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Citations sur Le Jour d'avant (287)

Une blessure ouverte. Et une douleur que le pays n'a jamais partagée. Malgré les déclarations et les promesses, le supplice de notre peuple s'est arrêté aux portes de l'Artois. Notre deuil n'a pas été national. A l'heure de dire au revoir à son charbon, la France a oublié de dire adieu à ses mineurs. Le monde qu'ils incarnaient n'existaient déjà plus.
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Au bas de la fiche de salaire, en plus des trois jours dérobés, la direction avait retenu le prix du bleu de travail et des bottes que l'ouvrier mort avait endommagés.
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De corons en corons, nous croisions notre propre détresse.
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Je n'avais pas honte. Moi aussi, j'étais un ouvrier. Pour toujours. Paris ne changerait rien, je le savais. Mais il fallait que je quitte le bassin. Je ne voulais pas d'un horizon de terrils. De l'air âcre des cheminées. Je ne pouvais plus passer devant les grilles de la mine, croiser les gars sur leurs mobylettes. Baisser les yeux face aux survivants. Entendre le souffle des chevalements que seul mon Jojo avait le droit d'imiter. J'étais épuisé des hommes à gueules de charbon. Je ne supportais plus de voir leurs mains balafrées, entaillées, leurs peaux criblées à vie d'échardes noires. Les regards harassés me faisaient de la peine. Même le dimanche, même nettoyés dix fois, les cous, les fronts, les oreilles racontaient la poussière de la fosse. Et mon frère disparu.
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Nous avons discuté de mon père, de ma mère. Il m'a demandé si j'avais eu le sentiment d'être aimé. Il m'a parlé d'abandonnisme. Je n'avais jamais entendu ce mot-là. Syndrome d'abandon ? J'ai ri. Puis me suis excusé. Oui, bien sûr. J'avais été aimé et respecté.
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La mort de Joseph m'avait fané. Ma jeunesse était vieille.
Un an après son fils, mon père nous a quittés. Et ma mère m'a élevé avec ce qu'il lui restait de force. Sur le mur, il y avait trois portraits crêpés de noir. Celui de mon oncle, celui de mon frère, celui de mon père. Nous n'étions plus que deux à table, une minorité de vivants. Ce n'était plus une ferme mais un cimetière. Avec deux cadres vides qui attendaient notre heure.
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"Venge-nous de la mine", avait écrit mon père. Ses derniers mots. Et je le lui avais promis. À sa mort, mes poings menaçant le ciel. Je n'ai jamais cessé de lui promettre. J'allais venger mon frère, mort en ouvrier. Venger mon père, mort en paysan. Venger ma mère, morte en esseulée. J'allais tous nous venger de la mine. Nous laver des Houillères, des crapules qui n'avaient jamais payé leurs crimes. J'allais rendre leur dignité aux sacrifiés de la fosse 3bis. Faire honneur aux martyrs de Courrières, aux assassinés de Blanzy, aux calcinés de Forbach, aux lacérés de Merlebach, aux déchiquetés d'Avion, aux gazés de Saint-Florent, aux brûlés de Roche-la-Molière. Aux huit de La Mûre, qu'une galerie du puits du Villeret avait ensevelis. J'allais rendre vérité aux grévistes de 1948, aux familles expulsées des corons, aux blessés, aux silicosés, à tous les hommes morts du charbon sans blessures apparentes. Rendre justice aux veuves humiliées, condamées à rembourser les habits de travail que leurs maris avaient abîmés en mourant.

Page 130, Grasset, 2017.
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