La nature est impitoyable. Ce sont les hommes qui s’attachent à lui donner un semblant de douceur, de cohérence, là où il n’y a rien de tout ça.
Après tout, l’amour et la mort n’étaient jamais bien loin l’un de l’autre, mieux valait ne pas gaspiller ses chances avec le premier.
On ne nait pas monstre, on le devient. La cruauté est le virus de l'humanité, hautement contagieux, surtout sur les tendres psychés en construction. Elle brise pour mieux s'implanter, à coups de dégâts irréversibles. Elle détruit et remplace, semblable à un programme informatique, sans états d'âme, sans hésitation, implacable. De toute évidence les traitements inhumains corrompent l'essence de la victime, grattent la coquille fragile de toute matière souple, la curent, la nettoient, et remplacent le vide par ce qu'elle est elle-même : de l'inhumanité. Les monstres naissent dans l'enfance.
Quelques minutes de réalité ne peuvent rivaliser avec des mois de fantasmes. Frustration. Déception.
L'amour c'est de la tolérance.
L'amour n'a de prise que sur nos anfractuosités, il émerge de nos fissures, rien ne perdure sur une âme lisse.
Les seuls monstres qu’on rencontrait n’étaient-ils pas, après tout, ceux qu’on se créait soit-même, avec ses peurs et ses névroses ? Ils jaillissaient de nos propres failles. Ne disait-on pas « nos démons » pour évoquer nos tourments ?
Décortiquer le pire de l’homme, c’est se rassurer sur tout le reste, non ?
On fait des plans, on consomme une énergie folle à baliser son existence, et puis la vie passe par là et fout tout en l'air pour nous rappeler que nous n'aurons jamais le dernier mot . Ce serait trop facile.
Car Claire ne lisait pas de romans, ou très peu. Seulement pendant les vacances, le reste de l'année, elle n'avait soit pas le temps, soit pas l'énergie, hormis pour les récits criminels, mais ça n'était pas de la fiction, et certainement pas des auteurs célèbres. Cela ne l'intéressait pas point comment pouvaient-ils parler de la vraie vie, eux, , éloignés des véritables problèmes du monde, alors même que tout allait pour le mieux dans leur existence ? Gavé de succès, de fric et isolés dans une routine qui n'avait rien de commun avec celle des gens ordinaire. Claire ne croyait pas une seconde qu'ils puissent être capable de raconter la réalité. Et c'était ce qui lui plaisait, à elle, dans un livre, de se reconnaître dans un récit, dans les problématiques des personnages point du concret, du terre à terre.