Ludivine le savait, certains enquêteurs considéraient le Département des sciences du comportement au mieux comme une vaste perte de temps et de moyens, au pire comme une arnaque. A leurs yeux, rien ne valait une bonne vieille investigation du terrain, et des preuves tangibles. L'étude des personnalités, les analyses de caractère, les relations émotionnelles et leur influence sur les faits demeuraient trop nébuleux, à la limite de la divination, dans leurs esprits.
- Tu ne viens pas te coucher ? demanda Marc d'une voix douce.
Ludivine aimait ses intonations. le grave de sa gorge, ses modulations au sein même d'une seule phrase, comme un accent unique, quasi imperceptible. "Un jour viendra où ça m'agacera, ou j'aurai envie de lui dire de parler normalement à chaque fois qu'il ouvrira la bouche", pensa-t-elle avec dureté. N'était-ce pas la dynamique prédictive de l'amour ? Tout ce qui nous séduit un jour finit par nous repousser le suivant...
Le requin l'avait mordue. Et elle savait ce qui allait suivre. Il était trop tard pour le fuir à présent. Il allait l'entraîner le plus bas possible avec lui, jusqu'à ce qu'elle s'épuise.
Puis il la dévorerait dans le calme et la torpeur des abysses aveugles. Et il n'y avait plus rien qu'elle puisse faire pour l'en empêcher.
Encore vivante, et pourtant déjà morte.
Celui qui combat des monstres doit prendre garde à ne pas devenir monstre lui-même. Et si tu regardes longtemps un abîme, l'abîme regarde aussi en toi. - Page 25
On fait des plans, on consomme une énergie folle à baliser son existence, et puis la vie passe par là et fout tout en l’air pour nous rappeler que nous n’aurons jamais le dernier mot. Ce serait trop facile. - Page 13
𝑷𝒐𝒖𝒓𝒒𝒖𝒐𝒊 𝒅𝒆́𝒔𝒊𝒓𝒆𝒓 𝒔𝒊 𝒂𝒓𝒅𝒆𝒎𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒔𝒆 𝒑𝒍𝒐𝒏𝒈𝒆𝒓 𝒅𝒂𝒏𝒔 𝒍𝒂 𝒕𝒆̂𝒕𝒆 𝒅𝒆 𝒄𝒆𝒔 𝒎𝒐𝒏𝒔𝒕𝒓𝒆𝒔 ? 𝑸𝒖’𝒆𝒔𝒕-𝒄𝒆 𝒒𝒖𝒆 𝒄𝒆𝒍𝒂 𝒓𝒂𝒄𝒐𝒏𝒕𝒂𝒊𝒕 𝒅’𝒆𝒍𝒍𝒆-𝒎𝒆̂𝒎𝒆 ? 𝑸𝒖𝒆𝒍𝒍𝒆 𝒇𝒂𝒔𝒄𝒊𝒏𝒂𝒕𝒊𝒐𝒏 𝒑𝒐𝒖𝒗𝒂𝒊𝒕-𝒊𝒍 𝒚 𝒂𝒗𝒐𝒊𝒓 𝒂̀ 𝒄𝒆𝒍𝒂 ? 𝑸𝒖𝒆 𝒄𝒉𝒆𝒓𝒄𝒉𝒂𝒊𝒕-𝒆𝒍𝒍𝒆 𝒂̀ 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒓𝒆𝒏𝒅𝒓𝒆 𝒆𝒏 𝒗𝒐𝒖𝒍𝒂𝒏𝒕 𝒅𝒊𝒔𝒔𝒆́𝒒𝒖𝒆𝒓 𝒒𝒖𝒐𝒕𝒊𝒅𝒊𝒆𝒏𝒏𝒆𝒎𝒆𝒏𝒕 𝒍𝒆𝒔 𝒎𝒆́𝒂𝒏𝒅𝒓𝒆𝒔 𝒅𝒆𝒔 𝒑𝒊𝒓𝒆𝒔 𝒑𝒆𝒓𝒔𝒐𝒏𝒏𝒆𝒔 ?
A force de devoir poser le regard sur les rides des cadavres, ses yeux s'étaient appesantis du poids de la mort. C'était son diagnostic.
Cela passerait par un nouveau cadavre. Ludivine connaissait cette politique cynique qui s’emparait parfois des enquêteurs. Lorsqu’ils étaient à court de piste, démunis, et qu’ils en venaient à souhaiter un nouveau mort pour nourrir leur espoir d’enfin en tirer une information utile. C’était le pire dans une enquête criminelle, accepter sa défaite et se résoudre à laisser la main au meurtrier. Le genre de pensée qui vous fracassait.
Chloé ne se sentait même plus humaine, juste un bout de chair. Mais, l’était-il lui, humain ?