Quand tu es revenue à la maison, juste avant la fin, tu n'étais déjà plus la même. À l'hôpital, les docteurs avaient tenté de guérir ton mal, pour ça ils t'avaient brûlé de l'intérieur. Tu étais partie si longtemps. Je comprenais à peine ce qui se passait. en moi il n'y avait que ce mot : pourquoi ? Un mot qui se cognait contre les murs du silence. ce mot qui cherchait une issue, un bout de réponse, n'importe quoi, et qui sans cesse hurlait ; pourquoi, pourquoi ?
Pleurer en remerciant la vie qui insuffle en nous tant de bonheur. Rien de plus. Rien de moins.
Ça fait trembler le cœur de voir tous les amis du village, grands comme petits, vêtus de ce costume qui raconte tellement de choses pour les Catalans. Une sono de fortune envoie avec énergie les premières musiques. Déjà les grands exécutent avec une grâce magnifique une sardane.
C'est donc ça, la vie: des rêves qui se noient petit à petit, un sac où s'entassent pêle-mêle amours et joies, des chagrins qui pèsent et vous emportent vers le fond? Un sac que l'on porte en vacillant; alors on chute; notre vie se blesse à chaque mètre.
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Il y a un passage secret au bout du jour. Les enfants parviennent toujours à le trouver. Il mène à un lieu sacré; on y confesse tout. Il a la forme parfaite d'un nid, le nid des bras de sa maman chérie. Quelque chose s'est effondré. Le passage n'est plus accessible; on ne distingue plus rien. J'en ai même perdu la trace. On me l'a volé, il est définitivement bouché.
pages 103-104.
Ça pue le tabac et l'alcool; l'alcool qui ruine tout bien-être, attaque vos sens comme un acide.
page 85.
L'heure que je n'ai pas vécue.Ton enterrement.Ils m'ont dit de rester à la maison,et je me retrouve là,dans ta chambre,prés du lit.
J'ai six ans. Et je suis seul à guetter depuis cette chambre plongée dans le noir. Ils vont bientôt revenir de là-bas, du chemin creux derrière l‘église. J‘ai six ans at j‘attends. J‘attends quoi ? Je ne sais pas. Que mon grand frère Aldo revienne. Qu'on s'amuse un peu. Je n'ai pas le droit d‘être triste. non ? J'ai envie que ces volets s‘ouvrent. envie de lumière. être sous le soleil de ton enterrement...
Aujourd’hui, il n'y a pas école. Impossible de toute façon. C'est toi la maîtresse. Nous sommes le 7 janvier. La date est sur le réveil posé près de ton lit, maman.
7 janvier. six ans, Vemet-les-Bains, enterrement de maman, interdiction d’y aller, ai tout vu de la chambre, volet mal fermé, ne pas pleurer.
Notre appartement est juste au-dessus de ta classe. On vit ici tous les six. C'est grâce à toi, grâce à ton métier qu'on a cette maison.
Je suis content de retrouver notre maison. Bien sûr, j‘aime beaucoup tonton Octave et tata Marcelle, mais je suis parti trop longtemps de chez moi. J'aime bien aussi leur chienne Diane, toute petite, toute minuscule. Leur bébé à eux. Tata Marcelle lui met même des pulls quand il fait trop froid. Eh oui. ça existe des pulls pour chiens. La preuve, elle en tricote. Papa a dit qu'il fallait que tu te reposes. maman. Alors, je suis parti là-bas.
Rue des Baux. C’est là qu‘est leur maison. Au bout de la rue, en bas du village, numéro 8. Tonton, sa passion c'est son jardin japonais, immense comme le monde avec des arbres tout petits. Il faut le voir s'affairer, tonton, parmi ces vies minuscules. Ces arbres de quelques centimètres frémissent dans l'air et dessinent un paradis de quelques mètres carrés. Depuis mon arrivée, je trace des petites routes de cailloux blancs. Elles Went entre des minicactus et des arbres nains. J‘exécute ma tâche délicatement, essayant de ne rien bousculer de mon corps de petit devenu un jardinier géant.
Tout le monde sait bien que le mensonge c'est comme la mort : ça n'existe pas.
Depuis ton départ, un voile noir a recouvert notre maison. Nous peignons tes silences sur les papiers chagrins des murs.