C'est une chose de manger de la viande, c'en est une autre de s'asseoir entre boys pour s'échanger des anecdotes sur les êtres vivants qu'on a tués avant le dîner, une canette de Labatt 50 entre les genoux.
Les jardins les mieux soignés perdurent, même lorsqu’ils sont délaissés.
Les adieux n'existent pas quand on s'aime assez.
C’est difficile de se rappeler avec joie les choses qui sont teintées d’échec.
Chez nous, il faut savoir se défendre, ou bien devenir une proie. Je n’ai jamais eu la force d’assumer la place qui me revenait de droit ; avant Samuel, je n’avais pas compris que j’étais en mesure d’y arriver.
Elle jouait pour moi le rôle d’une muse : près d’elle, j’étais inspiré. Et vice versa. Un échange d’énergie créatrice. Quand Ariane a quitté ma vie, ma propre inspiration s’est tarie. Comme un vide en moi qui a grandi, nourri par ma douleur. Nourrir le vide… C’est étrange comme image, mais c’est celle qui traduit le mieux ce que j’ai ressenti.
C’est souvent ainsi : les ondes de choc restent, mais les mots s’échappent, parce que c’est plus facile de survivre en gommant les détails. C’est comme quand on vient de guérir d’une blessure : on sait qu’on a eu mal, mais on ne pourrait plus le décrire. C’est un peu semblable, pour mon père. Même dans mon souvenir, l’expression de son visage est plus douce. On se protège comme on peut.
Les choses seraient restées simples si nous n’avions pas grandi ; si, dans l’année de notre cinquième secondaire, Sam et moi ne nous étions pas rendu compte que le lien qui nous unissait était différent. Qu’il y avait plus entre nous. Le genre de sentiment aussi envoûtant que l’étaient les feux de camp dans ma cour ces étés-là. Aussi dangereux, quand on ne fait pas attention.
Reste que c’est difficile de regarder vers l’avenir lorsqu’on ne fait que me rappeler mon passé.
Je veux croire en nous, notre amour, seulement je ne sais plus si j’en ai la force. J’ai été le pilier de cette relation pendant si longtemps, mais là ma base est rouillée et la structure prend l’eau. Je m’ennuie du temps où je me sentais suffisamment forte pour soutenir mon poids et le sien.