Nos vagues à l'âme

Lui, tout ce qu’il savait faire, c’était baiser. Mécaniquement, efficacement, mettant en pratique l’expérience acquise, mais surtout avec détachement. Ce n’était qu’une étape, dont il ne tirait qu’une satisfaction plutôt sommaire finalement, très basique – il le comprenait désormais, après ces moments avec Emma –, avant de vraiment passer à l’action, de tout retourner pour devenir aussi détestable que cruel et obtenir ce qu’il désirait vraiment : blesser.

Elle l’avait anéanti. En un claquement de doigts.
Échec et mat. Et dire qu’elle l’avait dominé durant toute la partie n’était qu’un euphémisme. Lui, pourtant maître en la matière, quelle ironie !
Pour elle, il avait renié ses ténèbres, s’était débarrassé du cynisme quasi pathologique qui l’habitait depuis si longtemps, de ses remparts contre le monde, et était devenu quelqu’un de différent. Quelqu’un de meilleur.
Pour elle, il avait choisi d’essayer de recoller les morceaux de sa vie, de les réassembler différemment, afin d’en faire un tableau un peu moins laid. Pour elle, il s’était senti capable de dépasser son handicap. Pour elle… ou pour du vent.

Que, durant tout ce temps, elle n’ait eu qu’un seul but, une seule idée en tête : le détruire. Pour se venger. Venger toutes celles à qui il avait fait du mal.
Et enfin te rendre la monnaie de ta pièce.

Elle s’est jouée de toi, de la même façon que tu t’es joué de toutes les autres. Et c’est bien fait. On récolte ce que l’on sème…

— Non, refusa-t-elle tout net, avant d’ajouter, le crucifiant d’un coup : C’est fini, Louis, un point c’est tout. Je ne veux plus te parler. Je ne veux plus jamais te voir non plus.
Il délirait, il ne pouvait pas en être autrement. Il avait rêvé, Emma n’avait jamais prononcé ces mots. D’ailleurs, ce n’était pas elle au téléphone, c’était une étrangère qui n’avait rien à voir avec la jeune femme dont il était si éperdument tombé amoureux.

Les sentiments, l’émotion, mais également ses appréhensions avaient bouleversé ses repères habituels, exacerbant absolument tout, conférant une dimension inédite, une insoupçonnable intensité à chaque caresse, chaque soupir, chaque sensation. Et sa soif d’elle, très paradoxalement, n’avait fait que grandir…

Cette intimité nouvelle, très particulière, qui s’était installée entre eux. Comme une drogue, tellement puissante, dont il savait qu’il ne pourrait désormais plus se passer. Tout ce qui, à présent, lui donnait l’impression que le bonheur était peut-être accessible même pour quelqu’un comme lui, que ce concept, jusqu’ici tellement flou, s’était matérialisé entre ses mains, et qu’il lui suffisait de refermer les doigts pour le garder toujours avec lui.