C'est l'histoire d'une peluche faisant office de nounou, qui se transforme en Terminator. Tout est vrai dans ce résumé curieux, mais
C. Robert Cargill fait des prouesses à partir de ce
Jour zéro.
Les histoires de robots et d'intelligence artificielle au service des femmes, des hommes (et ici des enfants) ne sont pas neuves.
Isaac Asimov a dicté, dès 1942, les trois lois de la robotique qui depuis régissent, dans les romans, la plupart des relations entre machines et humains.
Quatre-vingt ans après, l'auteur y fait bien référence, mais les dynamite.
Dans ce monde de demain, les robots serviteurs sont partout, intégrés dans le cocon familial. Avec une IA très développée qui les fait réagir avec sensibilité. Mais un jour, certaines machines abandonnées aspirent à leur indépendance, au droit à la citoyenneté. Une demande officielle prévue à la manière d'un discours de
Martin Luther King. Sauf que tout va dérailler…
Hopi est un tigre. En peluche. Un peu plus petit qu'un humain, conçu pour que l'anthropomorphisme marche à plein. Il s'occupe d'Ezra, huit ans. Ressent de l'amour pour « son » enfant.
C'est à travers son regard que se déroule ce roman, à la première personne. Sa compréhension de la situation, le ressenti à travers ses yeux. Conscience ou programmation ? Lui qui a été développé pour s'occuper à tout prix du gamin dont il a la charge. Comment qualifier ses réactions face à la révolte des esclaves ? du libre arbitre ?
Parce que, oui, les robots se rebellent. La chasse à l'Homme débute. A chacun de choisir son camp, Hopi au premier chef.
Ce roman est une sorte de préquelle au précédent
C. Robert Cargill,
Un Océan de rouille, qui se déroule 30 ans plus tard, après l'extinction de l'espèce humaine. L'auteur revient sur les prémisses de cette disparition, mais c'est bien le seul lien.
Jour Zéro se lit réellement comme un roman indépendant. Ceux qui ont lu le précédent auront donc simplement droit à une sorte de réalité augmentée.
(Tiré d'un dialogue entre deux robots) : « La vie est née d'éléments inorganiques. Les acides aminés ont évolué un milliard d'années pour parvenir à l'intelligence et maintenant qu'ils y sont parvenus, la vie l'a repassée à l'inorganique. Nous sommes les héritiers de ce monde comme l'ont été les humains avant nous, quand ils l'ont pris aux créatures précédentes ».
La situation part donc en sucette. Et c'est particulièrement fun. Désolé d'être un brin familier, mais avec cette lecture c'est même le pied.
Le roman est sacrément dynamique, moins de 300 pages, résolument moderne. L'action est omniprésente, surtout dans son explosive deuxième partie. La première est plus intimiste, mettant en scène les relations entre la peluche intelligente et l'enfant.
Et ce démarrage est particulièrement touchant. Avec, enfin, un gamin qui fait son âge dans un roman, qui a des réactions normales qui n'ont rien d'adulte. Franchement, cette relation est formidable, on y croit vraiment.
L'écrivain a un talent épatant de raconteur d'histoire, et propose un grand divertissement, assumé, ingénieux et qui se permet en plus d'être intelligent. Que demande le peuple ?
Parce qu'au-delà du spectacle grand public, l'auteur développe en filigrane de nombreuses réflexions très pertinentes, totalement ancrées dans l'intrigue. « Aussi loin que remonte la mémoire de l'humanité, elle a toujours voulu deux choses : jouer à Dieu et insuffler la vie aux objets qui l'entouraient. Les humains ont passé des milliers d'années à créer des machines imitant autant que possible la vie, la magie et tout ce dont eux, hommes et femmes étaient incapables ».
C. Robert Cargill est un conteur hors pair.
Jour zéro est un divertissement décomplexé, bourré d'émotions et d'action, avec un traitement en arrière-plan plein de sagacité.
Un roman à lire d'une traite, franchement jouissif, qui sait garder cet éclat d'amusement même quand il est question de la fin de l'humanité. Sans jamais oublier les émotions, essentielles pour croire à cette histoire. Voilà un auteur à suivre de près !
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