Il n'éprouvait aucun intérêt pour les oeuvres mais l'admirait, elle, au milieu de cet univers artistique, de ces murs couverts de peintures à l'huile figurant des dieux grecs aux silhouettes harmonieuses, des anges et des vierges immaculées qui, comme lui, contemplaient depuis les quatre coins de la pièce la beauté de cette jeune femme. Elle était comme cette pyramide étincelante au centre de la cour qui avait fini par se fondre dans l'atmosphères artistique de son environnement et dont l'absence aurait inévitablement provoqué un manque. Luo Ji s'enivrait de cette vision onirique, laissant le temps s'égrener au ralenti.
Quelle est ta saison préférée ?
- L'automne. - Pourquoi pas le printemps ?
- Le printemps... Trop de sentiments se bousculent. C'est éprouvant.
L'automne c'est très bien.
- Alors la littérature est quelque chose d’obsessionnel ?
- C’était au moins le cas pour Shakespeare, Balzac ou Tolstoï. Les classiques qu’ils ont créés sont nés de leurs utérus mental. Mais les écrivains d’aujourd’hui ont perdu ce pouvoir de création, leurs esprits ne donnent plus naissance qu’à des fragments désagrégés, à des fœtus difformes dont les vies éphémères ne sont que des spasmes obscurs et irrationnels…..
Mes enfants, votre aïeul doit-il vraiment vous envoyer dans un lieu où la nuit est éternelle ?
Je rêve qu'un jour un rayon de soleil suffisamment brillant puisse éclairer la forêt sombre.
Le silence est le plus grand des mépris.
Dans cette forêt, l'enfer c'est les autres. Une éternelle menace. Chaque créature qui dévoile son existence est très vite anéantie.
Il savait que s'il voulait échapper à la réalité, le mieux c'était de s'immerger dedans.
L'Univers réel est sombre, dit Luo Ji en secouant la main, comme s'il voulait toucher le velours de l'obscurité. L'Univers est une forêt sombre dans laquelle chaque civilisation est un chasseur armé d'un fusil.
Sa mémoire était une rivière asséchée dont le lit ne contenait plus que des cailloux sans vie.