Citations sur Une anthologie de la poésie féminine : Quand les femmes p.. (54)
Comment expliquer ce mystère ? Serait-ce que les poétesses d’autrefois, trop timides, envoyaient peu de manuscrits aux éditeurs ? Que celles d’aujourd’hui préfèrent écrire pour leurs tiroirs … ou pour leur mari ? Ou bien doit-on imaginer un vaste complot des critiques et des universitaires pour maintenir les femmes poètes dans l’ombre ?
« Je ne sais affermir ma vie
Si je n’obtiens de lui soutien,
Car il me tient en son pouvoir,
Lui à qui fus, suis et serai.
On aura beau me raisonner,
Je n’aimerai
Que celui qui seul m’émeut.
Et, s’il lui plait, il peut me tuer !
(Anonyme - XIIIème siècle)
Pensant aux « Lettres à un jeune poète » de Rilke, j’ai eu envie, plus modestement, de donner « quelques conseils à une jeune poétesse » (conseils qui vaudraient aussi pour une jeune romancière). Les voici :
- Premièrement, soyez un homme
- Deuxièmement, habitez Paris
- Troisièmement, vivez vieille
- Quatrièmement, prenez-vous au sérieux
- Cinquièmement, écrivez
Marie Noëlle
(..) Ne me regardes pas, bien aimé, je t'en prie,
Si jamais
Ton regard n'était pas assez doux, j'en mourrais!
Ne me dis rien, tais-toi, bien aimé, je t'en prie,
Si jamais
Ton accent n'était pas assez doux, j'en mourrais!
Mon bien aimé passa, voilé de rêverie,
L'âme ailleurs,
Sans me rien dire, hélas, sans me voir, et j'en meurs.
▪️Louisa Siefert ▪️
"Sotto voce"
Le bonheur est un oiseau
Plus léger que l'oiseau-mouche ;
Et sous lui, comme un roseau,
Notre âme plie et se couche.
Chut ! Ne faisons pas de bruit :
Dans le secret de la nuit,
D'un regard ou d'un sourire
Soyons heureux sans le dire,
L'oiseau vient, passe et nous fuit.
Chanson
Ta voix est un savant poème …
Charme fragile de l’esprit,
Désespoir de l’âme, je t’aime
Comme une douleur qu’on chérit.
Dans ta grâce longue et blêmie,
Tu revins du fond de jadis …
Ô ma blanche et lointaine amie,
Je t’adore comme les lys !
On dit qu’un souvenir s’émousse,
Mais comment oublier jamais
Que ta voix se faisait très douce
Pour me dire que tu m’aimais ?
//Renée Vivien
J'aime te sentir
Sur moi
Comme un pont écroué
Ma rivière
Polira tes pierres
Fonds sur moi dans l'herbe
Tu es l'autour
Qui emporte mon sang
Plus haut due la forêt
Entends-tu les plaintes
De ma joie
Entre tes verres ?
(Anise Koltz)
Margueritte Burnat-Provins
La lampe a rendu fou le papillon de nuit, il sera mort
bientôt d'être entré dans la chambre.
Et moi, Sylvius, je tourne et je m'épuise autour de ta beauté, sans doute un soir je mourrai de t'avoir aimé.
La chambre; Marceline Desbordes-Valmore
Ma demeure est haute,
Donnant sur les cieux;
La lune en est l'hôte,
Pâle et sérieux:
En bas que l'on sonne,
Qu'importe aujourd’hui .
Ce n'est plus personne,
Quand ce n'est plus lui (...)
La bonne joie
J'adore votre forme exacte et son contour,
L'éclat matériel de votre belle lèvre,
Votre vigueur qui monte et vous fait de la fièvre
Et précipite en vous le besoin d'amour.
Combien c'est net et bon, combien cela m'enchante!
Je pense à votre faim, à votre beau sommeil,
Je me dis : " Il est plein de sève et de soleil,
Et la joie est sur lui comme l'eau sur la plante."
Vous avez, mon amour, la poignante douceur
De l'animal qui boit, qui marche et qui désire
ET même, sans vos pleurs, vos rêves, votre rire,
Vous avez, par le sang, une haute splendeur.
J'écoute votre pas, j'entends votre soupir(...)
Et je ris tendrement lorsque je me rappelle
Vos cheveux, une fois, emmêlés par le vent...
Hélène Picard ( 1873 - 1945)