Comme il existe des minutes de silence, ne pourrait-on instaurer des minutes de pure beauté ? Organiser des arrêts sur images, quand un tableau, un paysage, un visage nous saisissent de leur somptuosité ? Si les églises sont des lieux dévolus à la prière, les musées ne sont-ils pas des lieux faits pour communier autour de la beauté ? Y règnent une même ferveur, une même densité de pensées et d'émois. Il serait fascinant de multiplier des lieux publics, faciles d'accès, offrant l'occasion de fraterniser dans cette onde d'admiration collective.
Ainsi la Beauté ne meurt jamais, elle se retire, elle mue parfois, elle se maquille ou se dissimule, pour ne figurer qu'abstraitement comme clandestinement par temps de détresse.
Quand il était impossible de dire la terrible réalité qui, au milieu du siècle dernier, a réellement ressemblé à l'horreur, l'atrocité incarnée s'est cachée sous l'irreprésenté. Ce n'est pas par hasard si l'art abstrait précède et suit Auschwitz. Il n'y avait pas d'autre réponse au pire que de tout changer, tout défigurer, tout casser afin, demain peut-être, de recommencer l'art en reprenant les b.a.-ba.
Les beautés marchandises n'auront pas droit de cité ici. Seule la grande, la vraie, celle qui depuis la plus haute antiquité tient en éveil artistes, amoureux et amateurs, se cherchera au fil de ces pages. Celle que tout un chacun ne se trompe jamais en la constatant.
L'approcher, s'approcher de la beauté sans s'y brûler, voilà l'enjeu.