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Citations sur Le royaume de ce monde (7)

Il comprenait à présent que l'homme ne sait jamais pour qui il souffre ou espère. Il souffre, et il espère et il travaille pour des gens qu'il ne connaîtra jamais, qui à leur tour souffriront, espéreront, travailleront pour d'autres qui ne seront pas heureux non plus, car l'homme poursuit toujours un bonheur situé au-delà de ce qui lui est donné en partage. Mais la grandeur de l'homme consiste précisément à vouloir améliorer le monde, à s'imposer des tâches.
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Là-bas, en revanche, le Grand Là-Bas, il y avait des princes durs comme l'acier, des princes, tel le léopard, des princes qui savaient le langage des arbres, des princes qui commandaient aux quatre points cardinaux, maîtres de la nuée, des semences, du bronze et du feu.
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" Voilà pourquoi, écrasé par la douleur et les tâches, beau dans sa misère, capable d'amour au milieu des malheurs, l'homme ne peut trouver sa grandeur, sa plus haute mesure que dans le royaume de ce monde "
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En Afrique, le roi était guerrier, chasseur, juge et prêtre ; sa précieuse semence engrossait des centaines de ventres d'où naissait une vigoureuse lignée de héros. En France et en Espagne, en revanche, le roi envoyait combattre ses généraux ; il était incompétent dans le réglement des procès, se faisait rabrouer par le premier moine venu, son confesseur, et en fait de virilité se contentait d'engendrer un prince malingre, incapable de tuer un cerf sans l'aide de ses veneurs, à qui on donnait, inconsciente ironie, le nom aussi inoffensif et frivole que le dauphin.
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Les ors baroques, les chevelures humaines du Christ, le mystère des confessionnaux surchargés de sculptures, le chien des dominicains, les dragons écrasés par de saints pieds, le porc de saint Antoine, la couleur foncée de saint Benoît, les vierges noires, les saint Georges à cothurnes et pourpoints d'acteurs de tragédie française, les instruments pastoraux joués les nuits de Noël, avaient une force enveloppante, un pouvoir de séduction - présences, symboles, attributs et signes - semblables à ceux qui se dégageaient des autels des houmforts consacrés à Damballah, le dieu Serpent.
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[...] ... Le gouverneur entrouvrit le hamac pour contempler le visage de Sa Majesté. D'un coup d'épée, il coupa un petit doigt et le donna à la reine qui le mit dans son sein, d'où il glissa vers son ventre, tel un ver aux froides contractions. Puis, obéissant à un ordre, les pages placèrent le cadavre sur un tas de mortier : il s'y enfonça lentement, par le dos, comme s'il eût été tiré par des mains visqueuses. Le cadavre s'était arqué un peu pendant l'ascension, ayant été ramassé tiède encore par les serviteurs. Aussi son ventre et ses cuisses disparurent-ils les premiers. Les bras et les bottes continuèrent à flotter, indécis, dans la grisaille du mélange. Puis il ne resta plus que le visage, supporté par le fond du bicorne qui couvrait la tête d'une oreille à l'autre. Craignant que le mortier ne se durcît sans avoir complètement absorbé la tête, le gouverneur appuya sa main sur le front du roi pour l'enfoncer plus vite, comme quelqu'un qui aurait pris la température à un malade. Enfin, la masse se referma sur les yeux d'Henri Christophe, qui poursuivait à présent sa descente au coeur même d'une humidité qui se faisait moins enveloppante.

A la fin, le cadavre s'arrêta, ne faisant qu'un avec la pierre qui l'emprisonnait. Après avoir choisi sa propre mort, Henri Christophe ignorerait la pourriture de sa chair confondue avec la matière même de la forteresse, inscrite dans son architecture, intégrée dans la large structure de ses contreforts. La montagne du-Bonnet-de-l'Evêque s'était transformée tout entière en mausolée du premier roi d'Haïti." ... [...]
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[...] ... Exaspérés par la peur, ivres de vin parce qu'ils n'osaient plus toucher l'eau des puits, les colons fouettaient et torturaient leurs esclaves, en quête d'une explication. Mais le poison continuait à décimer les familles, tuait bêtes et gens, sans que les prières publiques, les conseils des médecins, les promesses aux saints, ni les formules inefficaces d'un marin breton, nécromancien et rebouteur, pussent arrêter la marche souterraine de la mort. Avec une hâte bien involontaire de venir occuper la dernière fosse au cimetière, Mme Lenormand de Mézy mourut le dimanche de la Pentecôte, quelques instants après avoir mordu à une orange particulièrement belle qu'une branche complaisante avait mise à portée de sa main. L'état de siège avait été proclamé dans la Plaine. Tout individu surpris dans les champs ou au voisinage des maisons après le coucher du soleil, était abattu à coups de mousquet sans préavis. La garnison du Cap avait défilé par les chemins, ridicule menace de mort contre l'insaisissable ennemi. Mais le poison n'en arrivait pas moins jusqu'aux bouches par les voies les plus inattendues. Un jour les huit membres de la famille Du Périgny le trouvèrent dans une barrique de cidre qu'ils avaient transportée de leurs mains de la cale d'un bateau ancré quelques jours plus tôt. La charogne était maîtresse de toutes la contrée.

Un soir où on le menaçait de lui allumer une charge de poudre dans le derrière, le Foula cagneux finit par parler. Le manchot Mackandal, devenu houdan du rite Rada, tombé en possession de plusieurs Dieux Majeurs, et de ce fait investi de pouvoirs extraordinaires, était le Roi du Poison. Doté de la suprême autorité par les Mandataires de l'Autre Rive, il avait proclamé la croisade de l'extermination. C'était lui l'élu, chargé d'en finir avec les Blancs et de fonder un grand empire de Noirs libres à Saint-Domingue. Des milliers d'esclaves lui étaient attachés. Personne n'arrêterait plus la marche du poison. Cette révélation provoqua dans l'habitation une tempête de coups de fouet. A peine la poudre allumée de pure rage eut-elle trouvé les intestins du nègre bavard, un messager fut envoyé au Cap. Ce même soir, on mobilisa tous les hommes disponibles pour donner la chasse à Mackandal. La Plaine, toute puante de charogne, de sabots mal brûlés et de vermine, s'emplit d'aboiements et de blasphèmes. ... [...]
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