Cette fille n'était pas reconnue pour l'étendue de sa culture, mais elle lisait et cela, ajouté à une bonne dose de curiosité, avait suffi à lui constituer un bagage de survie en milieu intellectuel à forte tendance à l'étalage.
Les services d'anthropologie prélevait la tête d'un corps inconnu et la mettaient à bouillir dans une grosse Cocotte minute jusqu'à ce que toute la chair se décolle et libère totalement le crâne. Pour éviter que l'odeur de la mort ne se répande dans tout le département, il était généralement ajouté des cubes de bouillon dans l'eau.
- Tu crois qu'ils s'abandonnent totalement, ceux que l'on traque ?
- À Dieu ? Oui. Je pense que pour certains c'est plus facile de vivre ainsi, entièrement soumis, ça les débarrasse de toute responsabilité puisque tout est sa volonté. D'autre s'abandonnent à lui parce qu'ils ne supportent pas qui ils sont et c'est donc un moyen de se nier. Certains parce qu'ils ont peur, parce qu'ils sont terrifiés par la vie, et cela donne un sens à la mort qu'ils se mettent à chérir. Quelques uns sont bêtes, et ils font ce qu'on leur dit. Et ainsi de suite...
Il avait raison, le monde était fait de déceptions, de désillusions, d’injustices. Mais au fond, elle savait qu’il abritait des trésors de vie qui le rendaient tout aussi fascinant, presque pardonnable.
Les pervers dans son genre ne peuvent pas changer. Il ne guérissent pas. Impossible. On voudrait le croire mais c’est statistique: lorsqu’ils ont été si loin dans les ténèbres, ils ne peuvent plus revenir dans notre monde. Ceux qui ont basculé ne reviennent jamais.
Les terroristes islamistes s’enfonçaient dans cette brèche pour l’agrandir à chaque attentat, creuser une faille susceptible d’absorber tout le monde. Un plan bien préparé pour que l’islam soit pointé du doigt par les esprits moins subtils, un peu plus à chaque attentat, pour que les amalgames se fassent, pour opposer deux pans de la société, et qu’à terme les musulmans se sentent de plus en plus isolés et stigmatisés jusqu’à ne plus se sentir libres dans leur foi. Jusqu’à ce qu’ils choisissent l’exode ou la guerre sainte. C’était le plan des islamistes.
Le grand djihad c’est la lutte intérieure de l’individu contre les vices, un combat spirituel pour se purifier, pour être sur le bon chemin en quelque sorte, prêt à faire le petit djihad, celui que nous connaissons tous à travers les médias : la guerre sacrée contre les infidèles. La plupart des djihadistes doivent passer par là, affronter leurs démons pour être aptes à servir correctement leur cause.
Un grand classique en taule. Les recruteurs salafistes sont des malins. Ils repèrent les plus fragiles, les types isolés, et s’arrangent en général pour que leur cible passe un mauvais moment. Lorsque le mec est à bout, ils l’approchent en bons Samaritains, ils le prennent sous leur aile, le rassurent, le protègent, et commencent alors leur bourrage de crâne. Peu à peu, ils en font un des leurs. C’est long plusieurs années de prison lorsque chaque jour, chaque nuit, encore et encore, vous vous sentez menacé. Sans protecteur, sans famille, les plus doux ne tiennent pas. Mais les frères salafistes sont là pour les aider, et ils leur montrent comment leur ressembler, comment être fort, grâce à la religion. Leurs cibles sont des gars déstructurés, souvent sans figure paternelle, sans modèle, en tout cas qui n’ont aucun cadre, qui manquent de repères, et qui ne trouvent aucun sens à l’existence. Les frères leur montrent alors comment l’islam explique tout, la route à suivre, les limites, ce qu’il faut faire et croire, et la religion vient pallier tous les vides. Le type se convertit parce qu’il se sent enfin exister, qu’il trouve une place, et que le monde devient cohérent selon sa nouvelle foi. Et lorsqu’il sort, c’est pas fini! Ils lui trouvent un boulot, voire une femme s’il n’en a pas, et le mec a le sentiment qu’il a enfin une famille, un code de conduite et un but dans sa vie, tandis que le système n’a jamais rien fait pour lui à part le détruire. Et voilà.
Dans plusieurs décennies, les livres d'histoire enseigneront que la troisième guerre mondiale a débuté le 11 septembre 2001.
- Les services secrets français utilisent parfois la torture ?
- Tu plaisantes ? On est pas dans un film ! Bien sûr que non. Je ne te dis pas que la DGSI ne brusque pas un peu ses clients de temps en temps, on peut parfois aller loin pour foutre une peur bleue à quelqu’un, mais ça s'arrête là.
- Même lorsque la vie de centaines de citoyens est en jeu ?
- De toute façon, la torture ne donne rien. Rien du tout. Sous l’emprise de la souffrance, une personne te dira tout ce que tu veux qu’elle te raconte, même des conneries si nécessaire, du moment que ça s'arrête. Et puis... nous ne sommes pas des psychopathes, ajouta Marc. Je suis un flic, comme toi, habilité secret défense, mais c’est tout. T’imagine pas tout un tas de trucs sordides, c’est dans la fiction tout ça.