Si j'ai choisi ce roman dans la sélection Folio, c'est parce que j'avais vu et apprécié l'adaptation par la BBC du précédent roman de
Jessie Burton,
Miniaturiste. Il se dégageait une ambiance prenante et intrigante, un mystère mâtiné d'une peinture de la société hollandaise et plus précisément amsterdamoise de la fin du XVIIe siècle. J'attendais donc, avec ce nouveau roman, un peu le même genre d'impressions. Mais j'ai été quelque peu déçue car cela semble moins bien passer par les mots de l'auteur que par le visuel d'une adaptation.
Cette fois, l'auteur choisit de partir d'un tableau : « D'un côté, une fille tenant la tête sans corps d'une autre fille entre ses mains, et de l'autre, un lion, assis, hésitant à bondir sur cette proie ». On ne sait pas s'il existe une toile qui a inspiré
Jessie Burton, tout comme la maison de poupée visible au Rijksmuseum lui inspira la trame de
Miniaturiste. Mais c'est par cette oeuvre que vont communiquer les deux parties du roman. La première en 1967 à Londres, où Odelle Bastien vient de trouver un poste dans une galerie d'art, après 5 ans à vendre des chaussures une fois descendue du navire qui l'amenait de Trinité et Tobago. La seconde en Andalousie en 1936 où la famille Schloss vient de s'installer, avec le père marchand d'art et la fille Olive qui aspire à peindre.
Ce qui m'a déçue, c'est que l'intrigue se sert fort peu des thèmes intéressants qui ne sont qu'effleurés : le génie créatif, la relation du créateur à son oeuvre… Les éléments historiques sont eux aussi peu exploités, ce qui m'a davantage frustrée : le racisme, la misogynie, la guerre d'Espagne, les sixties ou l'époque colonialiste anglaise, rarement évoquée et qui m'aurait beaucoup intéressée.
Pour autant,
Jessie Burton élabore minutieusement ses deux intrigues pour les mêler savamment. Elle se sert de l'acte de création comme ciment entre ces deux époques, entre Odelle et Olive. Si Odelle n'y connait rien en peinture, il est étonnant de la voir autant attachée à ce tableau. On devine les parallèles entre les deux protagonistes, Olive disant plus qu'Odelle les difficultés qu'elle éprouve. Mais les deux sont aux prises avec des contextes qui ne leur sont pas favorables et doivent se battre pour s'exprimer. Odelle manque de confiance en elle, même si elle a par moment des fulgurances où elle ose. C'est d'autant plus compréhensible que le racisme ambiant ne doit pas l'aider. Ce sont d'ailleurs surtout ses interrogations que nous suivons, d'autant que son récit est écrit à la première personne. Ses préoccupations qui pilotent le récit. Et là encore, j'ai trouvé étonnant de n'avoir qu'un portrait incomplet : on ne nous dit que peu de chose de sa vie de tous les jours, de ses difficultés quotidienne, du racisme ambiant, de sa relation avec Lawrie… Tout se passe dans les silences et par ellipse. Et je pense que c'est cela qui m'a surtout gênée : à force de vouloir travailler l'ambiance sans mettre clairement les mots dessus, on perd un peu le lecteur, qui doit combler les blancs. Lorsque le lecteur maîtrise bien le contexte, il est facile de lui faire deviner l'implicite. Mais lorsque le récit aborde des périodes historiques moins souvent utilisées, les choses se compliquent.
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