes qu'elle inspire aux hommes.
Un livre qui fait réfléchir sur soi aussi et sur son propre rapport aux autres.
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