Citations sur La rééducation sentimentale, tome 3 : Un sentiment d'éter.. (13)
Il reprit ses manipulations, détacha une jambe pour lui permettre de la détendre, ramena l’autre tout contre son buste en position fœtale, attacha encore pour mieux détacher ailleurs, déplaçant les nervures des cordes entrelacées à différents endroits de son anatomie comme s’il composait une symphonie que lui seul pouvait entendre. Il liait, déliait, manipulait, liait à nouveau, et Valérie se laissait faire, perdue dans une brume imprécise, voguant dans un état second, molle et réceptive, telle un pantin articulé.
Elle n’avait plus qu’à se laisser aller complètement aux sensations que lui procurait l’homme entre les mains de qui elle avait accepté de se livrer, avec une confiance aveugle presque terrifiante.
S’il y avait une chose qu’Antoine Manœuvre m’avait révélée sur moi-même, pendant les quelques mois qu’avait duré ma relation avec lui, c’était que j’adorais le sexe. J’avais appris à ses côtés à cultiver ce goût comme une véritable passion, à varier les plaisirs et à les savourer comme on goûte des grands crus sur la route des vins.
– Il la dominait.
– Ah, j’en étais sûre ! s’exclama Valentine en me montrant du doigt. Encore un de ces tarés qui se prennent pour Christian Grey. Ça m’aurait étonnée, tiens.
Elle appuyait ses propos en croquant les morceaux de glace pilée et les feuilles de menthe au fond de son verre, comme pour en extraire les ultimes gouttes d’alcool.
– Je te signale que Christian Grey pissait encore dans ses couches-culottes à cette époque, rétorqua Valérie, cassante.
Alors que leurs salives se mélangeaient et que leurs mains palpaient à l’aveuglette le corps familier qu’elles retrouvaient, leur baiser se prolongea jusqu’à se trouver interrompu par un gémissement plaintif qui les fit éclater de rire tous les deux. Assis au milieu du salon, le chien balayait le sol de sa queue et les observait, la tête penchée sur le côté, les oreilles dressées en deux triangles symétriques de chaque côté de ses grands yeux humides et interrogateurs.
Dans mon cerveau, l’image de mon père déguisé en lapin crétin qui poursuivait des minettes en sous-vêtements a détruit tout ce qui pouvait ressembler à une réaction logique
Elle s’est approchée et s’est assise à côté de moi sur le bord de mon lit. J’ai ouvert les yeux. Il y avait comme une brume qui m’empêchait de la voir bien nette mais j’ai quand même réalisé à quel point elle était vachement jolie, ma mère, avec ses petites mèches de cheveux blonds et fous qui faisaient comme une couronne pour son visage de princesse. Un visage tout fin, tout pointu, un visage de petite souris distinguée qui laisse deviner des pouvoirs immenses malgré sa petite taille.Elle a encore appelé mon prénom avec sa voix qui chantait et me réchauffait rien que de l’entendre.
Vous savez, il y a de ces choses dont on pense qu’elles sont immuables, éternelles. Les bouddhas d’Afghanistan. Les forêts d’Amazonie. Les tours du World Trade Center. Les glaces de la banquise. Jusqu’au jour où on réalise qu’elles peuvent disparaître avec la même fragilité qu’un papillon éphémère et que le monde en sera changé à jamais.
Quand tu as le béguin, dès que tu vois la personne,tu te sens...hum...ému. En revanche, quand tu es amoureux, tu n'as pas besoin de la voir. Tu penses à elle tout le temps, le matin en te réveillant, le soir en te couchant, même en rêve la nuit. Chaque minute que tu ne passes pas avec elle, tu as l'impression que tu vas mourir de douleur. Chaque minute que tu passes avec elle, tu as l'impression que tu vas mourir de bonheur. C'est ça, être amoureux
Étienne et moi, c’était du passé. Tout ce qui restait, c’était un océan d’amertume, la lie du verre de ciguë qu’on s’apprêtait à boire ensemble ce soir en trinquant à nos amours perdues.