L’affaire était délicate, (…) mais alors je trouvais un singulier plaisir à faire, sinon tout ce qui était défendu, au moins tout ce qui était difficile.
Je l'attire auprès de moi, et ne voyant qu'elle, je passe deux heures tout entières à lui parler. Minuit sonne : on me plaint de n'avoir point soupé, mais leur commisération me choque ; je réponds qu'au sein du bonheur je ne pouvais me sentir incommodé d'aucun besoin
Le véritable amour inspire toujours de la réserve ; on craint de paraître exagérateur en disant tout ce qu’une noble passion inspire ; et l’amant modeste, crainte de dire trop, dit souvent trop peu.
Ils trouveront que j’ai toujours aimé la vérité avec tant de passion, que souvent j’ai commencé par mentir afin de parvenir à la faire entrer dans des têtes qui n’en connaissaient pas les charmes.
J’ai eu aussi de détestables ennemis qui m’ont persécuté, et que je n’ai pas exterminés parce qu’il n’a pas été en mon pouvoir de le faire. Je ne leur eusse jamais pardonné, si je n’eusse oublié le mal qu’ils m’ont fait. L’homme qui oublie une injure ne la pardonne pas, il l’oublie ; car le pardon part d’un sentiment héroïque, d’un cœur noble, d’un esprit généreux, tandis que l’oubli vient d’une faiblesse de mémoire, ou d’une douce nonchalance, amie d’une âme pacifique, et souvent d’un besoin de calme et de tranquillité ; car la haine, à la longue, tue le malheureux qui se plaît à la nourrir.
Cultiver le plaisir des sens fut toujours ma principale affaire : je n’en eus jamais de plus importante. Me sentant né pour le beau sexe, je l’ai toujours aimé et m’en suis fait aimer tant que j’ai pu.
Le tempérament sanguin me rendit très sensible aux attraits de la volupté ; j’étais toujours joyeux et toujours disposé de passer d’une jouissance à une jouissance nouvelle, en même temps que j’étais fort ingénieux à en inventer. C’est de là que me vint sans doute mon inclination à faire de nouvelles connaissances et ma grande facilité à les rompre, quoique toujours avec connaissance de cause et jamais par pure légèreté.
En me rappelant les plaisirs que j’ai eus, je les renouvelle, j’en jouis une seconde fois, et je ris des peines que j’ai endurées, et que je ne sens plus.
Un ancien nous dit d’un ton d’instituteur : « Si tu n’as pas fait des choses dignes d’être écrites, écris au moins des choses dignes d’être lues. » C’est un précepte aussi beau qu’un diamant de première eau brillanté en Angleterre ; mais il ne m’est point applicable, car je n’écris ni un roman, ni l’histoire d’un personnage illustre. Digne ou indigne, ma vie est ma matière, et ma matière est ma vie.
Je crois enfin que tromper un sot est un exploit digne d’un homme d’esprit. (…) Je suis loin de les confondre avec ces hommes qu’on nomme bêtes ; car, ceux-ci n’étant tels que par défaut d’éducation, je les aime assez. J’en ai trouvé de fort honnêtes, et qui dans le caractère de leur bêtise ont une sorte d’esprit, un bon sens droit qui les éloigne fort du caractère des sots. Ce sont des yeux frappés de la cataracte, et qui sans cela seraient fort beaux.