Ce pourrait être l'énième répétition d'un poncif présent dans les mauvais romans : la renaissance d'un individu au travers de l'amour d'une fille de rue, d'une vulgaire prostituée .Dans un roman atypique,
Un amour,
Dino Buzzati décrit les tourments auxquels est en proie un quinquagénaire, scénariste de son état, Antonio Rodrigo, qui se laisse séduire par Laïde, jeune putain milanaise.
Le roman décrit, bien sûr, tous les mensonges, entourloupes, stratagèmes les plus divers utilisés par Laïde pour sauvegarder sa relation, ses liens avec Antonio, qui paraissent toujours fragiles, aléatoires, et bien sûr contre nature. Pourtant, très rapidement,
Dino Buzzati fait entrevoir avec talent que cette volonté d'aimer, de la part de cet individu en proie aux doutes classiques de la cinquantaine, peut le conduire, ou le reconduire, vers des horizons qu'il croyait définitivement dépassés dans le cadre strict de son existence :
« C'est pourquoi Antonio avait à chaque fois la sensation de franchir une frontière interdite(…) ces règles se brisaient miraculeusement pour satisfaire sa luxure. »
Antonio, au fil de ses liens avec Laïde, se rend compte que sa relation, aussi fragile fût-elle, le renvoie à la prépondérance de la force de vie, à la source même de la vie : »Pourtant, si on les interroge, ils ne sauront expliquer autrement pourquoi les émeut la tempête (…) ils ne confesseront jamais que dans ces scènes, ils trouvent aussi l'évocation d'un rêve d'amour, malgré tout le dégoût qu'un tel terme peut leur donner. »
Roman déconcertant, surprenant, si l'on songe à son épilogue, qui rappelle à au respect de l'humanité des personnes que tout un chacun peut être susceptible d'aimer, y compris des prostituées, et faire oublier la mort : « Oui, l'amour lui avait fait oublier que la mort existait. Et maintenant elle se dressait à nouveau devant lui, elle le dominait. »
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