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Littérairement, Swastika Night m'a semblé assez mauvais. Voire mauvais tout court. Mais son intérêt n'est pas là. Il est dans les réflexions sur le totalitarisme, l'asservissement, la construction d'une société, le féminisme, la culture, l'histoire, l'esprit critique, la réflexion personnelle...

Plus encore, il est dans le contexte de son écriture : le livre n'est pas une uchronie parmi d'autres présentant un monde alternatif où l'Allemagne nazie aurait gagné la Seconde Guerre Mondiale... car il a été publié AVANT la Seconde Guerre Mondiale. Et pourtant on y trouve des éléments sur la guerre ou la solution finale ! L'auteure était douée d'une étonnante prescience au moment où les démocraties traitaient encore Hitler comme un partenaire européen lambda...

Si les personnages sont caricaturaux et la thèse de l'auteure amenée au rouleau compresseur, il y a quelques instants de finesse et de grâce. Ainsi cette théorie que l'homme ne peut plus créer s'il perd sa liberté de penser, et que la seule culture d'une dictature serait celle du passé... voire celle du passé qui a échappé aux purges et aux réécritures... de même pour ces passages étranges où on apprend qu'il y a beaucoup de suicides parmi les nazis parce qu'une paix trop longue leur a permis de réaliser la vacuité de leur vie et de leur monde...

En un mot, même si ce livre n'est pas très bon, il est assez révolutionnaire. Il faut donc le lire, ne serait-ce que pour éviter chez nous l'avènement d'une telle Swastika Night.
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Une autre uchronie qui prend place dans un futur où les nazis ont gagné la Deuxième Guerre Mondiale. Qu'est-ce qu'elle a de spéciale, celle-là, allez-vous me demander?

Bien... Elle a été écrite par une femme en 1937. Avant la guerre. Pourtant, à quelques détails près, elle aurait pu être écrire aujourd'hui. On y parle d'homosexualité, de féminisme, de masculinité toxique, de religion, mais surtout, d'égalité.

On y retrouve les autodafés de Fahrenheit 451, le rapport aux mots de 1984 et le rôle des femmes de Handmaid's Tale.

Bref, la science-fiction doit beaucoup à ce livre pourtant obscur.

Le seul hic : il ne se passe pas grand chose. Sur un peu moins de 300 pages, il y a de l'action dans les 50 premières et les 50 dernières. Les 200 pages centrales sont essentiellement des dialogues socratiques qui explorent l'histoire de cet univers (on est en 2600) et ses enjeux éthiques.

Ça ne m'a pas dérangé une seconde. Mais ce n'est pas pour tout le monde.
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Avant de découvrir ce roman dans la dernière sélection Masse Critique (merci à Babelio et aux éditions Pocket, ainsi qu'aux éditions Piranha qui l'ont traduit en premier lieu !), je n'avais jamais entendu parler de "Swastika Night", tout comme j'ignorais tout de son auteur, la Britannique Katharine Burdekin. Celle-ci a donc imaginé une uchronie dans laquelle les nazis et leurs alliés japonais ont gagné la guerre, ce qui débouche sur... Stop ! Une uchronie, vraiment ? Contrairement à ce que l'on pourrait croire au premier abord, nous ne sommes pas face à un petit frère du "Maître du Haut Château" ou de "Fatherland" comme il en existe tant. Publié en France pour la première fois en 2016, ce roman date pourtant de 1937, soit quatre ans après l'accession au pouvoir de Hitler et deux ans avant le déclenchement de la Seconde guerre mondiale, à une époque où les dirigeants des démocraties occidentales en étaient encore à traiter avec le Troisième Reich comme avec n'importe quel partenaire... "Swastika Night" n'est donc pas une uchronie, laquelle consiste à modifier le passé pour imaginer un autre déroulement de l'histoire, mais une anticipation, puisque Katharine Burdekin extrapole sur les événements de son présent pour imaginer un avenir possible. Loin d'être anecdotique, cette distinction fait tout l'intérêt et la subtilité du roman.

Le futur imaginé par Katharine Burdekin est glaçant. Le "Reich de mille ans" promis par Hitler dans notre version de l'histoire est sur le point de devenir réalité, puisqu'il dure ici depuis plus de sept siècles. Le monde est équitablement partagé entre deux totalitarismes, allemand et japonais, qui se regardent en chien de faïence en attendant d'en découdre pour de bon. L'auteur étant une militante féministe, elle met l'accent sur le terrible sort réservé aux femmes, en écho à l'idéologie machiste qui prévalait à son époque dans l'Allemagne nazie : les femmes dans le Saint Empire germanique sont littéralement traitées comme du bétail, "dépourvues d'âme" elles sont privées des plus élémentaires libertés et leur seule fonction dans la société est celle de la reproduction. Sous la coupe des nazis, l'humanité s'est enfoncée dans l'obscurantisme : la plupart des hommes sont illettrés, il n'y a plus de culture, plus d'art, et le passé précédant la naissance du nazisme a été soigneusement effacé des mémoires. Hitler est devenu l'objet d'un culte religieux, dans lequel le Führer mythifié est célébré sous la forme d'un colosse blond mesurant plus de deux mètres. Mais la mise au jour d'un livre rédigé plusieurs siècles plus tôt, et rétablissant la vérité historique, va faire vaciller les certitudes des nazis du futur...

Au vu de la clairvoyance dont fait preuve l'auteur en dénonçant de manière virulente les méfaits du nazisme dès 1937, les lecteurs francophones qui découvrent ce roman au 21ème siècle peuvent se demander pourquoi celui-ci a été si longtemps oublié, au lieu de connaître la renommée de dystopies fameuses et devenues des classiques telles que "Le meilleur des mondes", "1984" ou "Fahrenheit 451"... Sauf que Katharine Burdekin, il faut le reconnaître, n'est pas un écrivain de la trempe de Huxley, Orwell ou Bradbury. D'un point de vue strictement littéraire, le roman est tout juste passable. Il souffre notamment du fait d'être explicatif et démonstratif à l'excès. Les protagonistes — au nombre de quatre seulement : le chevalier von Hess, Hermann le paysan nazi, Joseph le chrétien et Alfred le "candide" anglais — n'ont aucune substance, ce ne sont que des silhouettes destinées à donner ou recevoir des informations et des explications, au cours de tunnels de dialogues s'étendant parfois sur plusieurs dizaines de pages. Quant à l'intrigue, si tant est qu'il y en ait une, elle est réduite à la portion congrue. Je suis loin d'être un intégriste de l'adage "Show, don't tell", mais en l'occurrence tout le roman ou presque est sur le mode "tell", ce qui est assez dommageable : l'horreur de ce régime nazi du futur nous est exposée en détail, mais on ne la ressent pas réellement, elle peut frapper l'imagination mais ne prend pas aux tripes.

Au bout du compte, en tant que document historique, de témoignage d'une époque, "Swastika Night" est une oeuvre de grande valeur, qui sera lue avec profit par tous ceux que l'histoire du nazisme et de la Seconde guerre mondiale intéresse ; en revanche, pour les lecteurs de SF et plus généralement de littérature, j'aurais du mal à conseiller ce roman avec enthousiasme...
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Il fallait avoir une sacrée paire de couilles pour publier une uchronie dystopique (une dystopie uchronique ?) sur les dangers du nazisme en 1937, alors que la Seconde Guerre Mondiale n'avait pas encore commencé et que certains pensaient toujours qu'elle n'aurait pas lieu.

Des couilles et une sacrée vision des choses qui pourraient se produire si cette idéologie gagnait toute l'Europe.

La guerre n'est pas encore déclarée que l'auteure avait déjà imaginé un conflit terrible, basant son récit sur une victoire des allemands.

Pire, ayant connaissance des faits, je reste sans voix devant la clairvoyance de la dame qui, même si elle remplace les Juifs par des chrétiens, parle déjà d'extermination totale. Et en plus, dans son récit, les Juifs n'existent quasi plus… Exterminés qu'ils furent par les allemands.

C'est là que le roman prend toute sa force car il ne s'agit pas ici d'une 36ème version parlant d'une fin alternative de la Seconde Guerre mondiale mais bien d'une anticipation terrible sur l'avenir de l'Europe et du monde si le nazisme triomphait.

Le roman fait froid dans le dos… Nous sommes 700 ans après Hitler (oui, le vilain moustachu a remis à zéro le compteur de Jésus-Christ), le saint empire hitlérien domine toute l'Europe, et quand je dis toute, c'est toute, même pas un village gaulois pour résister.

Nous sommes face à une dictature impitoyable où les femmes ont autant de droit que les chiens et dont leur rôle est celui de poules pondeuses, juste bonne à se faire engrosser par les hommes et à mettre au monde des garçons, qui leur seront enlevés à l'âge de 18 mois.

Parqués dans des camps, nous sommes soumises au bon vouloir des mâles et le viol n'est plus un crime depuis longtemps. Nous n'avons plus de pensées, plus de vie, plus d'allant, plus rien…

L'art et la culture n'existent plus, les livres c'est pareil, hormis la Bible d'Hitler et les manuels techniques, les gens ne savent plus lire, lire ne sert à rien. Ne reste que la musique, mais tous les grands compositeurs que nous connaissons sont devenus allemands ou autrichiens, sans exception.

De plus, on a beau être 700 plus tard, les technologies ne sont pas très avancées, comme si les Hommes en avaient peur, comme s'ils vivaient toujours à l'époque de 1940 avec ses aéroplanes et ses vieux camions de l'époque.

L'univers qui est décrit dans ses pages est tout bonnement impitoyable, horrible, donnant des sueurs dans le dos car tout le monde a oublié ce qu'il y avait avant l'avènement du nain de jardin moustachu et on a fait de ce dernier un Dieu, limite un Jésus puisqu'il a donné naissance à une religion, la sienne.

Tout est effacé, on a réécrit l'Histoire, les faits ont été changés, tout est à la gloire des allemands et des nazis, les religions éradiquées et ce qui les remplace est une horreur sans nom, les chrétiens étant même considéré comme moins que des rats !

Ah, et le petit homme ventripotent que nous connaissons, moustachu, moche, avec du bide et une mèche de cheveux gras est devenu – propagande oblige – un grand blond magnifique (2,10m) aux yeux bleus, avec des cheveux blonds et longs digne d'une pub de chez l'Oréal, un être quasi divin, et pas sorti du ventre d'une femme.

On lui a écrit une légende, il fait l'objet de culte, on visite les lieux saints en Allemagne et les seuls à ne pas avoir été envahis sont les japonais, qui eux, tiennent sous leur coupe les américains.

L'histoire gravite autour d'Alfred, un anglais, le personnage principal avec Herman, l'ouvrier agricole l'allemand et von Hess, le chevalier.

Malgré leurs différences et leurs divergences, ces trois là vont discuter ensemble et le chevalier fera de terrible révélations à nos deux hommes, plongeant dans le désarroi le plus total l'allemand qui voit ses croyances s'effondrer.

Trois personnages attachants, réalistes, avec leurs pensées conformes à ce qu'ils ont toujours vu et vécu, la rébellion étant à proscrire chez les soumis, d'ailleurs, ils n'y penseraient même pas. Pourtant, comme le personnage d'Orwell dans 1984, Alfred a déjà conscience qu'on lui a menti cherche à déjouer la supercherie.

On ne peut pas dire qu'il se passe des tas de choses importantes, dans ce roman, mais on s'en moque, la narration étant tellement forte que l'on blêmit lors des conversations entre Alfred et le chevalier (haut grade chez les allemands), en découvrant la vie des gens, la condition de la femme, de l'enfant, les pensées qui sont celles des humains de tout bord.

Loin d'être indigeste, ce petit roman de 230 pages est limpide, facile à lire, même s'il a tendance à vous foutre des claques régulièrement, et pas des petites.

Il y a un réalisme effroyable, dont des faits qui se remarquent depuis quelques temps chez les Chinois avec leur règle de l'enfant unique (plus de garçons que de filles et un déséquilibre, comme dans notre roman).

Ceci est plus qu'un roman, c'était une vraie mise en garde en son temps, et elle vaut toujours pour notre époque ! Qui voudrait d'une telle société où les gens ne pensent pas par eux-même ?

Glaçant !

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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En Résumé : J'avoue je ne ressors pas complètement convaincu de ma lecture de ce Swastika Night qui m'a paru manquer de profondeur, de soin et de finesse. Alors, je ne lui enlève pas son côté récit précurseur face à la montée du nazisme, ce récit ayant été écrit en 1937, mais voilà le reste m'a paru manquer de consistance. L'univers qui nous est présenté parait ainsi en parti incohérent et surtout n'offre qu'une toile de fond minimaliste au récit. Les personnages sont majoritairemnt des clichés qui m'ont donné l'impression d'être exagérés, mais surtout manquent de soin pour qu'on puisse vraiment s'intéresser à eux. Alors, c'est vrai, il s'agit d'un récit d'idées et non d'une histoire romancée, mais même au niveau des réflexions je ne suis qu'en partie convaincu. En effet tout ce qui concerne la notion de pouvoir, de domination, de fachisme, de totalitarisme manque finalement de profondeur, de travail et reste trop léger. Pour moi seul la thématique sur la position de la femme dans la société, sur la notion patriarcale et de domination poussée à l'extrême m'q paru un peu intéressante, même si un peu plus de profondeur aurait été encore plus percutant. L'abus de dialogue dans la construction du récit a aussi été un frein à la lecture. Au final j'ai lu que l'autricce écrivait ses romans en 6 semaines et c'est un peu l'impression que j'ai eu, une envie de partager des idées, mais une réalisation trop expéditive. Dommage.


Retrouvez la chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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Quelle découverte intéressante ! Des siècles après la seconde guerre mondiale, gagnée par l'Allemagne, Hitler a été deifié, Mein Kampf est devenu une bible, l'histoire des pays conquis a été oubliée... Mais des chevaliers résistent comme très toute attente, en se remémorant des souvenirs de cette période, manière de résister à la doxa commune. Parmi eux, un chevalier se confie à un mécanicien anglais. Leurs échanges sont un pur produit de ce monde effrayant, dépeint par l'auteure...en 1937! Encore plus impressionnant et plus intéressant donc, d'autant que le point de vue de la femme rajoute à l'intérêt du texte. Une belle lecture, qui fait réfléchir...
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Avec Swastika Night, vous avez le droit à un roman satirique et à un essai. L'un assez réussi, bien qu'outrancier par endroit, l'autre ennuyeux.
Reste l'intérêt historique...

Hitler a gagné, la moitié du monde est libéré de la démocratie et du communisme. le bonheur ?
Pas si sûr. voyons ce qu'il en est. 700 ans après la victoire nazie, le monde est divisé en deux parties, l'empire allemand et l'empire du soleil levant. Soit bonnet brun contre brun bonnet ! Hitler est devenu un Dieu et la mythologie a fait le reste.

"L'Unique et Saint, le Héros-Dieu, lui, n'avait naturellement jamais fumé, ni mangé de viande, ni bu bière ou vin. Sa colossale stature (deux mètres dix, mesurait-Il) et les phénoménales prouesses que Lui autorisait Sa force ne devaient rien à la nourriture riche et grossière que prisent les Allemands inférieurs."

Les femmes ont enfin reprit leur place naturelle : au poulailler. le viol est considéré comme un simple acte sexuel, les hommes allemands, ont tous les droits. Plus de famille, les enfant sont retirés à leur mère dès leur plus jeune âge, les femmes restent parquées dans des camps, réduites à un simple statut reproducteur.

"Qu'un homme puisse exprimer une préférence sexuelle pour une femme en particulier (hors celle que pouvaient susciter l'état de santé et la force musculaire de cette femme) était une faiblesse, une preuve d'absence de virilité. "

Et pour diriger cette douce société utopique, il faut bien un cadre. Donc, hiérarchie pyramidale : les chevaliers, les religieux, les simples nazis, les populations asservies, les chrétiens (les juifs ayant été exterminé, il faut bien trouver un nouveeau bouc émissaire) et en bout de chaine les femmes considérés comme de simples animaux.
Le tout avec falsification de l'histoire allant jusqu'à son oubli.

Pour l'intérêt historique, c'est réussi même si parfois la projection est un peu trop satirique, outrancière et appuyée. Mais quelle clairvoyance. Écrit en 1937, l'anticipation de l'idéologie nazie est parfaitement juste.

Pour ceux dont les cours d'histoire ennuie, l'anticipation se suffit-elle seule ?
Nous sommes dans une veine assez satirique, avec des personnages réduits à leur simple expression : le candide, l'initié et l'apprenti. Leurs aventures peuvent donc sembler à la limite du rocambolesque.
Quelques moments assez hilare cependant à mon sens : comme la découverte du vrai Hitler par Alfred et Hermann sur une photographie, l'exacte opposée du mythe. Voilà pour une première partie. Et puis patatras, rupture de ton, on assiste à un dialogue érudit sans fin contredisant la psychologie des personnages. Et comme Hermann, j'avais envie de me présenter devant les rhétoriciens et de leur dire que je préférais continuer ma vie d'avant, ou qu'un résumé me suffirait.

"si vous aviez la bonté de m'y autoriser, j'aimerais mieux continuer à travailler aux champs plutôt que d'entendre parler du livre de votre trois fois noble ancêtre. Veuillez le croire, je ne suis pas un lâche ; cependant, lorsque vous discutez avec Alfred, je n'y comprends rien. Je préfère qu'il me l'explique après vos conversations. Je vous prie donc, Bien-Né, de bien vouloir me congédier. "

Et de deviser sur le nazisme, la virilité, les civilisations, les gouvernements, l'histoire,les femmes et les arts. J'avais l'impression d'être en cours face à un prof ennuyeux, la lecture en diagonale comme seule évasion. Et parfois, l'impression que Katharine Burdekin avait plus à dire sur le féminisme que le nazisme.
N'est pas romancier qui veut. Dommage car le sujet était intéressant et l'anticipation juste

Une postface, Cauchemars éveillés : Et si le Troisième Reich l'avait emporté ?, de Bertrand Campeis clôture le roman. Il revient sur l'uchronie et la seconde guerre mondiale. Paru en 1937, le livre est une dystopie, pourquoi nous parler d'uchronie via une petite pirouette ?
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Paru en 1937 et tout récemment traduit, cette uchronie est d'une incroyable perspicacité. Sept cents ans après la « Guerre de vingt ans » remportée par l'Allemagne, celle-ci gouverne l'Europe et l'Afrique; l'autre moitié du monde étant sous l'emprise des Japonais. Hitler a été institué Dieu-né et du haut de ses 2m10, la statue de ce blond aux yeux bleus décore chaque ville de l'Empire.
Le passé a été supprimé des mémoires, les livres ont été brulés et la bible nazie expurgée de toutes traces de l'Histoire. La société est divisée en trois : le Führer, les Chevaliers et les Nazis. Asservies, les femmes ne sont que des reproductrices serviles, même le sens du mot mariage a été oublié.
Les races inférieures ont été anéanties et celles restant sont soumises et régies par l'autorité nazie et ses lois décadentes. Les quelques chrétiens restants sont persécutés mais vivent encore en famille.

Alfred, un jeune mécanicien anglais de 36 ans, a obtenu le droit de réaliser un pèlerinage sur le sol du Saint Empire Germanique. Retrouvant son ami Hermann qui travaille à la ferme du Chevalier von Hess, il a l'occasion de rencontrer ce dernier. Franc et direct, Alfred ose affirmer qu' « il n'y a pas d'honneur là où ne règne pas la liberté de jugement. » Bizarrement, le courant passe entre eux et Friedrich von Hess révèle à Alfred comment l'histoire fut déformée par un homme, amenant les Allemands à détruire toutes traces du passé. Il n'en faudra pas plus pour qu'Alfred, déjà sceptique, s'engage à répandre ces informations afin que la vérité éclate.

Dans cet univers futuriste, rien n'a évolué : pas de technologie, ni de progrès dans les domaines artistiques, scientifiques, médicaux, militaires... La conformité, l'honneur, le militarisme extrême et le patriarcat sont les ferments de l'Empire en place. Reléguées au rang d'esclaves sexuelles destinées à perpétuer la race, les femmes ont fini par ne plus mettre au monde de garçons et l'équilibre de la société est en danger. Ce sera l'élément déclencheur de la réflexion et du changement.


Il est étonnant que ce roman écrit à la même époque que 1984 d'Orwell soit resté dans l'anonymat aussi longtemps. Les deux histoires présentent des similitudes notamment dans la description du pouvoir aliénant et de l'autoritarisme aveugle. Dans chacun des romans, le héros est conscient qu'on lui ment et cherchera à déjouer la supercherie.

Ce récit rédigé en pleine montée du nazisme et bien avant qu'il ne livre ses pires moments laisse paraitre sa violence, son injustice, sa misogynie et l'horreur qui en découlera. Mais il annonce aussi sa chute. Féroce et subtile fiction qui m'a glacée d'un bout à l'autre.

A lire absolument !

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Je crois que j'ai davantage aimé le fond que la forme !

L'écriture est très dense, elle m'a rappelé les oeuvres que nous étudions au lycée en cours de philo ^^
Les dialogues sont très fournis et reposent souvent sur des remises en question profondes, ce qui est très intéressant

Place, statut et rôle de la femme dans la société, relations parents/enfant, vie de famille, haine de l'autre, définition de l'homme, cohabitation des religions et origines, amitiés... Beaucoup de sujets qui sont tour à tour développés et bousculés

J'ai parfois eu du mal à garder le fil de l'histoire en tête au cours de mes sessions de lecture mais la trame revenait assez vite

Les thèmes abordés sont quand même ultra intéressants et cela fait froid dans le dos de réaliser, une nouvelle fois, que le monde dans lequel nous vivons (et tel que nous le connaissons), ne tient peut-être pas à grand chose et qu'il aurait pu être bien différent si seulement quelques événements n'avaient pas pris la tournure connue (première publication en 1937, tout de même !)

La fin arrive un peu de manière abrupte d'après moi mais clôture bien l'oeuvre donc je n'en suis pas du tout déçue =)

(Yo, si tu passes par là : merci pour la découverte !)
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Nous sommes plus de 700 ans après le triomphe de l'Allemagne Nazie.
Le monde tel que nous le connaissons a complètement disparu. Une nouvelle ère s'est installée.
L'empire Nazi a pris soin de faire disparaître toute trace du monde d'avant.
Désormais, le nazisme est devenu une religion qui vénère le dieu tonnerre et son messie, Hitler.
Hitler, géant aryen, blond aux yeux bleu, qui n'est pas né d'une femme, mais "explosé".
Dans le monde nazi, le culte d'Hitler se perpétue grâce au Führer et à ces chevaliers, les bien-nés.
Les juifs ont depuis longtemps disparu. Les chrétiens sont considérés comme moins que des hommes et à peine toléré. Les femmes, quant à elles, sont reléguées au rang de simple reproductrice, parquée dans des fermes où elles ne servent qu'à enfanter, si possible un maximum de garçons.

Swastika Night est une uchronie de plus.
Et si les nazis avaient gagné la guerre ?
Combien de romans, plus ou moins inspirés, ont brodés sur ce point de départ ?
Beaucoup.
Trop, sans doute.
L'originalité de Swastika Night tient à sa date de parution: 1937. Hitler venait d'obtenir les pleins pouvoirs au Reichstag.
Katharine Burdekin, écrivain féministe, s'inspire de l'idée d'un Reich de 1000 ans énoncé par Hitler pour imaginer le pire.
Publié à l'origine sous le pseudonyme de Murray Constantine, ce roman fut longtemps oublié avant d'être redécouvert en 1985, lorsqu'il fut réédité sous le nom de Katharine Burdekin. Il aura fallut 80 ans pour qu'il soit enfin traduit en français.
La lucidité glaçante dont l'auteur, qui a écrit plusieurs romans de fiction spéculatives marquées par des thèmes sociaux et féministes, fait preuve est impressionnante. Toutes ses "prédictions" restent étrangement crédible. Elle imagine l'éradication totale des juifs, avant que la Solution Finale ne soit finalement mise en oeuvre. Elle décrit une réécriture totale de l'histoire passant par la destruction de tous livres antérieurs au Reich. Les autodafés étaient déjà nombreux à l'époque. Quant au sort des femmes, elle ne fait que s'inspirer des Lebensborns en poussant le concept jusqu'à l'absurde, faisant au passage de la Servante Écarlate une bluette.
Derrière l'outrance assumée de sa dystopie, je ne peux m'empêcher de frissonner. Katharine Burdekin avait compris dans quelle spirale de folie meurtrière Hitler allait plonger le monde. Elle avait entendu les bruits de bottes. Elle n'était sans doute pas la seule. Et pourtant...
Pour excessif que soit le propos, l'histoire ne l'a pas fondamentalement démentie. La folie d'Hitler allait dans une direction qui pouvait déboucher sur le monde qu'elle décrit dans son roman.
Cela dit, au delà de la curiosité, ce roman n'est pas vraiment le chef d'oeuvre qu'on essaye de nous vendre. le roman se perd parfois dans des longues discussion pseudo-philosophiques qui alourdissent le propos. On sent la volonté de l'auteur de convaincre, d'intellectualiser son propos, d'étayer ses thèses. Swastika Night n'était pas prévu pour être un jeu littéraire sans conséquence. C'était une arme littéraire, qui voulait convaincre plus que divertir. Historiquement, le propos est passionnant. Pour le simple amateur, ce roman est intéressant mais jamais vraiment passionnant. Il mérite d'être découvert pour son intérêt historique mais il n'est pas d'une qualité exceptionnelle d'un point de vue purement littéraire. A vous de voir ce que vous recherchez avant de vous attaquer à Swastika Night.
Lien : http://labdmemmerde.blogspot..
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