Léger comme le vent, solide comme la terre, dangereux comme le feu, bon avec son prochain et inflexible avec celui qui méritait sa colère.
Dieu a fait les hommes tendres et cassables parce qu’ils viennent de l’argile
Les meurtriers préfèrent généralement qu’on ne découvre jamais leurs cadavres, c’est pas logique ton histoire.
Ludivine prit les pochettes des mains du cocrim.
– C’est lui, dit-elle après avoir rapidement feuilleté les documents. Aucun doute, c’est le même coupable. Nous avons un tueur en série sur les bras.
Un instantané de mort. Des taches d’encre formatées sur du papier blanc, un petit bloc en tout, agrafé par le coin. Ludivine voyait du sang sur de la peau. Des gestes et des émotions. Confusion… saturation… terreur… Mais aussi l’autre côté : excitation. Contrôle. Pic d’adrénaline. Maîtrise. Décharge émotionnelle. Organisation. Obsession. Une aberration. Voilà ce que Ludivine pensait de cette scène de crime.
Marc Tallec se contenta de mâcher en la fixant. Il était beaucoup plus grand que Ludivine et elle se sentit soudain toute petite, ce qui n’était pas dans ses habitudes. Il y avait quelque chose d’intimidant dans l’intensité du regard de cet homme, dans sa stature.
Ceux que nous considérons comme radicaux peuvent l’être dans toutes les religions. Nous sommes en démocratie, libres d’avoir nos convictions, tant que nous ne poussons pas à la haine et à la violence.
Pour tout cela, sa mère avait fini par le surnommer Djinn. Esprit de l’air et du sable, âme du feu, tour à tour bon génie ou démon. Djinn était tout cela.
La DGSI dépêchait-elle vraiment un agent directement sur le terrain dès qu’un fiché S disparaissait ? Suivre l’enquête à distance, exiger un rapport détaillé, pourquoi pas, mais Ludivine sentait qu’il y avait autre chose qu’on ne lui disait pas. Les services secrets, lefanatisme religieux et ses zones d’ombre, il n’y avait rien là pour la rassurer.
Cette affaire sentait de plus en plus mauvais.
La dématérialisation permanente l’inquiétait, nos passions perdaient leur corps, nous n’en gardions plus que l’âme, stockée numériquement, peu à peu nous ne nous entourions que des fantômes de nos plaisirs, songeait-elle. Décorporer tout ce qui divertissait le plus l’homme,était-ce la première étape nécessaire avant d’envisager la dématérialisation de l’homme lui-même, un jour ?