Je voudrais que mon chagrin si vieux soit comme le gravier dans la rivière: tout au fond.
Mes courants n'en auraient pas souci.
(Extrait de "Aromates chasseurs")
Ce que nous entendons durant le sommeil, ce sont bien les battements de notre cœur, non les éclats de notre âme sans emploi.
La nuit talismanique qui brillait dans son cercle 1972
LE CHASSE-NEIGE
Dans la moelle épinière du Temps d'où irradie l'amour, nous célébrons de l'amour la fête éminente, minuit blanchi par ses douze douleurs.
LE GAUCHER
On ne se console de rien lorsqu'on marche en tenant une main, la périlleuse floraison de la chair d'une main. L'obscurcissement de la main qui nous presse et nous entraîne, innocente aussi, l'odorante main où nous nous ajoutons et gardons ressource, ne nous évitant pas le ravin et l'épine, le feu prématuré, l'encerclement des hommes, cette main préférée à toutes, nous enlève à la duplication de l'ombre, au jour du soir, Au jour brillant au-dessus du soir, froissé son seuil d'agonie.
Les femmes sont amoureuses et les hommes sont solitaires. Ils se volent mutuellement la solitude et l'amour.
(extrait de "Excursion au village" / "Aromates chasseurs") - p.170
De quoi souffres-tu ?
De l’irréel intact dans le réel dévasté ?
De leurs détours aventurés, cerclés d’appel et de sang ?
De ce qui fut choisi et ne fut pas touché ?
De la rive du bon au rivage gagné ?
Du présent irréfléchi qui disparaît ?
D’une étoile qui s’est la folle, rapprochée et qui va mourir avant moi ?
Il en est qui laissent des poisons, d'autres des remèdes. Difficiles à déchiffrer. Il faut goûter.
Le oui, le non immédiats, c'est salubre en dépit des corrections qui vont suivre.
FLORAISON SUCCESSIVE
La chaude écriture du lierre
Séparant le cours des chemins
Observait une marge claire
Où l'ivraie jetait ses dessins.
Nous précédions, bonne poussière,
D'un pied neuf ou d'un pas chagrin.
L'heure venue pour la fleur de s'épandre,
La juste ligne s'est brisée.
L'ombre, d'un mur, ne sut descendre ;
Ne donnant pas, la main dut prendre ;
Dépouillée, la terre plia.
La mort où s'engouffre le Temps
Et la vie forte des murailles,
Seul le rossignol les entend
Sur les lignes d'un chant qui dure
Toute la nuit si je prends garde.
(extrait de "Dans la pluie giboyeuse") - p.61
Nous demandons à l'imprévisible de décevoir l'attendu. Deux étrangers acharnés à se contredire - et à se fondre ensemble si leur rencontre aboutissait !
Parmi tout ce qui s’écrit hors de notre attention, l’infini du ciel, avec ses défis, son roulement, ses mots innombrables, n’est qu’une phrase un peu plus longue, un peu plus haletante que les autres.
Nous la lisons en chemin, par fragments, avec des yeux usés ou naissants, et donnons à son sens ce qui nous semble irrésolu et en suspens dans notre propre signification.