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Critique de DonQuirano


Depuis mon adolescence, j'admire le personnage de Quichotte davantage par le mythe qui précède et auréole l'oeuvre que par une lecture assidue. Ecrit en 1605 (livre I) et en 1615 (livre II), ce monument de la littérature classique arrive encore en tête du classement des oeuvres majeures de tous les temps qui ont marqué la culture occidentale. Cervantès y partage le podium avec Proust, Joyce, Marquez et Fitzgerald (Homère, Shakespeare, Tolstoï, Dostoïevski et Flaubert ne sont pas loin). Il est par ailleurs assez remarquable d'apprendre que lorsqu'on interroge les détenus des prisons cubaines pour connaître le choix du livre qu'ils souhaiteraient lire, Don Quichotte arrive largement en tête.

Comment explique-t-on la longévité des grands classiques ? Peut-être apportent-ils un élément nouveau dans l'histoire de la littérature dans la forme ou dans le fond, ou ont-ils été une source d'inspiration permanente pour des auteurs contemporains ou qu'ils sont appréciés par des experts littéraires à travers les siècles, ou qu'ils développent plusieurs niveaux de lecture qui rend la tâche ardue mais ô combien gratifiante au lecteur, au point que très souvent l'oeuvre est lue à de multiples reprises et accompagne le lecteur tout au long de sa vie ? Sans doute, mais toutes les oeuvres citées ci-dessus ont en commun qu'elles adressent des questions essentielles, universelles et intemporelles de l'humanité, de notre humanité, de ces questions auxquelles la mythologie et la philosophie ont tenté d'apporter des éléments de réponses dans les temps antiques. Pourrait-on aussi se hasarder à prétendre que ces classiques nous servent de repères ou de guides dans le tumulte de nos vies ?

Disons-le de suite, ce Quichotte est un chef d'oeuvre de style en prose. Chaque narration, chaque dialogue est une délectation. Les répliques de Sancho Panca sont hilarantes et l'histoire d'amitié que développe Cervantès entre Quichotte et Sancho est sans doute l'une des plus belles que la littérature nous ait livrées.

D'aucuns prétendent que Cervantès est dur, parfois même cruel avec son personnage mais n'oublions pas que pour traiter des sujets de l'inquisition, de l'amitié entre un manant et un noble, de fouler aux pieds les lois de l'Etat et de l'Eglise pourvu que la conduite suit rigoureusement les codes de la chevalerie errante, de poser un discours féministe libertaire dont les revendications #metoo d'aujourd'hui n'auraient pas à rougir dans une Espagne du 16 ième siècle où le rôle de la femme est le plus souvent confiné à la soumission d'un mariage arrangé par les parents, aux ordres religieux ou pour les plus pauvres d'entres elles à la prostitution, il fallait se montrer habile dans la maîtrise de la parodie et de l'ironie sans verser dans le sarcasme. Ce faisant Cervantès a obtenu le sceau de validation de l'oeuvre par les autorités de censure de l'Etat et de l'Eglise.

Le coeur se serre quand on tourne les dernières pages mais je me console à l'idée que les prisonniers cubains prendront du bon temps. Et je sais que le livre que je lirai après ce Quichotte manquera irrémédiablement de relief, de tessiture et de style, ce sentiment qui vous habite quand vous buvez une piquette après avoir dégusté un grand cru et je consens que de qualifier de piquette le prochain livre sans même l'avoir lu relève de la plus haute subjectivité mais j'en assume la critique.

Octobre 2022
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