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Citations sur Dernières fleurs avant la fin du monde (19)

Manon avait été belle. Il lui restait de cette beauté passée la finesse de ses traits, un teint impeccablement blanc, pur, qui la faisait parfois passer pour malade mais continuait de m'attendrir, après dix ans, et un corps encore ferme, longiligne, que bien des femmes devaient envier. Mais les marques de son ancienne grâce s'estompaient au profit des nouvelles, celles que l'usine et la dépression avaient imprimées à son caractère, à son physique, au fil du temps ; Manon ne marchait plus droite mais légèrement courbée, comme accablée par la peine ; Manon ne riait plus, elle grimaçait et promenait partout ses yeux noirs, rendus ternes par les cernes et la faim, indifférents à toutes choses autres qu'alimentaires ; Manon se lavait peu, se maquillait maladroitement, ses cheveux châtain étaient gras et sa bouche inégalement peinte de rouge sang craquelé.
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Il était grand et noir. Très grand et très noir, laqué quoique râpé en bien des endroits, autour des arrêtes et le long des pieds, qu’il avait au nombre de trois– sept, si l’on comptait ceux du tabouret rembourré et court sur pattes qu’on avait rangé sous son ventre. Son coffre occupait un espace démesuré au regard de la place accordée au clavier, fine dentition blanche et régulièrement cariée dont il ne manquait pas une touche, et qui était découvert. Au- dessus de lui trônait un pupitre vide. C’était un joli meuble, probablement rare, on pouvait juger son état de conservation impeccable quand on savait la façon dont vieillissaient les choses de l’ancien monde en règle générale : vite et mal ; je devinais qu’il avait passé plus de temps sous le drap blanc qu’à l’air libre. Et, faut- il le dire, c’était bel et bien un piano.
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Ils étaient doublement étrangers, étrangers à nos plantations et étrangers à nos vies, et à ce titre nous les détestions doublement. On disait d’eux qu’ils volaient le travail, qu’ils s’engageaient au tiers du prix, qu’ils ne respectaient rien. Je crois en vérité que nous étions jaloux d’eux, et de ce monde qu’ils avaient reconstruit sur les ruines de l’ancien, un monde d’entraide et de tradition.
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Mais les familles ont ceci de tragique que leurs membres, quoique liés par cette force de l'origine qu'on croit trop souvent supérieure, rêvent chacun dans leur coin, et s'éloignent, et parfois se séparent.
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On croit avoir apprivoisé la nuit, on pense la connaître sous prétexte que matin et soir, depuis dix ans, elle accompagne le chemin des champs. On se trompe. Il existe en réalité des milliers de nuits, deux heures de plus sur vos habitudes et c’est un autre monde que le noir vous dessine, des formes et des pensées nouvelles, tout entières à redécouvrir.
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...tous les arbres, ou presque, paraissaient morts. Tous sauf un, un oublié, un résistant, qui dans l'un des angles du champ se montrait insolent de vie, il resplendissait dans toutes les nuances du rose, c'était une fleur géante, un champignon de fleurs.
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C’est un grand et gros corps que j’ai vu pivoter sur nous, dans une espèce de lenteur théâtrale, une ou deux têtes de plus que moi, deux fois mon poids peut- être, des traits burinés, des sourcils épais, un front clairsemé et le reste de cheveux plaqués en arrière, en boucles brunes autour des oreilles. Un âge incertain, le mien ou un peu plus. Ses bras étaient nus, il ne portait qu’un ample polo dont le bleu, océan autrefois, avait passé depuis longtemps ; un petit crocodile vert pomme battait de la queue sur son cœur. Sa tenue détonnait face aux nôtres, écharpes et sous- couches, couches et surcouches de laine, nous étions des explorateurs polaires débarqués dans l’antre chaud de l’enfer.
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Ils étaient des enfants au marché de la rébellion, bavant devant les étals scintillant des mille manières de se rebeller, belles et colorées comme des fruits frais.
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Le vieillard avait pris peur, entre mes doigts toujours brandis vers lui, tremblotants, il s'était changé en arbre, blanc et rongé par la mousse, son vieux tronc cassé en deux et tombé sur la route. Son sourire malsain était resté figé dans les veinures irrégulières du bois. J'ai scruté la forêt aussi loin que j'ai pu, encore remué d'angoisses, comme tiré d'un cauchemar, les feuillages que j'avais aperçus avaient gagné le ciel et rejoint les nuages, c'étaient des nuages plus sombres que les autres, moutonnant par dessus la lune, les serpents n'étaient plus des serpents mais des racines entremêlées à d'autres, et les rats des amas de lichens arrachés à la roche, et baladés dans la terre par le vent.
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Elle et moi étions du même moule, de ceux qui devaient s’excuser, toujours, de n’être que ça, nous. Des inexcusables tarés.
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