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sur 227 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
En 2013, Antoine-Bélhazar Jaouen meurt à dix-huit ans lors d'une interpellation judiciaire. Passée sous silence, l'affaire tombe dans l'oubli jusqu'à ce que Jérôme Chantreau, l'un de ses anciens professeurs, décide de mener l'enquête.

Enquête ? Conte ? Réalité ? Invention ?
Je ne cherche pas. J'accepte. Mais mon acceptation ne sera pleine et entière qu'en toute fin de roman, quand le conte l'emportera sur la réalité. Quand enfin se dévoilera la vie rêvée des anges.
Des anges ? Oui, Bélhazar en est un. D'abord parce qu'il est mort jeune, à dix-huit ans, d'une mort violente et soudaine. Ensuite, parce qu'il est un inventeur de mondes magiques, un créateur d'ambiances extraordinaires, un trouveur d'objets hétéroclites. Enfin parce que sa singulière personnalité, le personnage qu'il a créé et endossé le font entrer d'office dans le cercle des poètes disparus.

Bélhazar est un enfant hors du commun. Et tous ceux qui l'ont côtoyé diront la même chose. Déjà le fait de se faire nommer ainsi est hors du commun, comme l'est sa naissance. C'est un enfant riche. Riche d'imagination, de sens du détail, d'invention et d'inventivité. C'est un artiste, un créateur. le digne compagnon d'Alice au pays des merveilles.
Ah, se perdre dans son monde enchanté et enchanteur ! Découvrir sa prose et ses dessins. Être abasourdi devant ses trouvailles et inventions. Quelle passion, ou plutôt quelles passions l'animaient ! Une curiosité insatiable !

« Un adolescent qui, à dix-huit ans a trouvé le temps de devenir peintre, de vendre des toiles représentant des paysages non répertoriés dans le monde réel, qui a tant collectionné d'objets sur la Grande Guerre qu'il voulait créer un musée, un enfant qui retapait un taxi de la Marne au fer à souder, se passionnait pour les armes d'époque et vivait selon un code d'honneur chevaleresque, un gosse qui envoyait des lettres sans timbres et parcourait l'Europe en faisant griller de la joue de porc sur le bord de la route. Un gamin qui n'a jamais mis un tee-shirt, vivait au bord de la mer sans jamais y tremper le bout d'un pied, mangeait des fleurs et donnait à ses amis la force d'être eux-mêmes. Un môme que ses amis appelaient Regardeur de soleils, et que pas une personne sur cette terre n'a compris. Un adolescent qui n'a pas connu l'amour, mais en donnait à tout le monde. Un enfant dont la tombe ne porte pas le nom et qui est né d'un miracle. »

J'ai adoré le regard du père devant cet enfant unique. J'ai adoré leur complicité : compagnons de vie, compagnons de jeux. Deux pions sur un échiquier géant comme l'est le monde qu'ils ont exploré à leur façon, au volant de leur mercedes-tapis volant, à la recherche d'un nouveau graal.
Je ne sais ce qui appartient à la réalité ou à la légende. Je m'en moque. Mais je peux affirmer ici que Bélhazar a eu une vie pleine et entière. Oui entière, même si cela peut paraître paradoxal vu son âge.

« J'ai toujours eu l'impression qu'il ne m'appartenait pas, qu'il était là pour quelque chose qui nous dépassait, que la seule chose que j'avais à faire avec lui, la plus urgente, c'était de profiter de la chance que j'avais de vivre à ses côtés. Un bonhomme comme lui, c'est pas tous les jours qu'on en rencontre. Les gens s'ennuient souvent quand ils passent du temps avec leurs enfants. Moi, j'étais fasciné. Et j'en ai profité, crois-moi. C'est pourquoi je peux dire qu'aujourd'hui, je n'ai aucun regret. »

Cependant, j'ai bien failli arrêter la lecture de ce livre. Plus d'une fois. Bélhazar est mort. le responsable ? Ce n'est pas ce qui m'intéresse, alors toute la partie (longue) sur cette recherche de responsabilité m'a irritée. Autant que les atermoiements de l'auteur quant à sa prise de conscience face à la mort de son ancien élève. Il s'est trompé, il n'a pas vu le potentiel de Bélhazar et l'a classé d'office parmi les échecs scolaires. C'est seulement à sa mort que son regard a changé. Alors cette quête initiale est-elle pour se dédouaner ? C'est vrai que cette enquête l'a beaucoup aidé dans son introspection. Une catharsis en somme. Mais là aussi ce n'est pas ce qui m'a attirée.

Ce n'est pas comment il est mort qui définit cet étrange enfant, mais comment il vit. Il vivait. Et plus on pénètre l'univers de ce « regardeur de soleils », plus on est troublé par sa force et son abandon. Un rêveur à la recherche d'une planète idéale, un mélange d'Albator et d'Alice. Et c'est là que réside toute la saveur de ce roman, dans ce labyrinthe végétal épineux parsemé de lapins blancs, de peluches, d'armes et d'objets datant de la Première Guerre mondiale, de petits papiers ou de petites pancartes semés comme des petits cailloux... On se perd, on s'approche, on devine, on s'émeut devant tant de poésie.

Bélhazar. Une belle rencontre.

Merci à Babelio et aux éditions Phébus pour cette plongée, non pas au coeur des ténèbres comme pourrait le suggérer la quatrième de couverture, mais au coeur même de la vie.
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Atypique. Fantasque. Excentrique. Un énergumène que ce jeune Bélhazar, qui répare un taxi de la Marne à la soudeuse, crée des objets d'art avec des poubelles, envoûte tout le monde par son anachronisme assumé... Mort à 17 ans dans des circonstances douteuses, il laisse derrière lui une mère pugnace, qui ne se résout pas à la thèse du suicide, un père fataliste et mélancolique, qui poursuit l'oeuvre de son fils, et un ancien professeur - l'auteur - qui se lance dans une enquête sur ce jeune homme, ou plutôt qui se lance en quête de lui.

Existe-t-il une malédiction autour de cette affaire ? Bélhazar est-il la réincarnation d'un soldat de la Grande Guerre ? le monde onirique et symbolique qu'il avait dispersé à travers ses oeuvres contient-il un plan, une réponse, une raison à sa disparition ? Si vous acceptez de vous glisser un instant dans le monde de cet être hors-norme qu'était Bélhazar, vous découvrirez peut-être vous aussi ce qu' a trouvé l'auteur de l'autre côté du miroir.
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En 2013, Antoine Bélhazar Jaouen meurt à l'âge de 18 ans lors d'une interpellation policière. Jérôme Chantreau, l'auteur de ce roman et surtout l'un de ses anciens professeurs, décide de se pencher sur cette affaire tombée dans l'oubli et encore en attente de réponse. Véritable travail d'enquêteur, l'auteur va chercher des réponses auprès des deux parents de l'enfant et de ceux qui l'ont côtoyé. Bélhazar, enfant original, aura su marquer chaque personne qu'il aura rencontrée par son charisme et sa générosité.

Je remercie Babelio et les éditions Phébus pour l'envoi de ce roman dans le cadre d'une Masse Critique. J'ai toujours eu du mal avec les romans de littérature française en "je". Souvent autocentriste et sans intérêt, j'avoue que je ne me serais jamais penchée sur ce roman en temps normal. Jérôme Chantreau nous offre cependant avec Bélhazard un roman assez fort en émotion. La mort d'un jeune adolescent est toujours un drame surtout lorsque les événements et les raisons restent obscurs. Avec beaucoup de pudeur et de justesse, l'auteur nous présente le deuil difficile des deux parents. le personnage de Bélhazard est passionnant à découvrir et, tout comme l'auteur, nous sommes subjugués par cet adolescent si atypique.

Les émotions ressenties lors de la lecture de ce roman sont assez intenses. J'ai lu ce roman en une journée tant il m'a happée. Bien que certains passages me restent encore assez obscurs, je conseille vivement la lecture de ce roman.
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Un roman officiellement; un conte peut-être, une histoire qui se serait passée à Dinan? aucun des lieux cités n'existe. L'auteur , professeur de latin veut raconter Bélhazar, enfant de la dernière chance, le joyau de ses parents.
Enfant curieux ce Bélhazar, amateur et détenteur d'armes anciennes dès son plus jeune âge, doué pour tout ,passionné par la grande Guerre, beau et fantasque, surdoué sûrement.
Puis Bélhazar , dans une rue, est tué, se tue ? en tous cas avec un de ses vieux pistolets .Affaire close pour la police, pas pour la mère, (un portrait de femme magnifique).
L'auteur, son professeur ,avec l'accord de la famille va retracer la vie de Bélhazar er rechercher une autre vérité. Il est obsédé par cet adolescent, peut-être se sent -il un peu coupable de ne pas avoir perçu autre chose que la lumière qui irradiait de celui-ci? simple hypothèse. Mais le récit est bien mené, l'écriture recherchée, le dernier tiers du livre, assez nébuleux ressemble à un chapitre d'Alice au pays des merveilles.
Me reste l'impression certainement erronée que l'auteur "s'écoutait" écrire ...
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Bélhazar . Un prénom étrange pour un garçon qui ne l'est pas moins.
« Il ressemblait à un soldat ou à un espion. Il avait aussi l'allure d'un poète maudit, d'un pirate ou d'un contrebandier. » A l'école, il rend « ses devoirs tapés à la Remington sur de vieilles factures d'entreprise d'import-export de bananes. » Il ne porte pas de vêtements décontractés comme les jeunes de son âge, mais des chemises de grand-père boutonnées jusqu'au cou. Il invente des objets extraordinaires.
Un soir, il rentre avec des amis. Ils sont agressés par une bande qu'ils mettent en fuite. Quelques minutes plus tard, la police arrive. Un coup de feu part. Bélhazar s'écroule. Il avait dix-huit ans.
Le titre de ce roman est intrigant. Que signifie ce mot dont la couleur rouge ensanglante le blanc de la couverture ?
Sur le bandeau, une photo : un jeune homme en contre-jour se détache sur fond de mer comme s'il allait y entrer.
Lorsque je jette un coup d'oeil au résumé, je suis encore plus désarçonnée. Tout cela me donne envie de postuler pour ce livre que me propose une Masse critique privilégiée.
Cette histoire m'a véritablement happée dès les premières lignes. On baigne dans une atmosphère étrange. L'auteur prévient qu'il se base sur des faits réels et n'a changé que les noms des personnages. Et pourtant, tout ce qu'il raconte paraît tellement incroyable.
On imagine donc que son narrateur qui restera anonyme n'est autre que lui-même, qui est également professeur et a publié deux livres avant d'être éjecté de sa maison d'édition.
Les premiers mots sont « Tout est vrai ». Il s'adresse à quelqu'un, c'est Bélhazar. Il fait allusion à des éléments énigmatiques, qui s'expliqueront en temps utile et qui piquent immédiatement la curiosité. « La lune vibre comme une cymbale (…) Je sais qu'elle est la dernière demeure du lapin blanc. » « J'ai vu palpiter ton monde sous le vernis de la réalité. J'en ai trouvé le passage. » « Serai-je le prochain mort sur la liste macabre qui s'attache à ton histoire ? » « J'entrerai dans le labyrinthe, car tu m'y appelles. » Et c'est dans cet endroit aussi mystérieux qu'inquiétant, puisqu'il présente tout un rituel occulte qui conduit au-delà de « cet événement qu'ils appellent la mort », que Jérôme Chantreau invite son lecteur à le suivre.
Tout commence par un banal trajet en voiture. le narrateur et sa famille se dirigent vers « la piscine de Saint Jean de Luz ». Soudain, sa femme lui demande de s'arrêter. Elle sort, emmenant quelques pas plus loin son fils Pierre, un adolescent. Après lui avoir parlé brièvement, elle se rassoit et annonce froidement : « Bélhazar  est mort ».
Le narrateur est glacé par la nouvelle. Il imaginait un lien particulier entre Bélhazar et Pierre, car ce dernier, lui aussi, avait côtoyé la faucheuse. Après avoir dû affronter d'autres deuils (sa mère et son élève Dana), le narrateur décide d'entreprendre l'écriture d'une trilogie consacrée à la mort.
Et pourtant, pour Bélhazar, « ce n'est pas sa mort qui m'intéresse, c'est sa vie. »
« Par où commencer ? »
Armelle, la mère du jeune homme, est en colère. Comment est-il possible que la gendarmerie, que le procureur, osent parler de suicide ? Bélhazar, un garçon plein de vie, de projets, bouillonnant d'idées, doué pour tout, écriture, peinture, créations en tout genre, Bélhazar, donc, n'aurait jamais quitté volontairement ce monde.
Yann, le père, raconte comment son fils, inversant les rôles, lui a fait découvrir tant de choses qu'il ne connaissait pas.
Yann adore conduire. Voilà pourquoi les weekends où il avait la garde de Bélhazar, il venait le chercher à la sortie de l'école pour l'emmener dans un long périple à la recherche d'or, de neige en été, de n'importe quoi qui sorte de l'ordinaire, dans des pays lointains, dont Bélhazar rapportait des objets biscornus avec l'intention de les exposer dans son futur musée.
Contrairement à son ex-femme, Yann n'a donc pas de regrets. Il a profité pleinement du moindre instant passé avec son fils, cet être extraordinaire dont le prénom a été forgé par les parents. Ce Bélhazar qui, à dix ans à peine, allait perdre en forêt des petits cousins trop turbulents. Qui préparait un exposé sur Christophe Colomb comme un spectacle vivant, réussissant à capter l'attention de la classe entière. Qui dessine un labyrinthe dans un champ, envoyant les promeneurs vers le « Chemin de l'ogre jaune » ou le « Passage du renard malveillant ».
Ce Bélhazar qui a un côté sombre et maléfique, puisqu'une sorte de malédiction semble frapper son entourage : morts mystérieuses, ami qui perd la raison, narrateur renvoyé par ses éditrices et rompant avec sa famille.
La fin du livre est très étrange. Elle nous entraîne dans un univers ésotérique dans lequel on croise une sorcière qui parle avec les morts et donne au narrateur des pierres censées le protéger pendant ce périlleux voyage initiatique.
J'ai trouvé cette histoire palpitante. le personnage central est fascinant. Impossible de savoir qui il est réellement ou même ce qui lui est vraiment arrivé. On le dirait issu d'un univers parallèle.
J'ai, en revanche, moins adhéré à la partie qui nous emmène dans un monde cabalistique, avec formules magiques, animaux qui parlent et rituels à accomplir pour entrer dans l'au-delà.
Mais, dans l'ensemble, cette lecture m'a captivée et je remercie vivement Babelio pour cette Masse critique privilégiée ainsi que les éditions Phébus qui m'ont envoyé ce volume.
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« Si je dois définir ce que c'est que le passage de Bélhazar dans une vie, alors je dirais ça :
Accepter de perdre.
Chérir sa peur.
Lever la tête.
Regarder les soleils. »
L'auteur, alors enseignant, fait la connaissance d'Antoine-Bélhazar Jaouen alors âgé de douze ans, un étudiant qui se démarque dans la cour d'école et un élève plutôt confrontant et atypique dans la salle de classe. Ne parvenant pas à trouver sa place dans le cursus scolaire habituel, Bélhazar, le bien nommé, disparaît des radars du système. « Dans les faits, Bélhazar, posait cette équation insoluble de faire entrer l'imaginaire d'un enfant dans les critères de l'Éducation nationale. C'est impossible. »
Un jour pourtant, l'auteur a de ses nouvelles, mais de celles que l'on ne veut jamais entendre. Bélhazar se serait suicidé devant chez lui lors d'une interpellation policière. C'était le 13 février 2013, il avait dix-huit ans. Dès lors, l'existence de cet enfant doué et sa fin tragique le hante et l'absorbe tout entier. Il en écrira le récit, non sans mal et sans heurts, bousculant ses proches et s'aliénant, par moments, la mère de Bélhazar, pressée de faire toute la lumière sur les circonstances de la mort de son fils.
Jérôme Chantreau se fond dans cette histoire vécue en la juxtaposant à la sienne. Un maelström de sentiments mêlés dans lequel je me suis trouvé entraînée et interpellée comme adulte, mère et grand-mère. « Mais parler de son fils défunt à une mère, c'est partager un verre de lave avec un dragon. » Et lorsque le père s'exprime, ça donne lieu aux pages les plus émouvantes du livre. Superbement écrit, cet ouvrage sensible m'évoque la démarche empruntée par Emmanuel Carrère dans son travail littéraire, mais là s'arrête la comparaison. On n'a pas à choisir, on lit les deux, tout simplement.


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Je ne surprendrai personne en affirmant qu'il y a, dans une carrière d'enseignant, des élèves ébouriffants, exaspérants ou simplement épatants de drôlerie ou de gentillesse, que l'on croise et que l'on sait, très vite, inoubliables. Bélhazar fut de ceux-là qui, à deux reprises, croisa la route de Jérôme Chantreau, comme élément perturbateur de l'une de ses classes d'abord, comme meilleur ami de son beau-fils ensuite. Une troisième occasion vint le rappeler à lui, terrible, déconcertante, violente : interpellé par les gendarmes, il mourra d'une balle dans la tête, une balle tirée de sa main, d'une arme lui appartenant. Mi-fasciné par cette histoire à l'immense potentiel romanesque, mi-poussé par les parents du jeune homme devenus de proches amis, l'auteur s'est attelé, dans la douleur et les vents contraires, à la tâche herculéenne de rendre à ce bel enfant du hasard sinon la vie, du moins le reflet le plus exact possible de sa réalité. « On ne peut pas mourir quand on est jeune et qu'on sourit comme ça. »
J'avoue être entrée sur la pointe des pieds dans ce roman qui n'en est pas tout à fait un, pas franchement à reculons, mais peu s'en fallait. J'étais tombée sous le charme de la plume ample, généreuse, racée de Jérôme Chantreau en savourant à pleines mirettes Les enfants de ma mère, son deuxième livre, mais j'avais peiné à terminer Avant que naisse la forêt, étouffée de verdure et de délires qui m'avaient échappé. Quel bonheur de se laisser à nouveau embarquer! Portant à bout de bras cet enfant lumineux et fascinant, l'auteur nous invite à le suivre dans l'intimité même du travail d'écriture en marche, mieux, dans la progression de l'homme vers sa maturité, du professeur vers ce statut d'écrivain qui l'attire et l'effraie. Là où il croit porter au jour une autre vérité sur l'histoire de cet adolescent à nulle autre pareil, c'est Bélhazar qui l'accouche de sa propre destinée, le menant de sa main sûre et légère d'enfant qui joue en toute confiance. Plus il enquête sur sa mort, plus il prend l'ampleur de sa vie, forte, intense, rayonnante, une vie de « Regardeur de soleil ». Plus il en parle, mieux il le dit, se dépouillant pas à pas d'une forme d'arrogance, de la certitude de tenir un bon sujet, gagnant, par l'humilité retrouvée du pèlerin en marche, cette proximité sans apprêt qui fait la magie des plus belles rencontres. Et c'est là que Jérôme Chantreau nous touche, c'est là qu'il nous cueille, nous laissant, à la fin de notre lecture, avec la sensation d'avoir eu cette grande chance, à ses côtés, de rencontrer, à notre tour, à des milles et des milles de tout cliché connu, une sorte de Petit Prince qui, en guise de planète, aurait eu un jardin et aurait préféré les lapins aux renards.
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Bélhazar est un élève prometteur, un enfant précoce, de ces enfants que la société a tant de mal à comprendre et à accepter. Dix-huit ans, ce n'est certainement pas un âge pour mourir, encore moins lors qu'une interpellation de police qui tourne mal, et qui plus est, tué par sa propre arme. C'est pourtant ce qui est arrivé à Bélhazar en 2013. Alors, bavure, accident, suicide comme on a bien voulu le faire croire, que doit-on en penser.

Une affaire étrange, dont on a peu parlé mais sur laquelle Jérôme Chantreau décide un jour de faire la lumière. Car si la police et la justice ont tôt fait de conclure à un suicide qui arrange bien les autorités et les délivre de toute responsabilité, les parents eux, se posent bien des questions.

Antoine Bélhazar est un garçon différent, brillant. Jamais vêtu d'un tee-shirt, mais toujours d'une chemise et d'un grand manteau, il dénote terriblement dans sa classe ou dans la cour de l'école. Et cette différence, comme son intelligence, en font un souffre douleur, mais aussi un jeune homme hors norme.

Rêveur, collectionneur fou, artiste, passionné, inspiré, unique, il mène rapidement sa vie en dehors des sentiers battus, et surtout de la vie normale d'un enfant ou d'un adolescent. Passionné par la guerre et par les armes à feu, il les collectionne, apprend à tirer au club de tir et compte bien trouver un métier en relation avec cette passion dévorante. Mais Bélhazar est aussi quelqu'un qui vit dans le monde d'Alice au Pays des Merveilles, avec son lapin blanc dans sa forêt magique, à la limite du monde merveilleux et enchanté de ces histoires qu'il aime tant. Un monde dans lequel peu à peu va le suivre l'auteur, passant insensiblement de la recherche de vérité à la magie d'un monde parallèle accessible aux seuls initiés, ceux qui savent comment passer de l'autre côté du miroir

Le long cheminement de l'auteur vers un semblant de vérité au côtés de ce jeune homme unique, lunaire, magnifique, est avant tout un chemin vers une meilleure connaissance de lui-même et de ce qui l'entoure, de ce vers quoi il veut aller. Un moyen d'évoluer et de se trouver là où il pensait seulement cerner cet élève singulier, énigmatique et magnétique à l'imagination et à la créativité débordantes.

Un livre étrange qui nous parle d'un disparu auquel on s'attache sans parvenir à le cerner vraiment. Mais est-ce vraiment le but, l'auteur ne cherche-t-il pas plutôt à mieux se connaître à travers cette relation à l'autre, à celui qui a disparu et à ceux qui l'ont aimé.
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Phébus pour cette Masse Critique privilégiée et l'envoi de ce roman de Jérôme Chantreau : Bélhasar.

Un livre sur le difficile deuil d'un enfant… Un roman écrit et composé à partir de faits réels.
Bélhazar, un jeune homme sans histoire, décède lors d'un contrôle de police. Accident ? Bavure ? Suicide, comme l'avance le rapport officiel ?
Bélhasar est un ancien élève de l'auteur, professeur de français et de latin, et un camarade proche de son beau-fils.
Alors Jérôme Chantreau a mené l'enquête, est revenu sur les lieux, a suivi la chronologie des faits, a longuement rencontré les parents de Bélhasar, s'est retrouvé investi de la difficile mission de lui consacrer un livre.
Généralement, j'aime beaucoup les mises en abymes de l'écriture, l'histoire d'un livre en train de s'écrire. Ici, le parcours de Bélhasar croise les difficultés personnelles et conjugales de l'auteur, l'angoisse de la page blanche ; c'est intéressant et gênant à la fois, trop intime.

En même temps, tout n'est pas réel dans ce roman. La quatrième de couverture prévient bien que les évènements ont eu lieux mais que les faits avérés ne disent pas toujours la vérité. Tout dépend du fil tendu par l'auteur entre les éléments, ce qu'il nomme « l'arabesque éphémère qui survit dans les yeux des témoins ».
Bélhasar est présenté comme un enfant différent, un « adolescent hypnotique », un artiste, un poète… Pour moi, il avait des allures de Grand Meaulnes, et pas seulement pour sa passion pour la première guerre mondiale.
Le récit devient vite captivant, car une malédiction mortifère semble planer sur l'histoire, partageant le lecteur entre un désir de savoir ce qui s'est réellement passé lors du contrôle policier et comment l'auteur va réussir à écrire et terminer son livre. Nous basculons sans cesse entre bavure policière, surtout quand Maitre Metzner accepte de s'occuper de la plainte déposée par les parents, et thèse du possible suicide.
L'écriture est travaillée, avec de belles descriptions, une certaine importance donnée aux lieux, une large part accordée à l'imagination, de belles phrases, des expressions percutantes, des dialogues convaincants. Les acteurs de ce drame sont mis en valeur avec force détails. Tout le monde se met à nu, pas seulement l'auteur. Je me suis attachée aux parents de Bélhasar, un couple séparé mais toujours uni, inégaux devant la douleur.
De plus, il y a une volonté d'universalité dans ce roman : ce livre est pour tous les enfants disparus, pour dire l'empreinte qu'ils ont laissé. Ce n'est pas seulement un récit sur le deuil ; c'est aussi une formidable histoire de transmission.

C'est la deuxième fois qu'un roman de Jérôme Chantreau me plonge dans une certaine perplexité. Je me retrouve avec un ressenti analogue à mes impressions après avoir lu Les Enfants de ma mère, il y a presque deux ans…
Ce roman m'a touchée, émue, intriguée mais il m'a manqué quelque chose pour y croire vraiment. Encore une fois, cela vient peut-être de la part biographique contenu dans cette histoire, de l'intrusion dans un vécu. J'aurais préféré suivre le lapin blanc dans une intrigue créée de toute pièce où dont les sources d'inspiration auraient été tenues secrètes. Je me suis un peu sentie comme une voyeuse avec la douloureuse impression que Bélhasar servait un peu de faire-valoir.

Une lecture marquante.

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De lui, j'ai lu son premier roman "Avant que naisse la forêt", un ouvrage sur la mère, la mort, le deuil, la forêt et les arbres, j'avais été envoûtée. J'ai laissé passer son deuxième et je viens de refermer le dernier. "Bélhazar" de Jérôme Chantreau est de ces ouvrages qui, je le sais, me poursuivra longtemps. Je le trouve bouleversant.

"A la lisière du réel, de l'ésotérisme, de l'onirisme, de l'hallucination, le texte m'a emportée très loin." Cette phrase, tirée de la chronique du premier roman de l'auteur pourrait être reproduite ici. "Bélhazar" est le récit de l'enquête minutieuse qu'il va mener sur la mort d'un de ses anciens élèves – et par ailleurs l'ami de Pierre, le fils de sa compagne. "TOUT est vrai. Je n'aurais jamais quitté ma vie à sept cents kilomètres de là, si cela n'avait été qu'une de ces légendes qu'on prête aux enfants singuliers." Tout est vrai, donc. Et, avec l'autorisation des parents, Jérôme Chantreau va chercher à percer le mystère de cette mort. Est-ce véritablement un suicide comme la police semble le laisser entendre ? Ou plutôt une bavure selon le point de vue des parents ?

Cette enquête m'a happée, et je n'ai plus respiré jusqu'à la dernière phrase, le dernier mot "Il y a la neige, la rosée, qui casse l'herbe du matin, le retour à la vie, réelle. La tienne Bélhazar". Alors, même s'il me semble qu'un texte plus resserré aurait eu encore plus d'impact, qu'une fin allégée eût gagné en profondeur, ma lecture fut plaisir de bout en bout. J'ai voulu tout connaître de Bélhazar. Cet enfant au prénom impossible, unique identité gravée sur son tombeau, cet enfant improbable, capable, tout juste adolescent, de cuisiner une joue de boeuf sur le coin d'un réchaud posé au bord d'une route, ce jeune garçon passionné d'histoire, d'armes de guerre, cet enfant dont la mort semble entourée de malédictions m'a prise dans ses filets... Et tout autant que lui, l'auteur dont la vie se défait, se transforme au gré de ses recherches et de ses conclusions.

Jérôme Chantreau use de sa plume délicate, captivante, onirique, pour nous entraîner sur la piste de Bélhazar, nous faire découvrir cet enfant aux portes de l'imaginaire. Et plus encore, lui, celui qui écrit, n'hésite pas à se dévoiler lui-même, à sortir de son monde réel pour pénétrer une autre galaxie, à nous conter le chemin de sa vie.

Bélhazar est un retour vers le passé, un voyage au fond de soi, une recherche de la vérité, un roman véritablement fascinant.

Je remercie chaleureusement Babelio pour cette proposition de Masse Critique privilégiée et les Editions Phébus pour l'envoi de cet ouvrage qui m'a transportée.

Lien : https://memo-emoi.fr
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