C’est tout un monde qui s’est écroulé, un monde ancien qui portait le nom d’un mode de vie – un monde féodal qui taisait son identité, sa résilience à toute forme de justice. Depuis la nuit des temps, rien n’a pu empêcher une moitié de l’humanité de mettre l’autre en esclavage.
Ce n’est pas l’individualisme qui tue la société. C’est le moi d’abord.
Le jour où le nazisme sera rentable, tous les capitalistes seront nazis.
Nous avons tellement appris à nous libérer sans agir, en prenant pour acquis ce qu’on nous donnait comme espace, qu’on s’est même demandé si on pourrait changer le monde en restant sur nos culs à rien foutre.
— C’est quoi le plan ?
— Le plan A ? Rester digne.
— Et le B ?
— Tout démonter.
Downtown est devenu l’univers stérile auquel il aspirait du temps de sa gloire néo-capitaliste. Loin des marchandages de Chinatown et des souterrains exclusivement corporates, la surface est laissée aux ruines de chaînes de vêtements, aux fast-foods et aux micro-supermarchés. Une population fantôme continue ses errances de shopping, véritables rituels devenus religion – des zombis répétant des gestes habituels, sans plus aucun sens. De libéral à réactionnaire il n’y a qu’un pas. L’ancienne génération voyait les choses en noir et blanc, et au ralenti. Son incapacité à dépasser le bien-être matériel avait laissé un trou béant dans le vivre-ensemble.
Nikki retrouve le punk du vidéo-club, affalé sur un matelas défoncé avec ses potes. Il se lève d’un coup pour la saluer, semble ravi de la voir ici, l’entraîne dans une autre salle, pleine à craquer de longs tee-shirts déchirés, de bracelets de tennis en mousse anti-sueur, de rangers défractées. Le snobisme underground, le juste placement de l’épingle à nourrice, les subtils codes vestimentaires d’un monde qui se regarde dans sa sublime résistance à l’ordre établi, ordre en lui-même, vraiment, pas méchant, juste un peu triste, elle trouve, un peu mort, mais qui est-elle pour juger, avec son unique boucle d’oreille et sa robe de fausse bourgeoise.
C’est un système fermé, on croit qu’on se libère, mais on est libérées par nos oppresseurs, qui n’existent pas sans nous. Et nous avons toujours cru que c’était nous contre eux autres. Alors qu’on est ensemble contre le vide.
Le post-humain c’est un truc marketing pour aider les plus riches à se sentir spéciaux.
La vie est trop courte pour s’épiler la chatte, sœurette.