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Critique de BzB


Pour une fois qu'un auteur de "fantasy" sait écrire français avec gourmandise, voire gloutonnerie ! Dommage qu'une telle maîtrise du verbe ne serve aucune histoire digne de ce nom.
Toutes ces jolies phrases dont la sophistication acharnée flirte obstinément avec la pédanterie ne racontent rien qui soit digne d'intérêt.
J'ai, avec appétit tout d'abord, puis dégoût à la longue, dégusté cette prose sur 300 pages avant de choisir de m'épargner cette peine, après quelques hésitations.
N'ayant pas vu ce qui aurait bien pu se passer dans les 180 restantes qui n'aura pas pu trouvé le moyen d'apparaître dans les trop nombreuses précédentes.

Le pitch, comme on dit, est simple : une compagnie hétéroclite d'aventuriers aux motivations personnelles aussi divergentes qu'obscures se lance dans une vague quête. Cela se passe à travers des paysages cauchemardesques qui se succèdent sans logique ; chaque chapitre pouvant tout aussi bien se situer bien avant ceux qui le précèdent comme plus loin dans cette morne suite où on se surprend à sentir de l'ennui jusque chez les personnages de ce monotone enfilage de perles (façon de parler). 480 pages, comme il pourrait y en avoir 800 vu le (manque de) rythme ; d'ailleurs, il semblerait qu'une suite soit à craindre. Tout et surtout n'importe quoi est possible, sans que le moindre monstre issu d'une foisonnante mythologie (nordique, ou pas) n'ait davantage de pertinence que n'importe quel autre qui pourra surgir plus tard, ou pas.
Illusions, rêves et chimères octroient à l'auteur toute licence pour de faux détours comme pour de vraies longueurs et plonger - noyer, plutôt - son lecteur dans une confusion prétendue "anxiogène", ai-je cru lire dans la critique d'une lectrice conquise, la bien-heureuse. J'aurais aimé, aussi pouvoir vaincre ce flot incessant de mots, certes gouleyants, et accéder à cet état emportement exaltant, promesse tacite de tout livre du genre.

L'auteur éprouve manifestement un plaisir - solitaire - à s'entendre écrire. Et les acrobaties que l'intellect doit fournir pour décrypter certaines constructions prosodiques débordantes d'adverbes et d'adjectifs éloigne constamment de la moindre émotion. Trop de descriptions abstraites indiquant quels sentiments l'auteur attend de son lecteur sont le contraire d'un style apte à faire ressentir lesdites émotions.

Je n'ai pu m'empêcher d'imaginer l'auteur en Maître du Donjon consommé qui aurait recyclé, les collant bout à bout, tous les scénarios de Donjons & Dragons proposés à ses camarades de jeu de rôles dans sa jeunesse.

Partageant avec l'auteur le goût de la belle phrase, c'est donc avec regret - qui a dit "rancoeur" ? - que je quitte cette "Impératrice des Chimères" au milieu de... ben, de nulle part, en fait. J'aurais aimé que ce style, légèrement dés-ampoulé toutefois, serve une histoire palpitante, originale, haletante plutôt qu'essoufflée.

Les motivations des protagonistes dévoilés au compte-goutte ne font pas un suspense. Savoir manier la plume, ou le clavier, ne fait pas le narrateur. de même, une succession de tableaux quasi sans action ne construit aucun "voyage" et moult adjectifs, même truculents, dégorgés par chaque page ne donnent pas une ambiance, mais cassent un rythme pourtant nécessaire.

Cela dit, sans doute les 180 dernières pages recèlent-elles d'indiscutables trésors de narration rebondissante et autres révélations fracassantes. Mais ce sera sans moi. Je n'y crois plus. Que d'autres finissent cette roborative errance à leur aise. Et bon courage pour "Le bourgeon dYggdrasil", son prolongement - je n'ose pas dire "suite".

Avec moins de magie, je conseillerais "Gagner la guerre" de Jean-Philippe Jaworski, avec plus d'action violente, les livres de David Gemmell, avec plus d'originalité, la trilogie de la mer éclatée ("La moitié d'un roi"...) de Joe Abercrombie, avec plus de légende, la trilogie de Lyonesse ("Le Jardin de Suldrun"...) de Jack Vance, avec plus de noirceur, la trilogie de L'Empire brisé ("Le prince écorché"...) de Mark Lawrence.
Bref, pour de bonnes histoires, le genre dark fantasy, a bien mieux à proposer que des chimères d'histoires.
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