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sur 1760 notes
Si ce roman m'a fait sourire une ou deux fois, notamment quand Emmanuel Carrère mentionne la bouche en cul de poule qu'on est obligé de faire quand on prononce la deuxième syllabe du mot Jésus, il m'a surtout agacée à plusieurs reprises à cause de la langue relâchée, voire vulgaire qu'Emmanuel Carrère semble se croire obligé d'utiliser pour... mais pour quoi au juste? Pour contrebalancer la sacralité de son sujet? Pour faire de la provocation? Parce que s'il avait écrit ainsi dans ses deux romans précédents, je pense que cela m'aurait gênée aussi. Or je n'ai aucun souvenir que ce fut le cas. Quand il se demande si Marie a joui dans sa vie, je trouve ça inutile, voire déplacé. Quand il parle d'une sculpture et qu'il dise "une femme à poil", ça me gêne. Soyons claire, la vulgarité ne me heurte pas si le contexte la rend nécessaire mais pour moi, c'est ici pure provocation, tout comme l'est le choix de certains mots (je ne vais pas en faire la liste, mais elle est assez longue). Je crois que pour moi, la cerise (pourrie) sur le gâteau fut "Ce n'est pas ma came". Vous avez déjà entendu Emmanuel Carrrère dire ça? Moi, jamais.

Concernant ce qu'il raconte, je ne vois pas l'intérêt de certains passages. Il nous raconte que son ami Hervé et lui sont allés entendre un porte-parole yougoslave de la Vierge et que ce qu'il disait leur a paru menaçant et froid. Et on passe à autre chose. Mais quel est l'intérêt de le mentionner si ce n'est pas pour nous expliquer ce qui fut dit et sur quoi se fonde cette impression?

Dans Limonov, les parties que je préférais étaient celles où Emmanuel Carrère se racontait. Ce ne fut pas le cas ici. J'ai d'ailleurs trouvé le mélange entre sa vie et son sujet, qu'il réussit d'habitude, raté. Pour moi, la sauce n'a pas pris. L'ensemble me semble de ce fait décousu. D'autre part, je n'ai pas toujours cru aux anecdotes qu'il mentionne ou plutôt aux détails qui les font vivre: celle de sa nourrice encombrante et encore pire, celle de l'amie qui invite un clochard qui s'incruste jusque dans son lit.

On sent dans ce livre toute l'ambiguïté qui le lie au sujet de l'un de ses romans précédent, Jean-Claude Romand. On le sent toujours fasciné par cet homme dont on apprend ici qu'il s'est converti au catholicisme et le pratique avec une certaine ferveur. On sent que cet homme qui s'est cousu un manteau de mensonges est un éternel mystère qu'Emmanuel Carrère ne parvient pas tout à fait à percer mais dans sa façon de comparer la foi nouvelle de cette homme à un autre mensonge, tout en refusant de le faire vraiment, il y a quelque chose qui me dérange. D'ailleurs, j'aimerais bien savoir si Carrère a informé Romand qu'il serait à nouveau présent dans son livre et sous quelle forme. J'ai l'impression que Romand est le personnage récurrent et central de Carrère et qu'il est loin d'en avoir fini avec lui.

Je me suis aussi lassée des "je pense", "j'imagine", "il a dû". A un moment, je n'avais plus envie qu'on m'invente ce qu'a fait Luc.

Dernier point et non des moindres, j'ai eu l'impression de lire un livre à charge contre l'apôtre Paul. Soit c'est l'avis de l'auteur lui-même, soit les historiens et les exégètes le pensent et il n'est pas parvenu à me faire croire que c'est le cas.

Pour finir sur la note positive, je me suis instruite et j'ai apprécié de découvrir les débuts de cette secte qui devînt grande mais surtout du monde romain qui s'appropria la culture grecque dont il sentait la supériorité, j'ai découvert qu'être grec n'était pas lié à la terre où on était né, la promiscuité entre chrétienté et judaïsme qui ne sont que deux frères d'une même famille, le fait que les scènes du Nouveau Testament ne sont que très peu représentées en peinture ou que l'idée de la virginité de Marie n'était pas présente aux débuts du christianisme. J'ai aimé comprendre que les chrétiens ne se sont vraiment démarqués des juifs que lorsqu'être juif devînt dangereux pour eux. Ah, une dernière chose, Proust est une sorte de fil conducteur dans ce roman. Il n'a aucun rapport avec le thème, mais ça passe bien tout de même. Et puis, avouons-le, il y a quelques moments de grâce, comme cette fille trisomique qui se met à chanter pour Jésus et dont l'innocence et le plaisir parviennent à faire tomber les barrières qu'Emmanuel Carrère avait décidé d'ériger entre lui et les prières.
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À peine terminée la lecture de cet ouvrage, il me semble indispensable de m'atteler sans plus attendre à la rédaction de sa critique. Sans cela, comment réussir à retenir le flot impressionnant d'images, voire d'interrogations, qui m'ont accompagnées tout au long de ma découverte ?

Ouvrage le plus attendu de la rentrée littéraire, projet énorme et ambitieux, maintes fois aperçu sur Babelio, je n'ai pas hésité une seule seconde lorsque je l'ai vu, enfin disponible, sur le rayonnage de la bibliothèque.

Sept ans de recherches et de rédaction, ainsi que trois ans de pratique chrétienne, sont, je le savais déjà, à l'origine de ce livre épais, fruit d'une mûre réflexion de l'auteur sur un sujet aussi vaste que complexe : la religion chrétienne. C'est donc en enquêteur qu'Emmanuel Carrère se propose ici de nous guider à travers l'histoire, de combler ses lacunes et autres passages obscurs. Mais pas seulement. Car, plus qu'une investigation historique, c'est à un véritable retour sur lui-même que se livre l'auteur, presque incrédule devant une foi qui l'aura habité durant, tout de même, trois années.

Le travail d'enquête, les lectures et analyses poussées et visiblement menées avec un grand sérieux, m'ont conquise. En effet, là où il est possible de se désoler des parutions régulières d'ouvrages religieux toujours fondés sur les mêmes documents, et donc répétitifs, le Royaume fait l'effet d'un pavé jeté dans la mare, truffé de détails, de révélations, parfois évidentes, parfois bouleversantes. le travail mené en amont par l'auteur est réellement colossal, et j'imagine très complexe. Dates, lieux, descriptions, recoupements divers, un vrai travail de fourmi pour ces évènements remontant à plus de deux mille ans. Cela en ferait presque un tout autre monde, un tout autre univers, si lointain que nous serions bien malaisés de chercher à en saisir la réalité. Et pourtant, l'auteur relève le défi, s'attache aux personnages cachés derrière les textes sacrés, chemine avec eux, esquisse leurs traits de caractères, pour les rendre, finalement, plus humains qu'ils ne l'ont jamais été. Chaque anecdote soulève de nouvelles interrogations, décide le lecteur à poursuivre sa découverte. Et c'est ainsi que les pages défilent, sans même que l'on s'en rende compte.

Pour autant, je ne suis pas entièrement convaincue. En effet, certains aspects du Royaume m'ont laissé plutôt sceptique, voire même très réservée.

Si l'ouvrage est riche en matière, il me semble pourtant que l'auteur aurait gagné à soigner un peu plus le style de l'ensemble, que des expressions trop familières, contemporaines, font visiblement perdre en valeur. L'analyse des textes et de leur stylistique ne devrait-elle pas, au contraire, encourager à des formulations plus travaillées ? Sans tomber dans l'excès, il me semble ainsi que le recours à certaines tournures aurait pu être évité, même si ce décalage flagrant est peut-être intentionnel.

D'autre part, quelque chose ici m'a laissé une sensation désagréable, un léger malaise. Au début de ma lecture, j'ai été frappée par les doutes et interrogations de cet homme tout habité par une foi inattendue qui venait, comme cette "Bonne Nouvelle" évoquée, transfigurer sa vie. Et, peut-être parce que j'ai vécu moi aussi cette lutte entre la foi et la raison, la passion et la croyance, je l'ai compris et ai trouvé dans ses mots un véritable écho à mes ressentis.
Toutefois, l'incrédulité, la sorte de honte que cet homme éprouve désormais au souvenir de cette époque me laisse un peu amère. J'ai eu de nombreuses fois l'impression - subjective je l'avoue - que ce sentiment d'embarras le conduit à s'en prendre un peu plus durement que nécessaire à toutes les choses qu'il juge comme incohérentes ou stupides, et qui sait qu'il y en a ! Dénoncer certains préceptes contraires à la nature humaine (nécessité de s'abaisser pour être exalté, charité toujours plus conséquente et donc presque irréalisable), d'accord, mais de là à traiter les Apôtres de "pauvres types", de "bras cassés", tout cela sonne un peu trop parti pris, du moins à mon avis. de même, j'ai plus d'une fois été lassée et presque légèrement énervée par cette façon d'affirmer que oui, ceci est vrai, et que non, cela a été inventé de toutes pièces. Cela n'est ni plus ni moins que son avis, et qui pourrait se vanter, sur un sujet aussi mystérieux de détenir la vérité ? C'est cette sorte d'ironie latente qui m'a ici le plus dérangée. La sensation d'un personnage qui, bien que visiblement doué dans son domaine, développe une fâcheuse tendance à surjouer son rôle.

En résumé, je garderai un bon souvenir de ce livre en ce qu'il est impossible d'en ressortir absolument le même qu'avant d'avoir parcouru son ensemble. S'il m'est difficile d'imaginer que tous les croyants se montreraient enjoués à la perspective d'une telle découverte, il me semble pourtant que cet ouvrage gagne à être lu et médité, en ce qu'il replace chacun devant sa conception du monde, des origines, et plus largement, des grandes questions de notre existence.






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C'est devenu la marque de commerce d'Emmanuel Carrère que de mêler sa propre histoire à celle qu'il nous raconte.Ça donne à l'ensemble un accent de sincérité qui pousse la lectrice que je suis à le suivre dans toutes ses réflexions et dans toutes ses digressions. C'est aussi dans l'air du temps: le royaume aurait pu aussi bien s'appeler D'après une histoire vraie… Il s'agit bien sûr d'une interprétation de la lecture qu'Emmanuel Carrère a faite de l'histoire sainte et je suis convaincue qu'il a mené son enquête avec grand sérieux pour reconstituer la naissance du christianisme. Je reste cependant, après cette lecture dans un état de confusion au moins aussi grand qu'avant de l'avoir faite. L'auteur reconstitue avec beaucoup de conviction les personnalités qui ont marqué cette histoire, celles en particulier de Paul et de l'évangéliste Luc. Mais, alors qu'il de révèle si habile à nous pointer les ajouts propres à Luc ou à Jean, à en interpréter le sens politique (ce je ne manque pas d'apprécier), lorsque les paroles obscures semblent authentiquement celle de Jesus, il n'avance aucune interprétation, aucune opinion. Il ne se prononce pas non plus sur le mystère de la résurrection… Bien sûr, on peut argüer que ce n'était pas l'objet du livre mais quel est l''objet du livre? Loin de m'être ennuyée à sa lecture, force m'est de constater qu'à part les fantasmes érotiques de son auteur (eh oui, il y a ça aussi dans le royaume), je n'ai pas appris ou retenu grand chose de cette lecture de pourtant plus de 600 pages. Il me reste seulement une teinture de ce qu'était l'ambiance générale sociale, et culturelle dans l'Empire romain du premier siècle. Je m'interroge encore sur ce qui a pu faire le succès de ce livre à sa sortie…
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Un livre que j'ai apprécié et détesté....
J'ai apprécié le travail indéniable de recherche fait par l'auteur...un travail de lecture complète et d'analyse des Évangiles et de l'histoire des débuts du christianisme... Emmanuel Carrère a comparé les divers textes des apôtres pour tenter d'y trouver les points de convergence et les points de divergence, les faits avérés par l'histoire ....un livre qui confirme un point de vue que je ressentais...un partie de ces textes relève du roman, plus que de l'histoire. Certains des apôtres ont connu le Christ et ont écrit sa vie, d'autres en parlent alors qu'ils ne sont que "l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours".. Une analyse troublante, qui rejoint ce que je ressentais depuis mon adolescence après avoir cru ce qu'on me demandait de croire pendant mon enfance. Une analyse de l'histoire des débuts du christianisme qui rejoint même souvent dans les propos de l'auteur celle de l'histoire du communisme...!! Il y trouve des points de comparaison
Par contre j'ai trouvé que le texte manquait de concision, on a souvent l'impression de relire des parties déjà écrites, que l'auteur a voulu remplir à tout prix du papier, faire un pavé, et il y a réussi. Que de digressions, même dans le porno, qui n'ont pas grand chose à faire dans le propos! A mon avis ce texte aurait gagné à être plus court, plus concis.
L'auteur pêche par vanité et orgueil.
Si vous n'avez pas compris à la fin de l'ouvrage qu'il est intelligent, riche, qu'il a fait un travail énorme sur plusieurs années, en compilant des sources innombrables y compris dans des livres chers qu'il a les moyens d'acheter et qui tapissent ses murs...c'est que vous avez lu en diagonale. Oui il a très tôt rempli 18 cahiers d'écoliers...oui il a les moyens d'avoir des propriétés en Grèce ....oui, il parle très bien de lui..On est jamais si bien servi que par soi-même.
Certains livres sont comme certaines pâtisseries, difficiles à avaler à cause de leur consistance épaisse ou farineuse ...... des étouffe Chrétien ...un pari réussi sur toute la ligne !

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Difficile de parler sans faire de redites du Royaume d'Emmanuel Carrère qui a occupé une grande place de la rentrée littéraire et a déjà été tant chroniqué. Prix littéraire du Monde, meilleur livre de l'année pour la revue Lire, chef-d'oeuvre pour certains, trip égocentrique pour d'autres, le Royaume ne laisse pas indifférent. Je me suis penchée sur lui sans savoir à quoi m'attendre, et ai été happée dès la première page, dévorant les 639 suivantes en à peine quelques jours, sans répit, fascinée par cette oeuvre intense, intime, universelle, qui alterne entre le récit des premiers temps du christianisme et l'expérience de l'auteur qui se livre.

Lors d'un petit-déjeuner organisé autour de la rentrée littéraire, j'avais constaté que la plupart des lecteurs s'étaient retrouvés soit dans l'un où l'autre de ces récits alternés, lisant en diagonale la vie de Saint Luc et Saint Paul pour ne s'attacher qu'à la confession de l'écrivain, ou à l'inverse déplorant la longueur des interludes entre deux épisodes de cette fresque de la chrétienté naissante. Or, ce que je retiens avant tout du livre d'Emmanuel Carrère, ce qui m'a le plus marquée, c'est justement cette présence de l'auteur dans le récit, le regard qu'il porte sur le sujet, la description de la lente modification que chacun, lors de la phase de création, va provoquer chez l'autre. Ce sont ces interférences entre l'écrivain et son texte qui enrichissent le Royaume, le nourrissent et font de lui un très grand livre qui, réunissant le péplum, l'enquête historique et la confession personnelle, les dépasse et les sublime.

Le Royaume est avant tout une mise en abyme de l'écrivain. Une projection. La tentative de comprendre, d'expliquer le mécanisme de l'écriture. Et, tant qu'à faire, celui des Ecritures, chef-d'oeuvre polyphonique et livre le plus diffusé au monde. Quand Emmanuel Carrère s'intéresse à la Bible, en particulier à l'Evangile selon Luc et aux épîtres de Paul, il s'intéresse aux auteurs qui se cachent derrière ces textes. Bien sûr, il se projette, et d'ailleurs il l'avoue régulièrement. Il se projette, il imagine, il romance. Il enquête. Puis il se raconte projeter, imaginer, romancer et enquêter. Il associe son parcours à celui des hommes dont la foi a bouleversé le monde. Délire de grandeur ? Peut-être. Et alors ? J'y vois surtout le désir de comprendre comment les écrits s'ancrent et bouleversent, une interrogation sur « cette famille de gens pour qui être ne va pas de soi » à laquelle il appartient, un miroir tendu qui nous reflète tous, nous, lecteurs qui nous pourchassons toujours nous-mêmes dans les oeuvres des autres, qui reniflons les pistes en quête de l'auteur derrière ces personnages, pensant parfois nous trouver quand nous décelons « l'ombre portée, l'haleine sur le tain du miroir. »

« Un Évangile, ce sont des strates, la production de telle et telle communauté, n'allons pas naïvement croire que c'est quelqu'un qui l'a écrit. Je ne suis pas d'accord. Bien sûr c'est une communauté, bien sûr c'est aussi l'oeuvre de copistes, et de copistes de copistes, n'empêche que le texte, à un moment, il y a bien quelqu'un qui l'a écrit – et ce quelqu'un, dans l'histoire que je raconte, c'est Luc. »

Cette affirmation que derrière chaque texte se cache un auteur me touche en tant que lectrice. Je veux croire avec Emmanuel Carrère en cet unicité de l'écrivain, fût-elle illusoire. J'aime savoir qu'une volonté, une puissance créatrice est à l'oeuvre. Comme lui, il me plaît d'imaginer ce processus de création, de tenter d'appréhender son influence sur l'auteur, démiurge marionnettiste qui écrit et oscille entre imagination pure et analyse de son humanité. Aussi, cette mise en abyme de Carrère, écrivain-lecteur se projetant dans Luc, écrivain symbolique par essence, est pour moi un tour de force qui mérite de rester dans l'histoire de la littérature.

Je n'épuiserai pas ici toutes les richesses du Royaume, ni ne m'attarderai sur l'incontestable qualité du travail de recherche d'Emmanuel Carrère, et me contente donc d'admirer sa cohérence et sa beauté. le Royaume est de très loin le meilleur livre que j'ai lu cette année, et je tiens à remercier son auteur de ce qu'il m'a apporté.
Lien : https://lesfeuillesvolantes...
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Cette rentrée littéraire 2014 a illustré un étrange phénomène médiatique. Carrère sort un nouveau livre, tout le monde en parle, le place en tête des romans français à lire absolument, le goncourise d'avance. Et puis, patatras, le livre n'est même pas retenu dans les premières sélections des prix et le silence l'entoure. Cependant, les lecteurs ne sont pas tous grégaires et le livre connait un joli succès de librairie, dans le haut du classement des meilleures ventes.

Carrère est un écrivain qui ne laisse pas indifférent et suscite pas mal de rejet mais j'ai bien aimé Limonov, les débuts du christianisme m'intéressent, autant de raisons pour mettre ce gros livre dans ma liste de lecture.

Carrère retrace donc dans ce livre les débuts du christianisme au travers des figures de Paul et surtout de Luc. Très documenté, ce récit est beaucoup plus éclairant que bien des ouvrages historiques mais c'est aussi un roman. Carrère parle énormément de lui, c'est sans doute son sujet favori, et ce roman mêle autofiction et reconstitution historique. Il prend partie, confronte différents points de vue et livre un récit passionnant.

Dans une première partie, un peu longuette, Carrère nous raconte la crise de foi qui l'a envahie il y a une vingtaine d'années. Il a cru que l'église résoudrait son mal de vivre, ses angoisses existentielles et s'est jeté dans la religion pendant quelques temps. Cela lui est passé, mais on sent bien que ce que cet épisode le laisse troublé même s'il est maintenant critique vis à vis des croyants.

Le roman va d'abord d'attacher à Paul. Une part de ce que l'on sait de lui vient des Actes des apôtres attribués à Luc. Après sa rencontre avec Paul, Luc le suit en Asie (Turquie) et en Grèce jusqu'à Philippe, le quitte quelques temps, le rejoint à nouveau quand Paul va revenir à Jérusalem et partir pour Rome. Carrère m'a fait rire quand il parle du style de Luc et de sa manie de citer les noms et de donner des détails : à propos de Jésus, il dit que Luc, « non content de dire qu'il est fils de Dieu, ajoute qu'il est d'une excellente famille du coté de sa mère. »
Carrère évoque largement Paul qui parle du message d'amour du Christ mais se moque pas mal des rites juifs. Il est en opposition avec l'église de Jérusalem dirigée par Jacques et le récit revient fréquemment sur cette opposition entre église juive et grecque qui a structuré le début de la chrétienté.

Après avoir longuement raconté les périples de Paul, le roman revient sur Luc et l'écriture de son Évangile. le livre donne les hypothèses sur le développement des différents évangiles en retraçant le contexte historique avec l'aide de Plutarque et Flavius Josephe que Renan a surnommé le « 5e évangéliste ». Ce roman n'est pas le récit hagiographique de tel ou tel personnage de l'Antiquité, il donne de la chair aux protagonistes et les rend accessibles.

J'ai plus ou moins lu les Évangiles au catéchisme et entendu des passages à la messe et, depuis, j'ai aggloméré les différents récits en une unique histoire. le mérite de ce livre est de mettre en avant ce qui sépare les évangélistes, de bien clarifier la position de chacun, de raconter les liens entre les synoptiques et leur source commune.

A la brutalité de Marc, Luc répond par un récit plus enjolivé, plus édulcoré. Carrère avance l'hypothèse que son Évangile a été écrit après la chute de Jérusalem, au moment ou l'église n'est plus une secte juive et le récit de la vie de Jésus doit être acceptable pour les Romains qui n'appréciaient pas spécialement les chrétiens « caractérisés par la haine du genre humain. »

Carrère trouve Luc tiède, gommant au maximum les aspérités, mais reconnait qu'il a sans doute côtoyé des témoins de l'aventure de Jésus. S'il a quand même de la sympathie pour Luc et son Évangile, il n'en a pas pour celui de Matthieu et s'en explique.

Carrère a longuement étudié l'Évangile de Jean lors de sa crise spirituelle, et j'ai l'impression qu'il ne l'apprécie plus tant que cela. En même temps, c'est sans doute celui qui lui parle le plus, qui résonne avec ses réflexions d'intellectuel. Cet Évangile qu'il trouve « profond », qui a failli ne pas être reconnu par l'Eglise, reste pour lui une énigme.

Ce livre m'a vraiment passionné. On n'en sait pas beaucoup plus sur Jésus à la fin du livre, le sujet n'est pas là, mais j'ai bien envie de reprendre la lecture du Nouveau Testament à la lumière de ce récit. J'ai trouvé dans ce roman une bonne histoire, des personnages bien campés, un récit historique qui court sur les premiers siècles mais aussi le récit du début d'un mythe, l'évolution d'une idée. le style de Carrère, sa présence perpétuelle n'est pas du tout gênante et apporte une touche personnelle qui permet de rendre vivant le récit. Carrère ne croit plus que le Christ soit ressuscité mais ne comprend pas que l'on puisse croire, et que lui même ait pu croire, et se garde de juger.

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Ce livre que je voulais dévorer a été un supplice. L'auteur narcissique au possible se livre à une exégese qui n'est pas aboutie et ne régale ni le profane ni celui qui a déjà étudié la bible.
J'en étais à noter les chapitres inutiles notamment les 27 et 28 de l'enquête au cours desquels nous avons droit aux fantasmes de l'auteur et de sa femme, mais on s'en fiche éperdument...
Des torrents de soit disant érudition nous sont assénés à longueur de page pour faire comme si c'était un livre savant.
Il n'en est rien, passez votre chemin lecteurs et dépensez vos euros pour des oeuvres qui en valent la peine, certes avec moins de promo mais beaucoup de profondeur et de vérité.
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J'ai découvert Emmanuel Carrère avec sa biographie de Limonov. Les critiques m'ont incité à poursuivre avec son dernier livre que j'ai trouvé extrêmement intéressant et enrichissant.
Même si je ne crois en quelque Dieu que ce soit, cela fait bien parti de notre vie au quotidien et la façon dont Emmanuel Carrère aborde le sujet à créé chez moi une curiosité qui m'incite à rechercher d'autres lectures objectives sur le sujet.
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J'ai suivi avec intérêt le récit principal du livre, très bien mené.
J'ai regretté que l'auteur, à son habitude, entrecoupe ce récit, de temps en temps, de digressions sur sa vie privée, qui tombent là "comme un cheveu sur la soupe".
Au point que je n'ai pas conservé ce livre.

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C'est un livre formidable pour une athée comme moi. J'y ai trouvé des réponses aux questions que je me pose depuis toujours sur la foi. J'aime beaucoup Emmanuel Carrère et la façon dont il raconte ses histoires. J'aime son humilité et sa sincérité, et j'ai été servie avec cette "enquête" ! Après avoir décrit sa période de chrétien fervent, il fait preuve d'une pédagogie et d'un recul toniques pour décortiquer LES histoires du christianisme sur lesquelles s'est construite notre civilisation occidentale. Ce livre est un souffle d'air frais qui dépoussière les vieilles icônes, le fruit d'un travail intellectuel sans concessions, où l'auteur n'hésite pas à se remettre en question. Je trouve cela très courageux et admirable, et j'encourage les sceptiques et les curieux à le lire.
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