Si Bonaparte avait trouvé des motifs suffisants dans l’amour, le bonheur, les intérêts, il n’eût conquis que ce dont il avait besoin. Mais son goût pour l’invasion grandissait, inversement proportionnel à ses besoins immédiats : il s’agissait en somme d’une fugue à travers le monde, sans calcul, sans finalité ni but.
Penser, c’est méditer le désastre.
Sans amour, tout est rien.
Le verbe est né de la douleur. Mais il lui fut inutile. Et la douleur perpétue son propre manque de fondement…
Le mal est notre sens ascendant ; la défaite, notre élévation.
L’errance dans l’indéfini est notre marque à tous. Nul paradis, et nulle soif de celui-ci. Une nostalgie qui n’a d’infini que son inaccomplissement. Voici tout ce qui, en nous, est positif : nous avons transformé la malchance en charme. Nous avons donné un sens vivant à la négation.
Au pays des Roumains, rien ne réussit. Tout se passe autrement. Notre manque de chance est une poésie sans rythme, un chant antérieur à l’inspiration, l’ébauche d’une impossible mélodie. Un hymne négatif, voilà notre vie. Il ne pénètre pas l’espace : il s’émousse, tel un parfum ou une puanteur d’absurde, au contact de vibrations venues de nulle part.
Rien ne survit à l’amour, hormis le regret de lui survivre. Regret accentué par l’amour de la musique.
Quand l’esprit soupire, le printemps devient automne. Et qu’importe le souffle désireux d’inviter aux frissons qui pourrait bruire sous les feuillages de l’espoir : à l’approche du vieux Destin, le noyau de la pensée se dessèche.
L’existence est une métaphore de l’impatience, l’étendue que s’offre la débauche impétueuse de l’homme.