AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SergentPoivre


Evelina est à la fois une fusion (pas totalement satisfaisante) entre le roman de sensibilité à la Samuel Richardson et le roman picaresque à la Henry Fielding et une forme transitionnelle entre les oeuvres des pionniers susnommés et les romans encore à venir de Jane Austen. Mais Frances Burney n'a pas tout à fait, de mon point de vue en tout cas, la subtilité et le sens de la psychologie de Richardson, la verve et l'imagination de Fielding, la finesse et la grâce de Jane Austen (ni la virtuosité d'aucun des trois) et son roman a par conséquent quelque chose d'inabouti, d'un peu grossier. Frances Burney a voulu écrire une satire mais, à mettre en scène trop de personnages grotesques et à trop insister sur les querelles entre lesdits personnages (le capitaine Mirvan et Madame Duval), il me semble que sa satire tourne souvent à la farce bouffonne. Son roman aurait probablement beaucoup gagné si elle avait fait l'impasse sur le ridicule capitaine Mirvan ou si elle en avait fait un personnage nettement moins excessif (n'est pas Henry Fielding qui veut). Quant à ses autres personnages, sans être totalement inintéressants, ils sont pour la plupart assez caricaturaux et insipides. Si Evelina (qui semble ne pas évoluer du tout entre le début et la fin du roman) et Lord Orville préfigurent peu ou prou Elizabeth Bennett et Monsieur Darcy, les deux personnages principaux d'Orgueil et préjugés, ils sont loin d'en avoir la pétulance et le volume.

Je peux tout à fait comprendre que ce roman ait enchanté les lecteurs de 1778 mais, malgré son côté amusant (et sûrement irrévérencieux pour l'époque), il n'est pas pour moi pas à la hauteur des romans qui ont influencé son écriture et de ceux dont il influencera lui-même l'écriture : Paméla ou la Vertu récompensée, Histoire de Clarisse Harlove (Richardson), Joseph Andrews, Histoire de Tom Jones (Fielding), Orgueil et préjugés, Mansfield Park (Austen) sont des chefs d'oeuvre que le temps n'a pas altérés et n'altérera plus, Evelina ou l'entrée d'une jeune personne dans le monde, malgré ses indéniables qualités (roman épistolaire très bien structuré, belle langue) tient plus de la curiosité littéraire. J'en recommande cependant la lecture aux amoureux de la littérature anglaise des 18e et 19e siècles, notamment aux fans de Jane Austen, qui en reprendra l'idée pour en faire un bijou : comme dit plus haut, c'est un des chaînons manquants entre les oeuvres qui ont annoncé le roman moderne anglais et celles qui lui ont donné sa forme définitive.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}