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Critique de Lenocherdeslivres


Nox a donc quitté sa cité. Celle où il a passé l'essentiel de sa vie. Celle qu'il a appris à connaître comme personne et dont il ressent le souffle, les mouvements, les changements. Et le voilà en pleine campagne, isolé au milieu de rien. Entre terre et eau. Au pied de cette tour de Garde qui donne son nom à la double trilogie et dont on se doute depuis le début qu'elle va jouer un rôle central dans la résolution de ces six romans. Il en est propriétaire, légalement. Mais quand il arrive sur ses terres, accompagné de son ami Symètre, il s'aperçoit rapidement qu'il n'est pas le premier arrivé.

Pour qui a lu, ce qui est vivement conseillé, Mort aux geais ! de Claire Duvivier (soit, le deuxième tome de Capitale du Nord et donc, le quatrième de la tour de Garde), aucune surprise. On savait déjà que la rencontre entre les deux « héros » allait avoir lieu dès le début de ce volume, puisqu'Amalia était déjà sur place. Sans qu'il soit nommé, c'est bien Nox qui clôturait Mort aux geais ! par sa phrase définitive quant à sa prise de possession de ce lieu. Et on retrouve le jeune homme au début des Contes suspendus, se demandant ce qu'il va bien pouvoir faire. Ce roman est la gestation et la mise en oeuvre de ce projet encore embryonnaire. C'est la tentative de mise en oeuvre d'une utopie.

Dans ma chronique sur Trois lucioles, le précédent volume de cette trilogie, je m'agaçais légèrement devant l'incapacité de Nox à prendre des décisions et son attitude plutôt passive. Dans Les contes suspendus, Nox a enfin atteint sa maturité et, même s'il hésite souvent et réfléchit abondamment à la suite des évènements, il devient un adulte à part entière. Il fait des choix. Il les assume pleinement. Même s'ils sont douloureux. Même s'ils ont des conséquences graves. Même s'il ne sait pas toujours où il va. Il décide. Il prend sa place. Place de chef que les autres lui attribuent sans qu'il l'ait demandé. Mais tout le cycle le conduisait là. C'était évident. Tout ce qu'il a vécu l'a amené à cette place. Dirigeant d'une nouvelle société, ouverte, plus égalitaire. Où les décisions sont prises de façon collective (et hop, un nouveau rappel de Cité d'ivoire de Jean Krug ou d'Un pays de fantômes de Margaret Killjoy qui confirme ce que je disais dans ma chronique sur Les terres closes). J'ai aimé cette mue et j'apprécie grandement la place prise par Nox dans ce dernier récit. Ce personnage, sa fraîcheur, son honnêteté ont contribué pour une part énorme dans mon attachement à cette série. Et ce contraste avec nombre de ses opposants, ambitieux jusqu'à en écraser les autres, cruels voire proches de la folie, est d'autant plus saisissant. Sans jamais tomber dans la caricature. L'équilibre est maintenu et les protagonistes sont tous crédibles, épais par leur passé, par leurs motivations. On croit en leur réalité. On croit en leur existence. Même quand la magie est de la partie, même quand tout semble se liguer contre le héros, l'ensemble reste crédible et l'histoire envoûte.

Ainsi s'achève cette trilogie. Décidément, en ce moment, je ne cesse de finir des cycles (je sors aussi du cycle des Maitres enlumineurs de Robert Jackson Bennett). Certains lecteurices attendent avec impatience la publication du dernier opus d'une série afin de se lancer dans la lecture sans craindre de temps mort puisque tout est disponible. Mais pour moi qui ai tendance à lire les ouvrages au fur et à mesure des sorties, la déprime est proche. En effet, je vois surtout la perte des personnages que j'ai suivis depuis des mois, voire des années. Je crains avant tout l'éloignement d'un univers que l'auteur à mis tant de patience et de soin à créer et que j'ai mis quelques pages, voire dizaines de pages à appréhender et à faire mien. J'appréhende ces sorties de récits prenants et immersifs (un mot très à la mode) car j'en ressors toujours un peu sonné. Et avec Capitale du sud, le choc est bien là. Guillaume Chamanadjian a parfaitement et habilement maîtrisé ce dernier opus et il nous conduit en douceur à la fin, à la séparation. Rien de brutal, loin de là. Cependant, la densité de l'action est telle, l'intensité des relations entre les personnages est si forte que l'on ne peut que regretter de s'arrêter là. Heureusement, il reste le dernier roman de Capitale du nord qui paraîtra en fin d'année.

Je parle sans cesse de regrets depuis le début de cette chronique. C'est pour mieux insister sur la qualité de cette trilogie. L'auteur ne s'est pas contenté d'une petite histoire, sympathique mais sans ambition. Il n'a pas juste surfé sur ses bonnes idées du Sang de la cité. Il a pris des risques et s'est éloigné de la cité qui faisait tout le charme de ce roman. Il a plongé son personnage principal dans un monde totalement différent. Et c'est une réussite. La tour de Garde est un lieu que j'aimerais visiter lors d'un voyage. Il semble réel tant Guillaume Chamanadjian lui donne de la consistance, du relief, de la vie. Nox est une personne que je voudrais croiser, voire un dirigeant que j'apprécierais sans doute.

David Meulemans, l'éditeur de cette hexalogie, a osé publier une double trilogie croisée. Il a dit que pour lui, le fait que les textes soient déjà écrits dès le départ était sécurisant. Mais il s'est tout de même engagé pour trois ans de publication, six romans de fantasy française, dans un climat incertain. Je lui dois donc de vifs remerciements pour avoir pris ce risque. Et merci évidemment à Guillaume Chamandjian (et à Claire Duvivier, mais j'attends la parution de son dernier opus) pour avoir su créer de tels moments, pour m'avoir permis de m'évader avec une telle facilité et un tel plaisir. Nox s'éloigne, place à Amalia dans le troisième tome de Capitale du nord.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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