Objectif réussi pour cette anthologie de la poésie féminine au travers du thème de l'amour : on y découvre des poétesses inconnues ou méconnues, et on referme le livre avec l'envie urgente de dégoter d'autres trésors de ces poétesses que l'on entend décidément très peu. Déjà que la poésie n'est pas très « audible » (probablement parce que pas très « vendeuse »), alors quand il s'agit d'une auteure ….
D'ailleurs,
Françoise Chandernagor, qui ne rassemble ici que des poétesses nées avant la deuxième guerre mondiale, « les plus jeunes ne [devant] être jugées qu'une fois passé le temps nécessaire à la décantation », règle ses comptes avec les éditeurs et les érudits: dans sa préface, elle dénombre méticuleusement le nombre de pages consacrées aux poétesses dans les anthologies connues du grand public, le nombre de poétesses publiées dans les collections de poche de poésie, et démontre ainsi, simplement et rigoureusement, la sous-représentation des femmes en poésie.
La poésie, chasse gardée de ces Messieurs. Peut-être un peu à l'image de la haute gastronomie, de la haute couture, de la direction d'orchestre, de la composition de musique classique, de la peinture, … La liste est longue, de ces disciplines artistiques – socialement très valorisées - qui sont l'apanage quasiment exclusif des hommes. Si on ouvrait la porte aux talents féminins, nous aurions alors un point de vue plus complet sur la création humaine et l'imagination, et peut-être des oeuvres d'art complétement différentes …
Mais revenons à nos moutons. L'anthologie s'ouvre sur la toute grande
Sapho (certes elle n'est pas francophone, mais comment parler de poésie féminine sans un mot sur cette immense poétesse ?). Ensuite on parcourt les siècles, depuis le Moyen Âge (j'y ai d'ailleurs découvert un Moyen Âge beaucoup moins obscurantiste et machiste que celui de mes cours d'histoire …) jusqu'à
Vénus Khoury-Ghata… Tantôt romantiques (
Marceline Desbordes-Valmore bien sûr), tantôt coquines. Tantôt sensuelles (Marie Dauguet,
Renée Vivien,
Marguerite Burnat-Provins), tantôt mystiques. Tantôt heureuses, mais le plus souvent malheureuses …
Pour chaque poétesse,
Françoise Chandernagor y va de son petit mot d'explication sur sa vie et son oeuvre, souvent complété par des extraits d'autres
poésies … Elle analyse les poèmes sous l'angle mélodique et rythmique, rappelant par-là que la poésie est d'abord écrite pour être lue à voix haute, déclamée … ce que trop peu savent encore aujourd'hui (en tout cas en Belgique, à Bruxelles, où les soirées « poésie » se comptent sur les doigts d'une main pour un mois entier, même en tenant compte des soirées slam). Mais je m'égare de nouveau.
En conclusion, ne boudons pas notre plaisir, gardons dans nos journées connectées un petit moment pour soi, le temps du plaisir de quelques pages de cette anthologie. Et espérons très vite qu'il y aura d'autres anthologies consacrées à la poésie féminine francophone, sur des thèmes un peu moins bateau que l'amour …