On se sert des couleurs,mais on peint avec le sentiment...
-(...) Je suis devenu si lent...
- Bien assez rapide, à mon goût...
- Oh, toi, tu regardes un oignon pendant des semaines avant de toucher à ton pinceau !
- J'attends de le voir autrement. Et d'oublier la manière dont les autres l'ont fait.
- Tu attends de tomber amoureux. Avoue, Siméon ! Amoureux de ton oignon ! Le "sentiment"...
- Le sentiment...Pourquoi pas ?
On peut en murmurant des mots magiques,faire remonter les fleuves vers leur source,endormir le souffle des vents,arrêter le soleil,suspendre le cours de la nuit.
"Et moi? demanda Sophie.Ne me peindrez-vous pas aussi?
-Bien sûr,fit Baptiste,amusé.Mais il faudra me payer..En baisers.De toutes les monnaies:baisers chauds,baisers frais,baisers d'oiseaux,baisers d'enfants,baisers d'amoureuse.."
Elle consentit une avance.Il accepta le principe d'un portrait en pied.
Vois-tu,Oudry plus j'avance en âge,plus il me semble que la peinture doit s'écarter de la sculpture:avec mes pinceaux,j'aimerais faire de la musique....
Le portrait d'une vie" ? On s'amusa de cette formule. "Portrait d'une vie", excusez du peu ! Ah, le vieux fou ! Croyait-il avoir achevé l'un parce que l'autre se terminait ?"
"Quand même, Monsieur, vous n'allez pas me peindre en robe de toile ! ou avec mon tablier !
- Non certes. Pourtant, je ne vous mettrai ni taffetas, ni or, ni dentelles. Je vois une jupe toute simple, un corselet uni, mais du plus joli ton du monde ! Je vous peindrai, ma Sophie, dans la robe que les fées donnèrent à Peau d'âne : couleur de lune ..."
"Oh, Monsieur, votre portrait des enfants du général Fabre, quelle beauté, quelle émotion ! C'est à fendre le cœur : ces trois orphelins face au buste de leur père, leurs pauvres visages, leurs mains enlacées, leurs regards ... Comme vous avez dû pleurer en les peignant !
- Madame, on ne peint qu'avec les yeux secs" Et il avait poursuivi sa route.
A condition de ne regarder ni en arrière,ni en avant,ni dans les coins,c'est ce qu'on appelle le bonheur.
Monsieur Greuze et Monsieur Diderot peuvent "moraliser" à leur aise:je suis saucier.
Du reste, quand il contemplait l’œuvre des autres, il n’aimait pas être surpris : il voulait être séduit…
N'importe : même si c'était pour de mauvaises raisons, il était content d'être aimé.