Jusqu’au tombeau, chaque partie de ma famille a nommé mésalliance le mariage de mes parents. Au point que je me suis souvent sentie un produit avarié. Abâtardie. La famille pauvre, comme la riche, ne s’est pas remise d’avoir fabriqué ce mélange hybride, ces gamines engendrées dans le désarroi, la rancoeur et la mésestime.
Tenir debout, s'habiller de sale, casser la glace pour se débarbouiller et y aller. Affronter tous les aléas du dehors jusqu'à la mine. Le chagrin du quotidien. Aller au charbon reste synonyme du pire, métaphore préférée de la misère. Ce sont des métiers pour mourir, pas pour vivre.
Ce n'est pas l'argent qui fait la différence mais la culture, le sens de la beauté, le goût pour l'art et le raffinement.
Refuser le monde qu'on nous offre. Le refuser en tremblant au bord du vide. C'est ça 1968.
La guerre sème
cette terreur intime
qu'on appelle exil.
La Mine tue autant
sinon davantage
qu'elle fait vivre
Il y a théâtre et mélodrame à toute heure au château de l'enfance.
En fait d'apprendre la langue, il hérite de gonocoques "quite british" et d'un accent oxfordien grotesque et démodé, dont il use pour prononcer même les mots français. Il ne parlera jamais un autre anglais que ce mélange, où se dégage un accent XVI° nord mâtiné de mots british dont il ignore le sens et qu'il place à mauvais escient avec un toupet monstre.
Adulte avant l'heure elle ne connaît
ni l'enfance ni l'adolescence
ce luxe de bourgeois .
Dans ce Nord, le XIX° siècle s'éternise. Le patronat marche main dans la main avec l'Eglise afin de mieux enchaîner ses esclaves à leurs mines en les culpabilisant à tout instant. Du fond du poêle à charbon, on les surveille.