« Mia la regarde, elle sait, elle a entendu tellement de fois des meufs qui culpabilisaient, qui arrivaient à se trouver des torts dans toute l'histoire, elles n'avaient jamais rien fait comme il fallait, pas crié assez fort, pas dit non suffisamment, elles avaient trop bu, commandé de la drogue, fait entrer un inconnu, elles avaient abandonné, elles ne leur avaient pas cassé la gueule, elles s'étaient figées. Elle la prend dans ses bras, sans rien dire, puis la regarde dans les yeux. Doucement, Mia lui répète qu'il ne faut surtout, surtout pas qu'elle oublie que rien n'est de sa faute ».
« Pendant des semaines, chacune dans leur tête elles s'étaient demandé eh ben oui quoi, pourquoi on ne riposterait pas ? Pourquoi on garderait toute cette violence en nous, pourquoi est-ce qu'on dépenserait tant d'argent chez le psy pour « canaliser la colère » sans jamais obtenir justice ni réparations ? ».
« Quand elles avaient décidé qu'elles n'étaient plus intéressées par le procès équitable qu'on leur refusait de toute façon, elles s'étaient demandé ce qui poussait ces hommes, quel que soit leur milieu à vouloir les posséder. Qu'est-ce qui rendait cet acte universel, structurel, et défendu systématiquement par une solidarité masculine sans faille ? « C'est bien simple, expliquait Léo, dans n'importe quel groupe, allez accuser un homme de viol et observez les forces à l'oeuvre pour que surtout rien ne soit bousculé par cette révélation. »
Mia, Lucie et leurs amies ont toutes été victimes de viol et elles sont toutes « fracassées » de l'intérieur. Elles n'ont pas été écoutées, reconnues comme victimes, et n'ont encore moins obtenu justice. Elles ne peuvent donc pas « guérir » de leurs blessures, de leur mal-être ; elles ne réussissent pas à se « réparer ».
Alors dans ce petit groupe qu'elles ont formé -là où elles n'ont pas besoin de se justifier- elles vont trouver un moyen de se reconstruire ; elles vont monter des « expéditions » contre leurs agresseurs, pour leur faire comprendre qu'ils ne peuvent pas s'en sortir aussi facilement.
Le sujet est grave s'il en est et sous les feux de l'actualité. Mais l'auteure ne m'a pas convaincue. Je n'ai pas réussi à la suivre sur cette voie qu'elle explore.
Bien sûr qu'il faut libérer la parole, qu'il faut écouter et réparer, mais comment ? Comment faire prendre conscience à ces hommes qu'ils sont vraiment des violeurs dès lors qu'ils se servent sans qu'on le veuille ? Par le biais de la vengeance, de la revanche, pas sûre… Cela va-t-il réellement réparer ?
L'évolution de la prise en charge des victimes par les services de police et la justice aiderait sans aucun doute ; la pédagogie aussi, peut être ?
Ce que j'ai trouvé intéressant dans son roman c'est la manière dont
Marcia Burnier aborde l'intime de ces femmes ; Elle nous fait prendre conscience de ces dommages invisibles mais dévastateurs causés par ces violences sexuelles mais aussi et surtout, elle nous fait partager leur détresse face au peu de crédit qu'on leur accorde et au statut de victime qu'on leur refuse.
Lu pour les 68 premières fois.