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Citations sur Le soleil des morts (32)

Oui, j’ai vu un spectre…
Assis sur un tertre, je méditais, et tout à coup, j’entends derrière moi un bruit étrange, précautionneux. Derrière moi se tenait… un spectre, et il me regardait. C’était un enfant de huit à dix ans, à grosse tête sur un cou maigre comme un petit bâton, les joues creuses et grises, les yeux terrifiés. Ses lèvres blêmes, collées aux gencives, il montrait ses dents bleues, prêtes à happer. Il semblait rire avec elles et avec ses oreilles, écartées comme des oreilles de chauve-souris.
Je regardai avec terreur cette apparition d’un monde malade. Riant des dents, il se balançait sur ses jambes maigres, comme sur des ressorts. D’une voix rauque, il me jeta un seul mot, presque incompréhensible :
– Do… onne…

(p. 287)
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Assis sur un tertre, je regardais, par-delà la petite ville, le cimetière. J’épiais la vie des morts. Quand le soleil se couche, la chapelle du cimetière flamboie magnifiquement. Le soleil rit aux morts. Je regardais, en résolvant le problème vie et mort. Le miracle peut-il exister ? Le Ciel s’ouvrira-t-il ? Et existe-t-il quelque part, ce Ciel ?… (…) Je resterai témoin de la vie des morts. Je boirai tout le calice…

(p. 286)
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L’histoire ne tient aucun compte des terrains vagues, des berges des rivières désertes, des fosses à ordures, des taudis, des fillettes russes qui troquent contre des pommes de terre leurs corps d’enfants ; elle n’a cure des vétilles. Elle est occupée de trop grandes choses et de trop grands exploits pour prendre son vol sur ces vétilles !… Elle inscrira ceux qui communiquent par radio avec l’univers, ceux qui passent des revues sur les places, ceux qu’on invite aux congrès et qui portent les fracs décents d’un tailleur de Londres ; elle ne parlera pas de toi, Ver-perche ; elle parlera de ceux qui, en votre nom, gens perdus, décident du sort de votre descendance sacrifiée. Mille plumes notent en criant ce qui est agréable à leurs oreilles ; mille plumes vendues et menteuses étouffent le bruit de vos gémissements bègues.

(p. 182)
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– Et Kouleche est mort… me dit Lalia en mâchant, mort de faim…
– Oui, Kouleche est mort. Il a cessé de souffrir. Toi, as-tu peur de la mort ? (…)
– Non… De quoi aurais-je peur ?… répond-elle en cassant une coque avec ses dents. Maman dit que lorsqu’on meurt sans souffrir, c’est comme si on dormait… Dormir, et ensuite tout le monde ressuscitera. Et tout le monde sera en chemise blanche, pareil à des anges, avec des petites mains comme ça… Tenez là, sous votre main, sous votre main… une, deux… quatre amandes !
Kouleche est mort. Il est allé recevoir la chemise blanche et voir les petites mains comme ça… Il ne souffre plus.

(p. 172-173)
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C’est donc l’automne, et le Babougane annonce les pluies…
Au petit jour viennent me voir des êtres humains, qui ne sont déjà plus de ce monde… Ils me regardent, regardent en moi, dans le calme pétrifié de l’aube, avec des yeux suppliciés… Les yeux éteints des animaux sont pleins, eux aussi, de leur douleur d’incompréhension et d’angoisse ; pourquoi regardent-ils ainsi ? Que demandent-ils ?…

(p. 171)
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Je ne prends plus les routes. Je ne parle plus avec personne. La vie est une lampe qui a fini de brûler ; maintenant, ça charbonne. Je regarde les yeux des animaux. Mais il n’en reste guère.

(p. 170)
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Les vaches elles-mêmes ont disparu dans le vent. Il ne reste, dans la ferme muette, que le vide et le sang. Grichka Ragouline, le grêlé, un matelot désinvolte et avide, tout récemment encore voleur de poules, commissaire du district pour les forêts et les routes, vint une nuit chez la servante du lieu, et la tua, d’un coup de baïonnette dans le cœur, parce qu’elle lui résistait. Les enfants, à leur réveil, à l’aube, trouvèrent leur mère la baïonnette dans le cœur. Les femmes lui chantèrent le "Requiem", et crièrent tout haut l’offense faite à leur sœur de labeur, demandant que l’assassin fût jugé. On leur répondit à coups de mitrailleuse. Grichka-le-désinvolte ne passa pas en jugement ; on l’envoya… faire le commissaire plus loin.

(p. 134-135)
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Quittez vos vénérables bureaux, confortablement éclairés de douces lampes, et les milliers de volumes dont les reliures dorées cachent la réalité nue de la vie ; allez-y voir vous-mêmes ! Vous n’aurez plus sous les yeux du papier couvert de mots : vous verrez des âmes vivantes ensanglantées, rejetées comme des détritus. Vous verrez tout, si seulement vous voulez voir !…

(p. 132)
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Je ne sais quelle est la capacité de travail des abattoirs de Chicago. Ici la chose était plus simple. On tuait et enterrait ; ou, tout simplement, on remplissait les gorges de cadavres ; ou, encore plus simplement, on les jetait à la mer. Cela, de par la volonté des gens qui avaient découvert le secret de rendre heureux le genre humain. Il fallait, pour cela, commencer par des abattoirs humains.

(p. 52)
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Je sais bien, maintenant, comment tremblent les poules, comment elles se faufilent dans les églantiers, sous les murs, comment elles se glissent dans les cyprès, comment elles frémissent, en allongeant ou rentrant leur cou, comment elles clignent leurs pupilles effrayées. Je sais bien comment les hommes ont peur des hommes – sont-ce des hommes ? – comment ils fourrent leurs têtes dans les trous et creusent en silence leurs tombes…
Cela sera pardonné aux vautours – c’est là leur nourriture de chaque jour.
Nous mangeons des feuilles et tremblons devant des vautours ! La petite voix de Lalia effraie les mangeurs de charogne ailés… Mais les yeux d’une enfant n’effraient pas ceux qui viennent tuer.

(p. 48)
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