Il levait les yeux de son livre (il lisait toujours dans le train) et retrouvait le paysage morceau par morceau - le mur, le figuier, la noria, les roseaux, les récifs - les choses qu'il avait toujours vues et qu'il n'apercevait que maintenant, parce qu'il s'en était trouvé éloigné
Lorsque Quinto montait vers sa villa, qui dominait autrefois ....l'entassement des maisons rongées par les mousses et les moisissures de la vieille ville, puis, entre le versant de la colline au couchant, où l"oliveraie, au dessus des potagers, devenait plus touffue, et le levant, un royaume de villas et d'hôtels aussi verts qu'une forêt, et en dessous, la croupe aride des champs d'oeillets sur lesquels scintillaient les serres, jusqu'au cap : il n'y avait plus rien désormais, il ne voyait qu'une superposition géométrique de parallélépipèdes et de polyèdres, d'angles et de pans de maisons
Il expliquait combien il était difficile de travailler, de bâtir, avec tout ce monde qui mettait des bâtons dans les roues, la mairie avec ses interdictions, l’Etat avec ses impôts, le matériel à cause duquel il fallait dépendre de celui-ci ou de celui-là. Quinto sentait que ces discours de Caisotti étaient tous étudiés, en sorte que son interlocuteur ne pût leur refuser son approbation, car ils ne s’adressaient pas tant à l’associé en affaires ou au créancier qu’à l’homme aux opinons politiques qu’il était ou qu’il avait été.
Autrefois, seuls ceux qui jouissaient d’une rente agraire pouvaient faire les intellectuels, pensa Quinto. La culture paie très cher de s’être libérée de sa base économique. Elle vivait auparavant sur le privilège, mais elle avait des racines solides. Aujourd’hui les intellectuels ne sont ni bourgeois ni prolétaires.