Je me souviens de l'une d'entre elles qui contait, en se balançant, la même scène, lorsque, d'un seul coup, elle avait perdu toute sa famille. Elle caressait, du pouce, une clef qui pendait à sa ceinture, celle de sa maison, là-bas, dans ce monde décimé qui n'était plus qu'un autrefois, obsédant de douleur. Je ne sais rien de la scène brutale qu'elle racontait. Je me souviens de son visage tragique, du murmure de sa voix.
Personne ne parle des temps morts, car la mémoire ne conserve et ne transmet, dans les récits, que les moments, souvent brefs, où l'on affronte le danger. Comment on a rompu l'encerclement, à la faveur de la nuit ; la fois où on les a surpris, pendant qu'ils faisaient la sieste ; l'éxécution d'un traître devant le village assemblé ; la fuite éperdue, lors d'un ratissage. Les temps mors, pourtant, sont les plus longs
Au moment où je prends la mesure du temps et où tout le monde est mort, il est temps de se souvenir de cette histoire et de rendre aux ancètres ce qui leur est dû.
Aujourd'hui, je salue votre désir de durer et de rester vous-mêmes, que je respecte sans le partager. Mon chemin a été autre. J'ai lutté avec des peuples de trois continents, j'ai partagé leur existence. Peut-être vous ai-je mieux compris grâce à eux. Vous revenez maintenant prendre en moi votre place, en paix, à l'orée des souvenirs. Et vos traces sont dans mes pas