La mort n'existe pas. Le désespoir, lui, je peux le toucher. C'est une matière visqueuse, une mauvaise sentinelle postée sur le chemin. Elle me surveille. Depuis ton départ, chaque jour crée une distance nouvelle. Tout est de plus en plus loin de toi. Ralentir, oui ralentir... Ne pas m'enfuir. A quoi bon prendre le large maman ? Ma vie, je peux te l'offrir entièrement.
Depuis ton départ, un voile noir a recouvert notre maison.Nous peignons tes silences sur les papiers chagrins des murs.
Depuis ton départ, un voile noir a recouvert notre maison. Nous peignons tes silences sur les papiers chagrins des murs.
On se tenait là, tendus, le nez collé à la vitre, face au drame. Unis par la peine de nos pères qui se donnaient en spectacle, deux chiens abandonnés par la vie.
Ton enterrement s’éloigne un peu plus chaque jour. Ce que je sens, ce que je ressens, ce sont ces jours qui glissent les uns sur les autres. Chacun efface le précédent. Pourtant je distingue tout avec précision. Je suis toujours derrière ces volets, me demandant si je passerai toute ma vie caché - à regarder la procession. Les jours s'allongent, portent un peu plus le soleil en eux. La nuit éloigne ses filets. Je peux jouer un peu plus tard dans la rue. Elle sent le printemps qui tend ses bras; elle est parfumée de la naissance des choses qui s’ouvrent à la lumière.
C’est la rue des Écoles, mon terrain de jeu. Foot et rugby. D’un côté, tout au bout, l'escalier en pierre, escaladé mille fois par jour pour retrouver Alec. Un grand pylône électrique s’y dresse: il compose avec l’escalier de parfaits poteaux de rugby.
C'est donc ça, la vie : des rêves qui se noient petit à petit, un sac où d'entassent pêle-mêle amours et joies, des chemins qui pèsent et vous emportent vers le fond !
Les enfants, ne faites pas de bêtises, faites attention à la vie. C'est important, la vie.
Ces jours se succèdent, se ressemblent, et tu n'es pas là. Je ne supporte pas leur défilé idiot. Je suis né; ça n'a d'intérêt que pour suivre chacun de tes pas. C'est le bon sens, le sens de la vie. À quoi bon si je ne peux pas te parler de mes joies et de mes souffrances ? Pourquoi les affronter sans toi ?
C'est donc ça, la vie : des rêves qui se noient petit à petit, un sac où s'entassent pêle-mêle amours et joies, des chagrins qui pèsent et vous emportent vers le fond?
Chaque recoin de la vie, pour peu que l'on gratte un peu, regorge d'instants merveilleux.