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Critique de CDemassieux


« Intimement liée à sa vie, la poésie de Chavée participe à sa propre légende, celle d'un homme, aux convictions très tôt établies au contact des réalités sociopolitiques, qui se consacra entièrement à la défense de ses idéaux tant politiques (quitte à se tromper), que littéraires ou artistiques », écrit Gwendoline Morán Debraine dans la postface très instructive de cette anthologie de la poésie d'Achille Chavée, surréaliste belge, l'autre pays du surréalisme au regard des Henri Michaux (quoique naturalisé Français), René Magritte et Paul Delvaux, pour ne citer que ceux-là…

Onirisme, écriture automatique, psychanalyse, etc., les thématiques surréalistes sont bel et bien présentes dans ce recueil, dont certaines pièces dédiées à des figures majeures du mouvement comme Paul Eluard ou André Breton (auquel Chavée dédie son poème « Identité », l'un des plus marquants du recueil).
La poésie de Chavée ne triche pas : « Je serai peut-être un jour / Dernier mendiant d'authenticité. » Elle est désenchantée : « Pour moi / depuis longtemps déjà / le visage du monde est brûlé. » Mais elle demeure libre, une liberté sans concession : « Quand tu croiras te sentir / prisonnier de la liberté / ce n'est pas Elle qu'il faudra tuer / c'est toi. »

Puis il y a ces vers gorgés de la mélancolie du temps qui passe : « Nous avions dépassé sans le savoir / les détroits de l'enthousiasme » ; « Que reste-t-il encore à dire / de nos deux coeurs abandonnés / aux barbelés du devenir ? » Et sans doute le plus beau vers : « Sous les ponts de l'amour coule le temps. »

C'est peut-être pour cela, pour conjurer la clepsydre qui se vide inexorablement (dixit Baudelaire), que le poète convoque si souvent son enfance jusqu'à la capturer : « En suivant le conseil / je mis du sel / sur la queue de l'oiseau merveilleux / de mon enfance / et l'ayant capturé / je m'en nourris toute ma vie. »

Le temps passe et la mort ne saurait être ignorée : « Voilà que tu m'apparais nue / et que pour moi tu te consens plus belle », dit le poète à la Faucheuse. Mais la mort c'est d'abord celle de la mère adorée jusque dans les confins oedipiens : « et ce fut elle qui mourut / maman / (je n'ose y réfléchir) / en lieu et place de mon désespoir. »

Pourtant, « Cristal de vivre » clame tout ce que Chavée – cet homme-éléphant, ce Peau-Rouge, comme il voudra ! – aurait voulu être et faire, notamment : « vous présenter / le merveilleux bouquet de roses sans épines / que je n'ai pas trouvé. »

Après la poésie viennent les aphorismes, dont certains sonnent comme des sentences : « le fanatique de la tolérance finit un jour ou l'autre dans la tolérance du fanatisme. » Il y a celui-là : « Jamais un coup de canon n'abolira la balistique » pour « Un coup de dés jamais n'abolira le hasard », de Mallarmé ; hommage notable… Chavée fait même de l'esprit, avec brio : « le splendide collier de l'originalité n'est jamais exempt de quelques perles de mauvais goût. »

Enfin, en ce qui concerne les remarquables illustrations – particulièrement celle de la page 149, à la fois christique et noire comme un enfer de solitude –, elles éclairent le texte avec élégance et sans le pervertir.

Je remercie infiniment Espace Nord pour cette découverte, ainsi que Babelio, cela va sans dire !

(PS : Notons toutefois que la démagogie anachronique d'un certain Pascal Lemaître, relative aux réfugiés, en fin de volume, était tout à fait évitable.)

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