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Citations sur La peau du dos (9)

On est en mai 1870, la première ou la deuxième semaine, les fourrés de lilas explosent doucement, personne n'entend la rumeur de la guerre qui menace. Et qui pourrait deviner que l'un - Renoir- sera considéré bientôt comme "le pape", comme le peintre du bonheur même si les mesquins le qualifiaient de peintre pour dames et si les abrutis lui faisaient valoir que le torse d'une femme n'est pas un amas de chairs en décomposition avec des taches vertes et violacées; et que de l'autre- Rigault- sera, sous peu, le délégué à la police puis le procureur de la Commune.

(p. 15)
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Le ciel bricolait des boules de coton toutes rondes grâce auxquelles on était prêt à concevoir qu'il existât des corps qui échappaient à la loi de la gravitation universelle, un léger vent donnait le sentiment d'un élan républicain, le monde prenait des allures d'apéritif.
(pp.29-30)
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En chemin, ils passèrent devant un placard porteur d’un arrêté signé Raoul Rigault. L’article premier interdisait la vente des tabacs sur la voie publique, les attendus prétextaient le danger pour la santé publique à cause des produits frelatés et le manque à gagner pour les revenus de l’État. Le docteur Regnard alluma un panatella et se moqua de l’Académie de médecine qui prétendait que la fumée engourdissait les âmes et les spermatozoïdes, puisque la nicotine “c’était l’abaissement de l’homme vers l’état d’eunuque”. Sur le Boulevard, des cueilleurs d’orphelins ramassaient les mégots pour reconstituer des cibiches qu’ils revendaient à plus pauvres qu’eux.
Partie II - La rue de Jérusalem, chapitre 4
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Un jour, chevauchant dans la lande, il avait eu l’intuition qu’on peint comme on tient les rênes d’un cheval, une main souple, l’autre ferme, et qu’il faut alterner les moments où on tire les rênes et ceux où on les relâche. Un autre jour, un cuirassier alléguant que les chevaux blancs et noirs n’étaient pas tout blancs ou tout noirs mais gris clairs et bai brun car leur robe était mélangée, il avait repensé à Narcisse Diaz qui l’avait dissuadé de l’usage du noir bitumeux.
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Au carrefour de deux routes, il s’assit sur une table de vénerie, posa sa planche à dessin contre le tronc incliné d’un frêne, fixa une première feuille de papier avec une pince, respira longuement et se lança. Une deuxième, une troisième feuille suivirent, il s’émerveillait qu’un simple coup de crayon fît surgir la lumière, il s’agaçait d’un geste loupé, recommençait, complètement absorbé par ce qui se tramait entre sa feuille de papier et les frondaisons qu’il avait sous les yeux, obéissant à sa main comme si elle était la providence.
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Tout a changé et rien, bien sûr, n'a vraiment changé.
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Et tandis qu’elle étudiait la distribution des pivoines dans un vase, il (Renoir) faisait son portrait, et il dit à Raoul ce que Raoul ne pouvait pas bien comprendre, que la peau de son dos “repoussait la lumière”.
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Raoul était pressé de retourner au tribunal. En tant que procureur, il rejoignait dans la légende son héros de la Révolution française, le père Duchesne, qui se disait fils de sacripant, poêlier, qui fumait la pipe et qui assumait qu'on le considérât comme un Exagéré ou un Enragé. Désormais, il aurait à créer une justice révolutionnaire comme il avait créé une police révolutionnaire. Cela dit, il devait convaincre les communards de renoncer à leurs principes et consentir aux bienfaits de la dictature - leurs réticences le consternaient. Avrial voulait supprimer la peine de mort, il voulait même brûler la guillotine. Rigault prétendait avoir conçu les plans d'une guillotine à batterie électrique qui rendrait les plus éminents services, mais il se tut quand Renoir glissa dans la conversation qu'il avait rencontré le bourreau Sanson dans l'atelier de son père où il essayait un costume trois pièces en serge de coton. Sanson ! Oui, le petit-fils qui avait perpétué l'oeuvre familiale mais qui avait dû vendre la guillotine pour échapper à des poursuites dans une histoire de moeurs.
Avant de partir, il leur montra la dernière mouture d'un décret qui ferait date et qui imposerait sa volonté à la Commune. Le tribunal révolutionnaire serait composé de cinq membres de confiance qu'il pourrait choisir, lui, Rigault, un tribunal qui se prononcerait sur la culpabilité séance tenante, ce serait oui ou non, et la seule peine prononcée serait la mort et l'article 5 préciserait qu'elle serait exécutée dans les deux heures. Avrial désapprouvait cette justice expéditive. Il le rembarra vertement. "Nous ne faisons pas de la justice, nous faisons la révolution."
Sur ces fortes paroles, chacun retourna à ses occupations.

(pp.107-108)
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Après la soupe de perroquet, le lapin sauté aux carottes vous changeait de la routine des haricots et des lentilles qu'il troquait contre une toile chez l'épicier de la rue des Beaux-Arts. La conversation glissait, allègre et décousue. Pas un convive n'avait plus de trente ans. la vente aux enchères d'un portrait de Vidocq fit débat: était-il de la main de Géricault ? Fallait-il croire, ou pas, le commissaire-priseur ? Est-ce le nom de Vidocq ou le prix du portrait, Raoul n'y tint plus. D'une voix soudain plus forte, il rapporta un fait-divers dont seules les feuilles rouges, qui dénonçaient la misère et annonçaient la révolution, s'étaient fait l'écho. Une vieille femme était morte de faim sur un grabat, dans une pièce au plancher vermoulu, pas de table, pas même une chaise, deux nippes élimées pendues à la poignée de la porte. Pour les besoins de la cause, il n'hésita pas à ajouter en contrepoint que le même jour, aux Tuileries, l'impératrice portait une coiffure grecque en diamants et une robe de damas arménien cerise recouvrant un jupon de velours vert. Auguste garda pour lui que Raoul paraissait obsédé par les mortes et qu'il semblait s'y connaître en robes.
(pp.18-19)
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