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Critique de InstinctPolaire


Il était un homme ordinaire.
Mais cette simple affirmation ne peut s'entendre pour minorer ses mérites de conteur.
On pense bien souvent que pour comprendre le talent d'un auteur, il peut suffire de délaisser ses histoires pour se glisser dans le récit de son existence. Mais lui-même ne semblait y croire " je tiens fermement que retracer la vie d'un écrivain est une manière fausse et entièrement vaine d'approcher son oeuvre. "
Est-ce à nous dissuader de mener plus loin notre quête ? Profiter de la première occasion qui nous est donné de "nous en retourner " ? " de refermer le livre " ? Mais ne fait-il pas écarter ces éventualités par Maître Samsagace dans " le Seigneur des Anneaux " ? Ne fait-il pas apparaître très tôt dans son récit un guide certes mystérieux, mais digne de confiance ? Acceptons qu'Humphrey Carpenter soit notre " Gras-Pas ".

En dissociant à dessein l'existence de l'homme et les récits de l'écrivain, Carpenter tranche les questions de préséance du premier sur le second.
Ainsi était-il un homme ordinaire.
Un homme attaché à sa famille.
L'Afrique du Sud est sa terre natale. Mais surtout celle où repose son père. Il y mourût loin de sa famille, retournée en Angleterre pour préserver la santé de ce fils aîné. Orphelin de père à quatre ans, il voue une immense tendresse à sa mère. Empruntons ses mots : " Ma chère mère fut une martyre. Ce n'est pas à tout le monde que Dieu à ouvert une voie aussi aisée à ses bénédictions pour Hillary – son frère – et pour moi, nous donnant une mère qui s'est tuée au travail et à la peine pour nous assurer de garder la foi ". Convertie au Catholicisme, le Père Morgan est un ami précieux qui devient le tuteur des enfants à sa mort.
Il n'a alors que douze ans...
A seize ans, il est amoureux. Unanime anglo-saxonne désapprobation : A l'âge où l'on doit s'investir dans ses ambitions universitaires, on ne s'éprend pas d'une jeune fille de trois ans son aînée. Soucieux des conventions, il ne revient vers elle qu'a ses vingt-et-un ans. Il l'épousera trois ans plus tard, avant de partir pour la Grande Guerre. Elle sera la seule. Timide et peu instruite, Édith vivra dans l'ombre de l'universitaire, du grand auteur. Elle lui donnera quatre beaux enfants qui feront leur fierté et la source de leur grande complicité.
Où leur histoire prend un caractère romanesque ? Si Shakespeare eût ses Roméo et Juliette, il eût Luthien et Beren, extraordinaire histoire d'amour. Il fît graver ces noms sur sa tombe et celle de son épouse partie deux ans avant lui. Ici l'oeuvre croise enfin son créateur...

Un homme attaché à son travail.
Menant à bien de brillantes études universitaires, il commence à enseigner après la guerre. Un laborieux parcours le conduit à Oxford en 1945. Il se fond à merveille dans cette " noblesse de robe ". Il conjugue les dons et les travers du professeur de faculté typique : Tout à la fois passionnant et érudit dans ses cours et trop perfectionniste dans ses recherches pour y être chaque fois prêt. Il conduit la vie sociale – certes atypique d'un entre-soi de traducteurs in-extenso de légendes scandinave, de déclameurs de poèmes antiques ou imaginaires, de lecteurs de leur propres productions – active et exclusivement masculine comme on l'attend d'un professeur reconnu.
C'est sa mère qui avait su très tôt déceler son don pour les langues. Il se prît de passion de l'obscure science des rhétoriques et grammaires anciennes, désuètes. Il parfît son art dans l'élaboration de langues imaginaires. Et sur cette passion, il bâtit un univers. Il remît entièrement en cause ce travail d'une vie d'une simple phrase : " Dans une trou vivait un hobbit "...

Un homme ordinaire.
Dont l'oeuvre est comparée à l'Odyssée d'Homère. Dont personne ne dénis le souffle d'héroïsme et d'aventure. Qui emporte tout ceux qui ont de l'imagination. Qui est aujourd'hui la source de tant d'auteurs et de tant de livres. D'un pan entier de la littérature contemporaine.
Il n'écrivit probablement pas pour la gloire ou la postérité. Peut-être écrivit-il simplement pour honorer la mémoire d'un de ses plus vieux ami mort sur le front de France. Goeffrey Bache Smith ,dans sa dernière lettre écrivit : " Puisses-tu dire ce que j'ai tenté de dire longtemps après que je ne serai plus là pour le dire. "
Il laissera un paradoxe : ses premiers récits, qu'il regroupait sous le titre " le Livre des Contes Perdus " seront publiés après sa mort par son fils Christopher. C'est " le Silmarillion "...

Parfois tout ceci prend beaucoup de temps à écrire. Comme capturer l'essence de la poussière d'un merveilleux songe...
J'ai modestement tenté de restituer l'immense travail de deux hommes. Humpfrey Carpenter, qui a su raconter l'histoire d'un homme. Et d'avoir par son talent su démontrer sa simplicité et son génie. John Ronald Reuel Tolkien, pour avoir offert son génie et avoir su cultiver sa simplicité.
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