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Ce n'est pas l'arthrose ni le poids des ans qui m'oblige à m'incliner devant les avis enthousiastes et éclairants de mes coreligionnaires steka, batlamb et Lutopie.
C'est avant tout mon enclin vers ces littératures de l'imaginaire, mon respect du droit d'ainesse et du patrimoine qui me poussent à ravaler ma petite déception à la lecture d'un si attendu chef-d'oeuvre.

Pièce maitresse de la collection « L'Age d'Or » chez Flammarion, dirigée en son temps par le traducteur de Lewis Carroll, Henri Parisot, ce livre cumule la rareté avec l'attrait de la curiosité.
Edition originale, dans le sens qu'elle a paru chez nous, traduit directement de l'anglais par Parisot, avant n'importe où ailleurs.
Elle finira sans doute par reparaitre, débarrassée de ses ayants droits, le sexisme en littérature s'étant à présent inversé.
( les excellentes éditions Fage sont occupées à rassembler toute son oeuvre )
Bref, cela reste un livre définitivement pour le moment « à redécouvrir ».

Roman classé comme « surréaliste », ses deux premiers tiers appartiennent au genre du « réalisme magique », ce qui parait normal, vu qu'il a été rédigé au Mexique…
Puis une tentation eschatologique proche du Jour d'Après prend soudainement notre auteure, laissant votre serviteur enluné d'effroi, perdant de vue le délicieux humour britannique qui le changeait de ses considérations sur la vieillesse, alors directement confronté avec les affres de celle de ses parents (dont je vous passerais volontiers les détails).

Alors que l'on est tous recouverts sous les mots en -isme et en -phobe, on ne pourra sans doute pas taxer ce livre de faire de l'âgisme ; bien que l'affection pour la vieillesse de Leonora Carrington n'aurait sûrement pas supporté son expérience physique, on ne peut que se laisser entraîner dans son phantasme personnel, ricanant de l'éternelle ingratitude des générations neuves pour leurs aïeules.

Afin de mieux comprendre, voici une lettre à Henri Parisot, préface de son livre publié en 1945 « En Bas » (merci à steka pour sa retranscription) :

« Cher Henri, merci de votre lettre – Je suis d'accord qu'on publie En Bas MAIS croyez moi qu'il n'y a eut aucune « mal entendu » entre nous – Vous n'avez peut-être pas compris mon irritation que je ressent encore, Je ne suis plus la jeune fille Ravissante qui a passér par Paris, amoureuse -
Je suis une vieille dame qui a vecue beaucoup et j'ai changée – si ma vie vaut quelque chose je suis le resultat du temps – Donc je ne reproduirais plus l'image d'avant – Je ne serait jamais petrifiée dans une « jeunesse » qui n'existe plus – J'accepte L'Honorable Décrépide actuelle – ce que j'ai à dire maintenant est dévoilé autant que possible – Voir à travers le monstre – Vous comprenez ça? Non? Tant pis. En tout cas faites ce que vous voulez avec cette fantôme - avec le condition que vous publiez cette lettre comme préface -
Comme une vieille Taupe qui nages sous les cimetières je me rends compte que j'ai toujours étais aveugle – je cherche à connaître le Mort pour avoire moins peur, je cherche de vider les images qui m'ont rendus aveugle -
Je vous envoie encore beaucoup d'affection et je vous embrasse à travers mon Ratelier (que je garde a côté de moi la nuit dans une petite boite bleu ciel en plastique)
JE N'A PLUS UNE SEUL DENT
Leonora
P.S. Si les jeunes me disent maintenant qui j'ai l'esprit jeune je m'offence -
J'ai l'ESPRIT VIEILLE
Tachez de comprendre ça - »

Beaucoup reste à dire sur cette grande dame de l'art du 20ème siècle, nous laissant caresser cette sublime couverture de son infortuné compagnon Max Ersnt, heureux d'avoir longuement creusé la poussière afin d'en extirper cette possible pièce de musée.
D'autres visites sont d'ores et déjà programmées…
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Est-ce que les vieilles dames dérangées dérangent ?

Si oui, que faire ? Faut-il continuer à s'occuper d'elles ? Est-il raisonnable de les loger chez nous dans une petite maison au fond du jardin ? Ne serait-il pas préférable de les installer dans le poulailler ? Non, cela ne se fait pas. Ne pourrait-on pas considérer la question de leur réserver une place dans une institution pour personnes âgées, réservées aux dames, comme un couvent par exemple ? Quoique, nous pourrions aussi bien leur proposer de rejoindre une secte, ou les inscrire dans un camp de travail contre leur volonté, pourquoi pas ? Non, cela non plus ne se fait pas. En vérité, nous pourrions tout aussi bien les envoyer à Buckingham Palace, tenir compagnie à la Reine. Mais elles seraient peut-être plus en sécurité sur une autre planète. Tant qu'elles sont envoyées - ailleurs -, on peut tout aussi bien les envoyer nulle part. Cette décision, de leur faire quitter le domicile familial, cette décision qu'elles ne prennent pas, c'est pour leur bien n'est-ce pas ? Après tout, n'ont-elles pas toujours rêvé de partir, de voyager ? Ne s'agit-il pas de les aider à réaliser leurs rêves, à visiter la Laponie ? N'est-il pas logique que pour qu'elles puissent voir la neige et les traîneaux tirés par les chiens, il faut qu'elles abandonnent leurs chats et leur maison ? Et si elles sont plus terre à terre, plus casanières, si elles n'éprouvent nulle envie de voyager ? Si elles préfèrent la routine de la sempiternelle conversation à l'heure du thé ? Autant leur donner matière à réflexion, non ? Alors, autant les envoyer dans l'institution où elles auront la compagnie d'autres vieilles dames. Mais les vieilles dames ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être ... Il arrive qu'elles ne soient pas si vieilles qu'il n'y paraît, il arrive aussi qu'elles ne soient même pas des dames. Il arrive encore qu'elles se transforment ... en sorcières par exemple. À partir du moment où l'on se permet de s'en prendre aux vieilles dames, les vieilles dames se permettent tout ... Alors méfiance ...
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Par l'alchimie de la littérature, Leonora Carrington se transforme en vieille dame avant l'heure. Son avatar, Marion Leatherby, nous entraîne dans une suite de péripéties héritées du nonsense à l'anglaise. On voit ainsi notre héroïne nonagénaire être abandonnée par sa famille dans une maison de retraite très particulière, qui parodie l'enseignement de certains gourous mystiques. Mais à la faveur d'un récit dans le récit, le voile va se lever sur des phénomènes occultes, qui renversent littéralement le monde. Une chance pour les vieilles pensionnaires de l'hospice de s'arroger les attributs de la jeunesse, en se rebellant avec dynamisme et exubérance contre l'ordre établi. La partie noire de l'oeuvre (humour noir, s'entend), annonce une oeuvre au blanc plus apaisée, à l'image de la Laponie dont Marion espère un jour contempler la pâleur lunaire.

La nouvelle lune fait justement partie des attributs d'Hécate, déesse grecque de la magie. Celle-ci se révèle sous la forme dorée de la reine des abeilles et entraîne vers l'accomplissement de rites alchimiques. La pierre philosophale est ici un Graal détaché du monde chrétien, une relique autour de laquelle gravitent des puissances issues de la mythologie grecque ainsi que des racines celtiques de Carrington (transmises par une autre vielle dame : sa grand-mère, à laquelle elle rend sans doute hommage ici). Il faut se donner les moyens d'entendre l'autre-monde, et le cornet acoustique éponyme capte l'écho lointain du Dieu Cornu des peuples nord-européens. L'héroïne de Carrington devient ainsi la championne d'un paganisme syncrétique, face à l'obscurantisme empêchant la vie de se transformer.

Le cornet acoustique symbolise aussi le lien affectif entre Marion et la délirante Carmilla, dans les traits de laquelle on peut reconnaître la meilleure amie de Carrington, la peintre Remedios Varo. Il permet une meilleure entente, et donc une plus grande complicité. Y compris avec le lecteur.

A la faveur des retournements fantaisistes du récit et du globe terrestre, Carrington change en or tout ce qu'elle touche. Un humour cosmique !
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Un livre loufoque à souhait qui nous pénétrer dans les pensées de vieilles dames qui ont une logique qui défie toute raison. L'une veut s'enfuir à 99 ans en Laponie et se tricoter une veste avec les poils de ses chats pour fuir la maison de retraite où sa famille se propose de l'enfermer jusqu'à la fin de ses jours, son amie écrit à des inconnus dont elle a relevé le nom dans un annuaire parisien...Un univers déjanté où il fait bon promener son imaginaire , un humour noir et grinçant qui donne à réfléchir sur notre propre façon d'aborder la vieillesse et bien sûr la nôtre en l'occurrence!
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Si vous cherchez des images de Leonora Carrington, vous tomberez fort probablement sur les portraits qu'a réalisés d'elle la photographe Lee Miller (une élève de Man Ray) dans la maison de Max Ernst en Ardèche à la fin des années 30. Vous y verrez une fort belle jeune femme dont le regard révèle à la fois sensibilité et détermination. Suite à l'arrestation et à l'internement de Ernst par la police française, d'abord comme citoyen allemand, puis comme opposant au régime nazi, Leonora s'approcha fort dangereusement des portes de la folie, expérience dont elle fit ultérieurement le récit dans le remarquable « En bas ».
Mais Leonora ne pouvait se contenter d'être une « muse » surréaliste, sa personnalité disposant de nombreuses ressources ; et de cette détermination que j'ai évoquée plus haut …
Leonora Carrington était peintre et sa rencontre avec le mouvement surréaliste fut bien sur déterminante pour le reste de sa carrière qui se continua au Mexique où l'on retrouve nombre de ses fresques. Et puis Leonora avait l'imagination fertile avec aussi un véritable talent pour l'écriture dont ce merveilleux « Ear Trumpet » est l'expression la plus achevée. Sans doute un des plus beaux romans surréalistes que l'on puisse trouver. Où l'imaginaire, l'onirisme et l'humour s'entremêlent harmonieusement pour notre plus grand plaisir.
Voilà, il ne vous reste plus qu'à tomber à votre tour amoureux de Leonora, avec ce chef-d'oeuvre unique en son genre.
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Difficile de parler de ce texte assez court sans trop dévoiler l'intrigue. Disons que c'est un roman surréaliste qui se lit bien, avec un humour indéniable et un univers vraiment particulier.

Il y a un passage un peu long et ennuyeux au milieu de l'ouvrage, j'ai failli abandonner à ce moment-là, on m'a conseillé d'insister, je ne l'ai pas regretté.
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Un roman d'initiation à la vieillesse. Étonnant! Une belle traduction.
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Quand on ouvre le Cornet acoustique, réédité par L'Imaginaire Gallimard, on a l'impression de pénétrer dans l'une de ses peintures. On y trouve la beauté des associations improbables, un univers qui se tisse au fil de la lecture, sans construction et qui mène pourtant quelque part, même si c'est la fin du monde.
Le personnage principal, Marion Leatherby est une femme de 99 ans, sans dents et pleine de vie. Sa mère n'a-t-elle pas elle-même 120 ans ?
Autour d'elle, il y a les chats, la poule rousse, Carmella, l'amie bien intentionnée et à l'imagination ultra-débordante, qui passe son temps à écrire à des gens qu'elle ne connaît pas et à s'inventer des vies. Mais un jour, l'arrière-petit-fils de Marion, Galahad, est contraint par le reste de la famille de la placer dans une maison pour vieux.
Elle arrive donc dans un drôle d'endroit, tenu par un couple radin et peu avenant, pour qui le profit semble plus important que le bien-être de ses pensionnaires. Les vieilles femmes habitent des maisons en forme de champignon, de phare, d'igloo. Les relations ne sont pas conviviales entre toutes, certaines injectent même de la mort-aux-rats dans les fondants au chocolat.
De plus, le temps commence à se détraquer, et il se peut bien qu'on assiste à l'arrivée d'une nouvelle ère glaciaire.
Dans la salle à manger, le tableau d'une nonne fait de l'oeil à Marion, qui tente de savoir qui elle est.

(...)

Le cornet acoustique est ésotérique et poétique. Par cet objet que lui a offert Carmella, Marion a accès au monde qu'elle ne parvenait plus à bien entendre. Il suffit de le poser contre son oreille pour que tous les sons s'amplifient... pour le meilleur et pour le pire.

Il faut se laisser emporter par le flux surréaliste, une langue féminine qui surpasse les normes et aime les animaux bien plus que les hommes, au point de faire fusionner les règnes.

Article en entier sur le Manoir des lettres.
Lien : https://lemanoirdeslettres.f..
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