...] et il dit et les tremblements de terre ? Et les inondations ? Et pourquoi, quand quelqu'un fait le mal, Dieu ne l'empêche t-il pas ? Hein ?
Il posa ses mains ouvertes sur le linge plié :
- J'en ai beaucoup parlé avec les vaches, quand je faisais le moine paysan. Je suis arrivé à la conclusion désespérante que le coupable c'est Dieu. Parce qu'il est impossible que le mal ne réside que dans la volonté du méchant. Il nous donne même l'autorisation de le tuer : morte la bête, mort le venin, dit Dieu. Et ce n'est pas vrai.
Sans la bête, le venin demeure pendant des siècles et des siècles à l'intérieur de nous.
(page 638)
Cette maladie ( Alzheimer) est caractérisée par la formation de fibres interneuronales...
Comment vous expliquer... - c'es la transformation des neurones en fibres épaisses et noueuses... Pour vous donner une idée, c'es comme si le cerveau se remplissait de ciment, de façon irréversible... Le cerveau de votre ami est endommagé à jamais...
Est-il possible qu'il souffre, s'il ne se souvient de rien ?
- Je ne puis l'affirmer de façon certaine...
Bernat se leva les yeux humides. Une étape s'achevait, pour toujours. Pour toujours. Et lui, il mourait un peu du fait de la mort lente de son ami.
Je lis tous les jours et tous les jours je m’aperçois qu’il me reste tout à lire. Et de temps en temps je dois relire, même si je ne relis que ce qui est digne du privilège de la relecture.
Adrià relança la conversation :
- Le dieu chrétien est rancunier et vengeur. Si tu commets une faute et que tu ne t'en repens pas, il te punit de l'enfer éternel.
Cela me semble une réaction disproportionnée et je ne veux rien avoir à faire avec ce dieu.
Le lecteur se retrouve vite perdu dans les brouillards de cinq siècles d’Histoire que tente de suivre le petit poucet, recherchant les cailloux jetés par les personnages en fuite, sur un tracé sinueux où surgit Félix Ardévol, personnage autoritaire doté d’une érudition extravagante qu’il développe au sein d’un magasin d’antiquités aux provenances troubles. Son jeune fils Adrià tente en vain de trouver refuge dans les bras d’une mère effacée qui ne rêve que d’une seule ambition : faire de son fils un violoniste virtuose. -Ugh. Des personnages haut en couleurs inviteront le lecteur à suivre le récit dans un méli-mélo tel qu’il sera impossible à un lecteur averti de résumer cet énorme roman ou d’en partager une richesse à extraire des méandres de la créativité littéraire de cet auteur catalan. Délirant ? Pas vraiment. Car l’auteur nous fera surprendre les confidences que se feront les indiens et le petit cow-boy Carson. Compliqué ? Résumons, il sera question pour le lecteur de faire une tentative de reconstituer le puzzle d’une grande histoire de famille, de la musique, de l’évocation avec passion et regrets d’une enfance ballottée au milieu de ce monde tordu et mystérieux des parents, avec les amitiés et amours de jeunesse.
Ce récit épuisant et énervant à lire, nous entraine dans un voyage de l’Histoire que seul un auteur au « long cours » - huit années de travail – épaulé par un éditeur et quelques éditorialistes et critiques littéraires excités par la particularité du rythme littéraire tenteront de nous faire tenir en main au fil de ces centaines de pages au récit désordonné. Ce roman pourrait nous faire faire un voyage extraordinaire pour autant que les « césures » soient survolées et que le lecteur armé d’une bonne paire de ciseaux puisse réaménager le récit afin de s’offrir un texte concis et heureux à lire. Car il faut du souffle pour plonger et replonger sans arrêt d’un bain à un autre bain d’une autre époque, côtoyant ou retrouvant des personnages déjà cités ou nouveaux venus. Le lecteur groggy n’osera jamais étaler son incapacité à poursuivre son exténuante lecture et se fera expliquer et enfin comprendre que l’auteur, tel un scénariste sans suite adorant les flashes et les flashes-back, n’a pas forcément joué dans la chronologie mais dans la déconcertante facilité d’une manipulation collective qui tente de snober les critères de la littérature classique et conventionnelle et de se hisser ainsi dans la sphère très sélecte des auteurs qui se plaisent à réaliser des entorses aux bases mêmes de la littérature compréhensible.
Donc ce gros livre désarmera plus d’un lecteur. L’auteur en teneur de plume (ou en maître du traitement de texte) aura réussi à faire parler de lui en présentant un texte qui, remis dans l’ordre, a un intérêt certain à être lu, mais qui, tel qu’il est présenté à la lecture est d’une sinuosité telle que les méandres du temps et de l’histoire mènent le lecteur bien loin d’un fleuve tranquille et demandera à plus d’un de ramer sec et dur pour entendre les murmures lancinants de ce violon et les sempiternelles jérémiades d’une histoire qui pourrait être plus agréable à découvrir.
Donc si vous voulez faire le snob, offrez-le à vos ennemis. S’ils ne réagissent pas… vous verrez. S’ils réagissent… vous conforterez ainsi vos plaisirs.
-Ugh.
L’art est inexplicable. [...] On peut tout au plus dire que c’est une preuve d’amour donnée par l’artiste à l’humanité. (p.492)
- On peut être rien ?
Je n'ai jamais su répondre à cette question qu'on m'a posée quand j'étais enfant, parce que l'énoncer m'angoisse. peut-on n'être rien ? "Je" sera rien. Je serai comme le zéro qui n'est ni un nombre naturel ni un entier, ni rationnel, ni réel, ni complexe, mais l'élément neutre dans la somme des nombres entiers ?
A partir de 1941, la décision qui fut prise pour résoudre le problème une fois pour toute fut de laisser la Sainte Inquisition aux enfants de cœur et de programmer l'extermination de tous les juifs sans exception. Et là où il devait y avoir de l'horreur, que cette horreur soit infinie. Et là où il devait y avoir de la cruauté, qu'elle soit absolue, parce que maintenant c'était l'histoire qui prenait la parole.
Tu as remarqué que la vie est un hasard insondable ? Des millions de spermatozoïdes du père, un seul féconde l’ovule qu’il faut. Que tu sois née ; que je sois né, ce sont des hasards immenses. Nous aurions pu naître des millions d’êtres différents qui n’auraient été ni toi ni moi.
"Mais je sais que les mères retrouvent leurs filles mortes. S'il n'en était pas ainsi, la vie ne serait pas supportable."