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Citations sur Anatomie d'un instant (10)

L'histoire se répète. Marx a remarqué que les hauts faits et les grands personnages apparaissent deux fois dans l'histoire, la première fois dans une tragédie et la seconde dans une farce, comme si, lors des mutations profondes, les hommes, effrayés par leur responsabilité, convoquaient les esprits du passé, adoptaient leurs noms, leurs gestes et leurs devises pour représenter, usant de ce déguisement prestigieux et de ce faux langage, une nouvelle scène historique, comme s'il s'agissait d'une conjuration des morts. Concernant le 23 février, l'intuition de Marx se vérifie, même si elle semble incomplète. La légende est partiellement fausse : le général Pavía n'avait pas fait irruption dans le Congrès à cheval mais à pied ; sous ses ordres... (p.192)
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C'est précisément à ce moment-là que se mirent à pleuvoir sur lui hommages, prix et distinctions honorifiques, qu'il retrouva l'amitié du roi, la confiance de ses successeurs à la présidence du gouvernement, la faveur populaire, qu'il obtint tout ce qu'il avait souhaité et imaginé d'obtenir, même si c'était un peu faux et forcé et précipité mais surtout venu trop tard, parce que Suarez s'en allait déjà ou s'en était déjà allé; il contemplait son effondrement final sans trop le comprendre et mendiait à ceux qui croisaient son chemin une prière pour sa femme et sa fille, comme si son âme s'était définitivement égarée dans un labyrinthe d'autocompassion contrite et de douloureuses méditations sur les fruits coupables de l'égoïsme et qu'il s'était définitivement transformé en vieux prince pécheur et repenti d'un roman de Dostoïevski.
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Le geste de Suarez est presque identique au leur, mais en même temps nous sentons qu’il est différent et plus complexe, ou du moins c’est ainsi que je le sens, sans doute parce que je sens aussi que son sens complet m’échappe.IL est vrai que c’est un geste de courage et un geste de grâce et un geste de rébellion, un geste souverain de liberté et un geste de comédien, le geste d’un homme fini qui conçoit la politique comme une aventure, et qui essaie tel un agonisant de se légitimer, et qui pour un moment , semble incarner pleinement la démocratie, un geste d’autorité et un geste de rédemption individuelle, et peut-être collective, le dernier geste purement politique d’un pur homme politique, et pour cette raison éminemment violent ; tout cela est vrai, mais il est aussi vrai que, pour une raison ou pour une autre, cet inventaire de définitions ne satisfait ni le sentiment, ni l’instinct, ni l’intelligence, comme si le geste de Suarez était un geste inépuisable ou inexplicable ou absurde, ou comme s’il contenait un nombre infini de gestes.
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..Tejero était tout sauf un bouffon de fête foraine; il était quelque chose de beaucoup plus dangereux. Il était un idéaliste prêt à transformer ses idéaux en réalité, prêt coûte que coûte à rester loyal envers ceux qu'il considérait comme les siens, prêt à imposer le bien et à éliminer le mal par la force.Si le 23 février Tejero montra qu'il était bien d'autres choses encore, c'était surtout parce qu'il était un idéaliste. Que les idéaux de Tejero nous paraissent pervers et anachroniques ne détermine pas la bonté ou la malignité de ses intentions, car le mal se construit souvent avec le bien et peut-être le bien avec le mal.
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«  Tout destin, si long et compliqué soit-il, se résume au fond à un seul moment : le moment où l'homme apprend une fois pour toutes qui il est ».
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J'aime beaucoup Javier Cercas, "les soldats de Salamine" est peut-être le plus beau livre que j'ai lu.
"Anatomie d'un instant" est un livre essentiel par son thème (la tentative de coup d'état aux Cortes en 1981), mais d'une lecture un peu aride.
Je n'en suis qu'à la première partie qui expose les racines du coup d'état (le"placenta" comme dit l'auteur) et je n'aime pas trop son procédé de répétition de certaines expressions marquantes mais qui finissent pas perdre de leur substance.
Je ne manquerai pas de vous tenir au courant de mes impressions par la suite !
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Carillo se prépare instinctivement à oublier pour un moment le courage, la liberté, la révolte et même son instinct d'acteur afin d'obéir aux ordres des gardes civils et de se protéger des balles sous son siège; pourtant, juste avant de le faire, il aperçoit que face à lui, au-dessous de lui, Adolfo Suarez reste assis dans son siège de président, seul,statuaire et spectral dans un désert de sièges vides. Alors, de façon délibérée , réfléchie - comme si en une seconde il comprenait tout le sens du geste de Suarez-, il décide de ne pas se mettre à terre.
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C'est ainsi que cela s'est déroulé, mais nous refusons tous de renoncer à nos souvenirs qui sont la base de notre identité, et d'aucuns préfèrent ce dont ils se souviennent à ce qui s'est réellement passé, c'est pourquoi ils persistent dans l'idée d'avoir vu le coup d'Etat en direct. Voilà, je suppose, une réaction névrotique, mais non pour autant illogique, a fortiori s'agissant du coup d'Etat du 23 février, où il paraît souvent difficile de distinguer le réel du fictif.
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Suarez contribua à sa manière au succès de Gonzalez, et sa contribution montre, là aussi, qu'il tenait plus à la démocratie qu'au pouvoir : après la démission de Gonzalez, le président du gouvernement eut l'occasion de faciliter l'arrivée à la direction du PSOE d'un groupe de marxistes - Enrique Tierno Galvan, Luis Gomez Llorente, Francisco Bustelo - qu'il aurait probablement battus aux élections sans difficulté ; il n'en fit rien : il facilita le retour de Gonzalez parce que, même s'il savait qu'il s'agissait d'un adversaire électoral de bien plus grande envergure, il pensait qu'un jeune socialiste comme Gonzalez lui était plus utile pour la stabilité de la démocratie que ses adversaires. Voilà une preuve de plus que Suarez voulait par-dessus tout que le jeu qu'il avait inventé continue à marcher.
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Retentit alors le premier coup de feu ; s'ensuit le deuxième et le président Suarez attrape par le bras le général Guttiérez Mellado impavide face à un garde civil qui lui ordonne par des gestes et des cris de se mettre à terre ; puis le troisième coup de feu se fait entendre et, sans cesser de défier du regard la garde civil, le général Guttiérez Mellado libère violemment son bras de la prise de son président ; une fusillade éclate. Tandis que les balles arrachent du plafond des morceaux de plâtre et que tour à tour les sténographes et l'huissier se cachent sous la table et que les sièges engloutissent les députés jusqu'à ce que plus aucun d'entre eux ne soit visible, le vieux général demeure debout sous le feu des sous-officiers, les bras le long du corps et observant les gardes civils insurgés qui ne cessent de tirer. Quant au président Suarez, il retourne lentement vers sa place, s'assoit, s'appuie contre le dossier et reste ainsi, légèrement incliné à droite, seul, statuaire et spectral dans un désert de sièges vides.
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