Je remercie infiniment les éditions Phébus ainsi que Babélio qui avec cette Masse critique privilégiée m'a fait découvrir le troisième roman de
Jérôme Chantreau.
Un soir de février 2013, dans une petite ville bretonne, un jeune garçon de 18 ans meurt d'une balle dans la tête. Bavure policière ? Accident ? Suicide ? C'est cette dernière hypothèse qui sera privilégiée par les enquêteurs.
Pourtant Antoine
Bélhazar Jaouen n'était pas suicidaire, avait d'innombrables projets, savait exprimer, en dehors de tout système assujettissant, un être profond, riche d'inventions, de créations, irrigué par un imaginaire foisonnant et par des connaissances encyclopédiques. Un enfant capable d'être soi envers et contre toutes les contraintes.
Tandis que Yann, le père tente de maintenir vivant le souvenir de son fils, Armelle, la mère, se lance dans un combat pour que la thèse du suicide soit réfutée et que la lumière soit faite sur la mort du jeune homme. Mais, comme une malédiction, tous ceux qui pourraient l'aider et témoigner, disparaissent violemment.
L'un des anciens professeurs de
Bélhazar, meurtri (lui qui se targue d'être un excellent enseignant) de n'avoir pas su déceler l'artiste derrière le mauvais élève et d'être passé à côté d'une personnalité exceptionnelle, s'efforce, par l'écriture, de donner un sens à cette trajectoire fulgurante.
"Tout est vrai" nous affirme dès les premiers mots le narrateur-auteur-personnage. Et l'on peut effectivement retrouver la trace de la tragédie dans quelques articles de presse datés de 2013.
Jérôme Chantreau nous entraîne ainsi dans sa quête et son enquête à la recherche du "vrai"
Bélhazar qui fut son élève.
Il ne s'agit pas, pour l'auteur, de reprendre les investigations policières, ni d'apporter une réponse aux incertitudes qui entourent la mort du jeune homme, mais de dessiner un portrait en suivant le sillage laissé par
Bélhazar : ses créations, les souvenirs de ses proches. En tentant de s'approcher au plus près de ce gamin hors-normes, il évoque l'anéantissement de toutes les promesses d'un avenir qui ne sera pas et montre, en quelque sorte, la mort à l'oeuvre.
C'est ainsi que j'ai lu "
Bélhazar". Ou plutôt, c'est ainsi que j'eusse aimé le lire si l'omniprésence du narrateur n'avait, à mon avis, quelque peu occulté le jeune garçon me laissant l'impression déplaisante d'un glissement de la focalisation de
Bélhazar vers le narrateur-auteur qui clôt par ce roman "[son] cycle de la Mort. Une trilogie qui se termine."(p.313). Et là mon malaise s'amplifie : le jeune élève ne serait là que dans le cadre d'une trilogie sur la mort ? Ce serait une sorte de manipulation pour faire "entrer" l'histoire de
Bélhazar dans un travail littéraire sur la mort ? Cette hypothèse interprétative explique ma déception et la gêne latente qui a accompagné ma lecture. Pour moi, tout se passe comme si les choix narratifs flottaient entre deux histoires : celle, cruellement avortée, de
Bélhazar et celle de l'auteur aux prises avec sa création. Sans doute y-a-t-il un peu des deux, mais de manière trop floue pour que cette lecture m'enthousiasme. Dommage !