Mgr B. : « J’ai là votre travail. C’est intéressant et j’y ai trouvé beaucoup de choses que j’ignorais, des choses qui paraissent troublantes, en effet. Mais j’ai réfléchi, et je crois que vos arguments portent à faux, en ce qui concerne, par exemple, la formation que donne le séminaire. Voyez-vous pour supporter certaines vérités, il faut des têtes exceptionnellement solides. Nos curés de campagne, qui sont le plus grand nombre, n’ont pas besoin de connaître toutes les discussions qui ont entouré la mise au point du dogme, ni les conflits qui ont pu diviser autrefois les dignitaires de l’Eglise. Cela ne pourrait que troubler l’esprit de ces braves gens. Le dogme c’est exactement la théorie du soldat : on ne doit pas raisonner avec lui. Et les sous-officiers n’ont pas à se mêler de stratégie. L’Eglise, qui se propose de mener les hommes, a choisi ses moyens. Je crois qu’elle les a bien choisis. La discipline rend plus de services que l’intelligence. L’esprit de fanatisme est supérieur à l’esprit philosophique, qui fut toujours un dissolvant, l’histoire est là pour le prouver. Ce que vous avez découvert dans vos recherches d’autres ne l’ont pas ignoré, qui n’étaient pas les premiers venus. S’ils ont laissé le silence recouvrir peu à peu certains évènements du passé, soyez persuadé qu’ils avaient de bonnes raisons de le faire »
On n’apprend pas aux enfants à comprendre, à aimer la nature. On leur laisse ignorer qu’il existe ce grand fleuve sacré, fait tout exprès pour les ablutions de l’âme. On ne leur dit pas qu’il existe toujours les fêtes mystiques de l’aurore, et que chaque jour, à sa naissance, ramène un instant lustral dont l’éclat fugitif ressuscite la virginité des vieilles époques accomplies, durant lesquelles, dans un tournoiement d’astres en fusion, les genèses hésitaient encore à se prononcer. On ne leur enseigne pas à capter ce que les matins et les soirs, au point culminant de leur évolution, contiennent d’exaltant et d’apaisant. Comment, alors, s’étonner que Nusillon et Patafiat, qui recevaient, dans les greniers du collège, ce baptême, en fussent à la fois remués et grandis ? La bouche ouverte, presque sans bouger, et reniflant tout à l’heure, ils ne pouvaient se détourner du spectacle admirable.
Oubliant de jeter un regard en arrière, oubliant de réfléchir à ce qu’ils sont, et de se demander quelles vertus personnelles les rendraient dignes d’un exceptionnel mérite de leur sang, les parents ont tous, plus ou moins, la rage d’avoir engendré des petits merles blancs, de la graine de saint ou de grand homme. étendant à leur progéniture les vanités qui les animent, il voudrait celle-ci belle à ravir, surprenante, admirable en tous points. Ce qui fait que l’on finit souvent par demander aux enfants, en dépit de leurs hérédités pitoyables, bien davantage qu’on n’exige des hommes eux-mêmes