Il est un exercice créatif que j'affectionne particulièrement.
Remonter à l'embranchement, au tournant décisif et imaginer une histoire différente. Si Napoléon avait remporté sa campagne de Russie ? Si Cléopâtre avait eu le nez plus court ? Si mon oncle en manquait, il serait ma tante ?
L'uchronie.
Parmi les uchronies, il y en a une qui est un peu la Rolls des déviations de l'historiquement exact : et si les nazis avaient gagné la guerre ?
On ne compte plus les visions cauchemardesques d'un monde aryanisé.
FATHERLAND, au hasard, de
Robert Harris qui lance un enquêteur sur les traces d'un tueur en série qui dézingue les caciques du régime hitlérien et qui va mettre à jour le grand secret du Reich. Excellent bouquin que je vous conseille.
Et puis... Bien sûr... LE MAÎTRE DU HAUT CHÂTEAU du grand K Dick.
Grand Dickien devant l'éternel, je dois confesser une incompréhension devant le seul prix Hugo de la carrière prolifique de Dick, son bouquin le plus fa(u)meux. Je défie quiconque d'entraver quelque chose à la fin totalement azimutée du livre, il n'y a rien à comprendre et on reste songeur devant cette entourloupe Dikienne.
On joue à se faire peur.
L'auteur(e) le sait bien qu'Hitler et sa clique ont fini dans les chiottes de l'Histoire.
Mais quand il s'agit d'une uchronie prospective ?
Impressionnant ce livre. Paru en 1937. A l'époque, beaucoup s'accrochait encore à l'hypothèse d'une paix préservée sur le continent, au prix de renoncements coupables face à la mégalomanie d'Hitler.
Il fallait un sacrée vision et un courage certain pour oser écrire un brûlot pareil, même si'l fut édité un premier temps sous pseudonyme.
1937. Une victoire finale des Nazis est alors une hypothèse probable. Il ne s'agit plus de se foutre gentiment les miquettes sachant le fin mot mais de serrer les fesses et tout ce que l'on peut serrer.
SWASTIKA NIGHT est un manifeste. Féministe en premier lieu. la misogynie étant fort répandue, je dirais même qu'il s'agit d'un ressort intime commun aux religions, systèmes de pensées, idéologies etc. Les femmes sont abruties à bouffer du foin ou bien perverses et porteuse de la fin de toutes choses si on n'y prend garde. A vrai dire, on pourrait fort bien s'en passer si ce n'était leur matrice obscure et indispensable pour enfanter. Des garçons de préférence.
Cette vision de femmes reléguées à leur unique fonction reproductrice n'est pas une vue de l'esprit d'une virago désenchantée. Les centres Lebensborn existaient bel et bien dans l'Allemagne nazie où la race suprême devait voir le jour et pallier à disons l'image un brin décalée des élites nazie, Hitler bedonnant parkinsonien, Göring obèse morphinomane, Goebbels au pied bot etc... On est pas vraiment raccord avec l'aigle teutonique triomphant.
Katharine Burdekin, anglaise et progressiste, ne délivre pas avec
SWASTIKA NIGHT, un livre SF pur jus mais plutôt un conte philosophique à la Zadig.
Un dialogue entre un chevalier nazi, qui ne peut se défaire totalement de ses préjugés racialistes quand bien même il sait que ceux ci reposent sur un mensonge d'état, et un jeune mécano anglais, esprit libre, qui par un effort de pensée démentiel arrive à s'extirper du joug intellectuel sous lequel il vit depuis toujours.
On ne peut s'empêcher de saluer le courage et l'intolérable actualité du livre de
Katharine Burdekin.
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