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Critique de motspourmots


Je lis très peu de romans graphiques ou de BD, et il me semble que c'était la même chose dans mon enfance : quelques Asterix, Lucky Luke, les albums des Pieds Nickelés. Ensuite, les super héros Marvel. de temps en temps je fais une incursion, je me surprends à aimer un style, un univers mais pas au point de devenir vraiment amatrice. Néanmoins, après le roboratif essai d'Ivan Jablonka (Des hommes justes) et l'éprouvant récit de Samar Yazbek (19 femmes syriennes racontent...), je n'étais pas mécontente de voir arriver ce récit graphique dans la catégorie "Documents" du Grand Prix des Lectrices de ELLE.
D'après ce que je découvre, Catel n'en est pas à son coup d'essai mais s'attache en principe à des biographies ou portraits de femmes célèbres (Kiki de Montparnasse, Benoîte Groult, Olympe de Gouges...) ; il lui a donc fallu trouver un prisme pour répondre au voeu d'Anne Goscinny qui souhaitait lui voir réaliser la biographie dessinée de son père. Ainsi c'est Anne qui servira de trait d'union pour ce qui devient ainsi le roman non pas d'un mais des Goscinny. L'auteure s'immerge dans les immenses archives de l'oeuvre et de la vie de René Goscinny, dans l'étude d'une riche bibliographie et revue de presse pour nous livrer ce récit d'une bien agréable manière. Agréable et surtout très pertinente au regard du cheminement du monsieur. Entre chaque épisode s'intercale une discussion entre Catel et Anne Goscinny, sa fille unique, elle-même auteure de romans et... scénariste de BD.

J'ai appris des tas de choses, je ne connaissais pas du tout les origines de René Goscinny (famille juive polonaise), encore moins son parcours ni le détail exact de ses collaborations (par exemple, j'ignorais qu'il était associé à Morris pour Lucky Luke, pour moi,c'était Asterix, point). J'ignorais tout de son enfance en Argentine (son père y travaillait en tant qu'ingénieur) d'où lui parvenaient les bruits de la guerre dans les années 40 (drôle d'écho à la lecture du Ghetto intérieur) et les mauvaises nouvelles concernant sa famille vivant en France. Une famille d'imprimeurs qui n'échappe pas à l'aryanisation des biens et donc à la spoliation ; l'un des membres survivants récupérera l'imprimerie après la guerre. René dessine depuis son plus jeune âge, ce qui ne l'empêche pas d'être premier de la classe. Mais lorsque se profile la vie professionnelle, il doit jongler entre les contraintes (assurer un revenu pour sa mère et lui après la mort de son père) et son envie de trouver "un métier rigolo". Parcours compliqué, entre les Etats-Unis et l'Europe, fait de bohème, de rencontres et d'aventures éditoriales en tous genres y compris publicitaire, à l'image d'une époque de l'après-guerre puis des trente glorieuses où tout s'invente.
Si j'ai vraiment été captivée par le récit de la vie de René Goscinny, par sa vision du pouvoir d'un bon dessin ou d'une caricature jusqu'à l'invention des personnages d'Asterix lors d'un réjouissant brainstorming avec Uderzo, j'ai été moins à l'aise avec les épisodes mettant en scène les discussions entre Anne Goscinny et Catel. Les toutes premières sont intéressantes car elles ajoutent au récit par la voix d'Anne et ses souvenirs, mais en arrivant à la fin, la mise en scène devient un peu trop mièvre à mon goût.

Ceci dit, j'ai vraiment apprécié la richesse des reproductions d'archives avec des documents et des dessins passionnants qui permettent d'approcher de près le processus créatif et de comprendre ce qui animait ce célèbre scénariste. J'ai l'impression d'avoir rencontré un homme qui méritait d'habiter les cases qu'il a si souvent imaginées pour des héros fictifs, lui qui riait de se voir traiter de chauvin en tant que créateur des "irréductibles gaulois" compte tenu de ses origines et de son parcours. Un joli moment et un bel écrin pour un véritable hommage qui oublie heureusement de se prendre au sérieux.
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