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Citations sur Melmoth furieux (26)

Lou a dormi contre moi, en boule de chaleur. Elle n’a pas détaché
son porte-bonheur, qui luit toujours à son cou, à peine refroidi par
le matin. En la regardant respirer, son visage en coupe recueillant
la rosée des rêves, je comprends qu’il me reste une raison de vivre
encore un jour. Juste un. Je la décolle de moi lentement. Elle remue
à peine et quand je l’embrasse elle a ce geste de tendresse que moi
je lui refuse. 
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Le tissu, on n’en manque pas. Il me reste les coupons de Villon, arrachés de lui. Vois à quoi j’en suis réduite mon frère, couturière de l’invisible ou de fantômes. C’est mon salut que je pioche dans ces formes. Que pour oublier l’impuissance, je me plonge dans un toi que j’idéalise. Je te pense, dans ta magie si simple. Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Que je me sens éventrée depuis que j’ai perdu cette vision de moi qui me rendait heureuse ? Que j’ai tout lâché pour me donner à la colère infinie, qu’elle m’a bouffé tout ce qui restait ? Et qu’il me reste que ces haillons pour toute croyance ?
Les fusillés, les affamés
Viennent vers nous du fond du passé
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Nous laisserons les champs et nous passerons par les contreforts du Royaume. Là où la Souris Noire a construit ses cités dortoirs pour loger ses esclaves. Nous libèrerons chaque cellule, chaque jardin. Nous délogerons les milices embusquées, nous enfumerons leurs terriers. Nous reprendrons son territoire, bout par bout. Il y aura sa figure partout, sculptée dans la matière même de la réalité – les trois cercles noirs dans la brique, dans les moulures de réverbères. Où nous passerons, nous effacerons la marque de l’ennemi : taguée, pilonnée, arrachée aux murs et aux cages d’escalier. Son existence passera avec le temps, nous serons libérées de son oppression. C’est Gwynplaine la première qui brandira le trophée aux enfants, son bras levé portant le masque d’une souris morte. Les vivats emporteront tout, le vent même semblera traverser ces cours qui se repeuplent. On célèbrera la liberté sur notre passage, pétales de weed et myrrhe. Debout sur le char de tête, bz et Lou danseront. Je les regarderai, assise, reprisant leur seconde peau. Nos costumes seront faits d’une étoffe qui n’a pas de nom.
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Eurodisney ouvre ses portes le 11 avril 1992 à 10 heures du matin. Une journée de fanfares – du sinistre à perte de vue. Les hôtels dégueulent de VIP de journalistes d’agents de voyages. Tout le monde a son poncho jaune. Tout le monde se pèle le cul.
Des canalisations sautent en fin de matinée. Elles inondent de putride le conte de fées ; des bugs mécaniques sur plusieurs attractions, des opérateurs en bottes d’égoutier – on parle de parents blessés – des rats en grappe. Des enfants pleurent : un Dingo dingue leur a mis des gifles à la sortie de Peter Pan. Le grand chien a disparu laissant derrière lui des bouts de son costume, des chaussures trop grandes. Une oreille.
Deux bombes détruisent plusieurs pylônes d’électricité en fin d’après-midi. On blâme ces mystérieux anarchistes qui deux ans plus tôt avaient saccagé le centre d’accueil provisoire bâti près du site pendant la construction. Ces mêmes activistes qui avaient lancé des œufs sur le PDG Michael Eisner quand il était venu à Paris célébrer l’entrée du parc en Bourse. Leur message était clair : Barre-toi, Souris Noire.
À 18 heures, on manifeste aux portes de l’Hôtel de la Reine. Masques à gaz, des disques de carton peints sur des coupes de cheveux géométriques. Banderoles graffées de lignes qui tracent le rongeur en larsens de feutre fluo. Des caricatures de personnages débauchés. Des slogans orduriers, qui accusent le gouvernement français de collaboration avec l’ennemi. On dénonce la désacralisation des tombeaux mérovingiens sous les champs de betterave.
Huit cent quarante caméras filment l’inauguration en Mondovision – un direct sur deux cent dix-huit chaînes internationales. Montée sur place par l’équipe américaine de Burbank, l’émission est un patchwork de séquences préenregistrées et de live taillé sur mesure pour l’audience de chaque pays. La France a mérité son royaume enchanté, après des décennies de rareté médiatique entretenue une copie de VHS à la fois.
Au pied du château de la Belle au bois dormant, Jean-Pierre Foucault et David Hallyday lèchent le cul d’une brochette de vedettes : cher en froc BDSM cuir ouvert, les patineurs Duchenay option meringues, Glorian Estefan en meneuse de revue, Angela Lansbury – pauvre théière – Tina Turner en petite petite robe noire et Anne, Anne. Égérie de l’année, en nano perfecto vinyle bleu et combi courte blanche sur baskets montantes – high energy.
À 20 heures, l’autocrate Eisner est rejoint sur le podium par son ennemi juré, Roy E., neveu d’Oncle Walt. Les deux hommes se livrent une guerre sans pitié pour le contrôle de la compagnie. Eisner en mode pur corpo – il a choisi une cravate trop grande, brodée d’icônes abstraites. Roy E. porte un costume élimé sorti de la naphtaline par une secrétaire retraitée à qui son oncle l’avait confié la veille de sa mort, en 1966 – c’est précisément ce même costard que Walt Disney avait porté lors de l’inauguration du parc américain.
Pour imposer sa vision, Roy E. choisit les mots symboliques que l’oncle fondateur avait prononcés en 1954 pour la dédicace de son premier parc, à Anaheim en Californie.
« À ceux et celles qui viennent en ce lieu béni : bienvenue. Disneyland est votre terre. Ici, la vieillesse ressuscite les souvenirs chéris du passé… et ici la jeunesse pourra savourer les challenges et les épreuves du futur. Disneyland est dédié aux idéaux, aux rêves et aux dures épreuves qui ont fondé l’Amérique… avec l’espoir d’être source de joie et d’inspiration pour le monde entier. »
Les nababs coupent ensemble le ruban inaugural avec une paire de ciseaux d’or – Eisner tient, Roy E. tranche. Dans un halo morbide, portail d’une dimension diagonale, un avatar de la Souris Noire apparaît aux portes du château – marcheur sur le seuil, toutes dents dehors.
Clameurs et célébrations. D’un geste de la main, la Souris salue la foule. Dans le sillage de sa queue-de-pie, elle volte dans Fantasyland, activant le rituel antédiluvien qui incarne sa gloire. L’arrivée du démiurge abruti.
Une troupe d’enfants s’engouffre à sa suite sur le pont-levis. Public et pom-pom girls envahissent le Royaume. Des bouquets illuminent la nuit.
Et les hurlements.
Sous une arche, trente-trois secondes après le ruban, une tragédie annonce la banqueroute et la Chute du parc – les émeutes, le grand incendie, le retour du suzerain noir et notre victoire finale. Un sacrifice qui devait secouer les fondations même de la république répressive. La fission ouverte d’un atome en plein cœur de l’imaginaire. Mais toute image d’archive bannie, que reste-t-il aujourd’hui de ce geste ? Des murmures, rumeurs de complots. Des échos. Si l’on tend l’oreille pendant le générique de fin de la retransmission française de l’inauguration, au-dessus des vivats et des festivités, des rires et des explosions dans le ciel, il est possible d’entendre un son dissonant, des cris de terreur. De voir le chatoiement. Et l’ombre sur le stuc. Il ne s’agissait pas comme l’a écrit la presse le lendemain d’un feu d’artifice raté. Ce soir-là, des témoins ont vu le bûcher, des flammes lécher les murs de sucre d’orge. Ce soir-là, immolé au pied du château, un supplicié a maudit le parc pour des générations.
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J'aimerais leur donner ma vision à moi, de cette mode élusive à l'œuvre dans nos existences et qui trouve sa forme la plus extatique dans le vêtements. J'aimerais leur dire ce que j'avais compris, plus jeune : que la mode c'est le rebond entre deux extrêmes, la futilité et la mort, qui, en épuisant l'un, se réifie dans l'autre. Boule de chaos éphémère qui prend forme, sublime, puis disparaît. La vie, franchement.
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Je sors, purée de frustration. J'aurais aimé lui dire que pour nous, l'Orée, ça n'a jamais été une utopie. Au-delà des villes il y a les barres d'immeubles, les forteresses grises et les résidences barricadées et nos ruines, les dystopies ou les paratopies, les protopies, rétrotopies, hétérotopies et les pantopies, le Ur-Topies et Syntopies, écotopies et flipper-topies, toupies-topies et topaz-topies. Offert aux vagues du libre perverti, le pays a laissé pousser les rêves et les cauchemars en friche.
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